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Peut-on sauver le projet Gara Djebilet ?
De fabuleuses richesses en minerai de fer inexploitées
Publié dans El Watan le 17 - 02 - 2013

Gara Djebilet. «Sateh El Kamar», surface de la Lune. C'est le nom que donnent les Tindoufis à ce bout de terre aux reliefs lunaires perdu à plus de 130 km au sud-est du bassin de Tindouf, le plus occidental en territoire algérien. Gara Djebilet — avec Mechri Abdelaziz, gisement moins connu, situé à 250 km à l'est —, est «la» mine à ciel ouvert dont le mythe associé à l'eldorado aux richesses inépuisables a bercé des générations d'Algériens.
Cent cinquante kilomètres d'étendue rocailleuse, de la frontière mauritanienne à l'ouest jusqu'aux premiers cordons dunaires de Erg Iguidi à l'est, essaimée de ce minerai magnétique, de teinte foncée noir bleuté, noir brun ou noir rougeâtre, que lui confère la présence en abondance de la magnétite, le minerai de fer à l'état naturel. Paysage à vous couper le signal. Le survol de la région est d'ailleurs interdit à l'aviation, car au-dessus de ce mégachamp magnétique, les boussoles et appareils électroniques s'affolent. Un eldorado à deux heures et demie de route de Tindouf. A quelques check-points de l'armée algérienne (et du Polisario) qui, dès l'entrée de Rabouni (ex-Hassi Robinet), le premier des camps de réfugiés sahraouis et le siège des institution de la RASD barrent la route, l'extension de la RN50 menant vers Adrar et sa nouvelle province gazière et vers la Mauritanie par la route de Choum, ndlr.
Mercredi 16 janvier. Gara-Ouest. Une des trois lentilles composant le gisement ferrugineux de Gara Djebilet, localisée à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec la Mauritanie. «On roule sur de l'or et nous n'y prêtons même plus attention», lance, impressionné, le géologue Amar Chikar, directeur de l'énergie et des mines de Tindouf. De l'autre côté de la frontière, le 13e producteur de fer au monde, la Mauritanie qui en tire 94,9 % de ses revenus.
Plantée au beau milieu ce no man's land, en cette zone d'aridité extrême — moins de 50 mm d'eau de pluie/an — une usine de concassage résiste merveilleusement bien aux éléments. L'assise en béton armé et l'armature métallique gardent la couleur de l'écoulement premier, mis à part quelques plaques en zinc sans doute emportées par les vents d'ouest, le bâtiment paraît intact. Aussi intactes que le sont, à l'intérieur, les mastodontes installations de la Société française de matériels électromagnétiques (Serem). Quelques modules sont vandalisés et des câbles électriques pendent çà et là. Du minerai concassé traîne sur le tapis roulant, témoin d'un arrêt brutal de l'exploitation (expérimentale) qu'a connu le site. La carcasse d'un vieux dumper gît sur le sol, à quelques dizaines de mètres des puits d'extraction du minerai et de la bâche à fuel. Au loin, en haut de la lentille, au-dessus de ce trésor en jachère, somnole un poste de gardes-frontière alimenté à l'énergie solaire.
Planète noire, minerai acide
Le drapeau national flotte au-dessus du mégagisement, le troisième au monde, et dont le contrôle a été hier au cœur de la stratégie coloniale dans l'Ouest-Sahara, à l'origine d'une guerre fratricide algéro-marocaine, et qui aujourd'hui suscite les convoitises de blocs mondialistes et multinationales (ArcelorMittal steel, indo-européen, Vale, Brésil, Rio Tinto et BHP-Billiton, Australie et anglo- americain, Afrique du Sud).
Sur ces Gara (collinette, en parler hassania) de fer, capricieuses et indestructibles, s'est fracassé un demi-siècle d'études protéiformes et kilométriques, de tests et tentatives de mise en valeur et développement du gisement. L'indécision politique, l'environnement sécuritaire et géopolitiques, instable et hostile, l'éloignement du site de la côte nord — port de Ghazaout, le plus proche, est à 1500 km, hypothéquant lourdement la rentabilité d'un aussi important investissement alors que le marché mondial de l'acier est en crise et les cours mondiaux du fer sont en chute libre —, autant d'éléments pénalisants qui s'ajoutent aux défis technologiques qu'exige l'enrichissement du minerai.
Un minerai acide contenant des teneurs en oxyde de silicium (quartz) relativement élevées, d'oxyde d'aluminium ( alumine) entre 4 à 5%, de phosphore (0.8%) et d'arsenic (0.03%). Le traitement métallurgique par haut fourneau, des essais menés par Sider dans les années 1980 pour le compte de l'ex- Sonarem (Société nationale de recherche et d'exploitation minière devenue ORGM, Office national de recherche géologique et minière), s'est avéré non concluant. Il a relevé une faible productivité et une consommation boulimique de coke. Pour faire fondre une tonne de minerai, il faudrait 0,8 à une tonne de charbon (coke). D'autres procédés d'enrichissement (en laboratoire) ont été mis en œuvre. Avec succès. Comme ces tests qui ont montré que le minerai de fer se prête «assez bien» au procédé de la réduction directe par le gaz naturel et que la fusion de l'éponge de fer est possible aussi bien au four électrique à arc qu'au four électrique à résistance de laitier. Toutefois, l'incertitude quant à l'enrichissement du minerai demeure tant que les essais sem-industriels envisagés n'ont pas encore été conduits.
Les projets morts-nés
Soixante ans après la découverte du gisement, les «Projet(s) Gara Djebilet» se suivent et ne se réalisent pas ! Depuis les premières études (Bureau de recherche minière en Algérie, 1953, Bureau d'investissement en Afrique, 1959, Service d'études et recherches minières 1961) jusqu'aux premières tentatives de développement à titre expérimental du site avec l'entrée en scène de la Sonarem — après la nationalisation des mines en 1966 — dont l'effort d'expérimentation a été stoppé net en 1975 suite à la guerre au Sahara occidental), les multiples projets de mise en valeur et développement demeurent otage entre autres de leur «faisabilité».
Sonatrach, propriétaire du gisement
Les avis d'appel internationaux à manifestation d'intérêt lancés par Sonatrach, détenteur depuis 2009 du titre minier (adjudication, exploration) n'ont pas connu le succès escompté. La valse de délégations de grands groupes miniers étrangers sur site n'achoppe d'aucune suite. Resté au stade de la «préfaisabilité», le dernier «projet intégré de Gara Djebilet», mis sur pied en 2005, du temps de Chakib Khelil, alors ministre de l'Energie et des Mines, prévoyait aussi bien l'exploitation proprement dite jusqu'à la production du fer.
Ce projet intégrait l'extraction du minerai de fer avec option pour son enrichissement sur place, son transport par voie ferroviaire (projet de chemin de fer reliant Tindouf à Béchar) vers le nord du pays, une usine sidérurgique proche d'un port en cas d'exportation d'une partie du produit et la construction d'une cité minière près du site appelé à accueillir une importante main-d'œuvre. A la lisière de l'usine de concassage, un convoi de porte-chars et véhicules 4x4 se dirige en cahotant vers la frontière. Les engins de travaux publics appartiennent à l'ex-député Mohamed Salemi et à sa florissante entreprise de BTP qui réalise des tronçons de la nouvelle route, longeant sur 1000 kilomètres les frontières avec la Mauritanie et le Mali jusqu'à Bordj Badji Mokhtar, une route dédiée exclusivement à l'usage militaire.
Tindouf… cherche désespérément train minéralier
Salemi ne croit pas aux justifications avancées par les officiels : les projets mort-nés de Gara Djebilet ne seraient pas une fatalité. «Tout est question de volonté politique», assène-t-il. «La population de Tindouf fonde, selon lui, d'immenses espoirs sur le développement du site, mais elle ne comprend pas pourquoi le gisement n'est toujours pas exploité alors que les Français l'ont fait il y'a plus de 50 ans.»
Ni les conflits du Sahara occidental, encore moins le prix prohibitif du transport, ne tiennent la route. «La question du Polisario n'est pas un facteur de blocage. Nous pouvons aussi bien évacuer le minerai par l'Atlantique via la Mauritanie que l'acheminer vers le Nord, si on se résout enfin à réaliser cette voie ferrée (Tindouf-Béchar) dont est tributaire tout le développement. Car, cela fait des décennies qu'on revendique une liaison ferroviaire. Et à l'heure où je vous parle, celle-ci est toujours au stade de l'étude.» Le train minéralier dont s'est dotée la Mauritanie depuis des décennies, le train le plus long, 200 wagon, et le plus lent aussi au monde, passe par la région de Choum au NE de la Mauritanie où il y a des mines à ciel ouvert
Village Gara Djebilet (Gara- Ouest). A peine une dizaine de kilomètres séparent Gara-Ouest du village de Gara Djebilet, situé à l'intérieur des terres. Deux postes de GGF et gendarmerie, un bureau de poste, une école (à l'abandon), un radar de télédiffusion et une citerne d'eau rongée par la rouille… constituent l'essentiel de ce village solaire (depuis 2000), agonisant à petit feu, petite lumière.
Village minier : l'Exodus
A la vue du directeur de l'énergie et des mines (DEM), les gendarmes égrainent un chapelet de requêtes. Le défaut d'entretien des batteries de la minicentrale solaire, inchangées depuis 13 ans, replonge, chaque nuit, le village dans l'âge de pierre. Seulement douze heures d'autonomie d'électricité/jour. «Dès que vous mettez en marche le téléviseur, le disjoncteur saute. Quant au climatiseur, on n'en parle même pas», se plaint un gendarme. L'été, les baraquements en tôle ondulée, ayant servi de camp aux légionnaires français assurant la protection des techniciens et ouvriers chargés d'explorer le gisement, se transforment en antichambre de l'enfer. L'embryon du village minier s'est vidé pratiquement de toute sa population. En contrebas du camp de base, des maisons en pierre et à porte basse respirent le vide alentour. Deux familles s'y fixent encore avec leurs maigres troupeaux de chèvres. Le vieux Reguibi, Bahdja Salem, coqueluche du camp, fait presque partie du décor.
Ses enfants sont en ville et lui, le pasteur nomade, dont la dorsale Reguibat — saturée de minerais — au sud, porte le nom de sa tribu, dit n'être jamais tenté par le «confort» futile des agglomérations urbaines. «Moi, je ne bougerais pas d'ici», a-t-il décidé. Bahdja raconte, avec une nostalgie non dissimulée, la belle époque de la Sonarem. Il était guide et chauffeur pendant 18 années, a vu les bébés grandir, les semi-remorques transporter «le meilleur fer au monde», dans des fûts, jusqu'à 70 t de minerai par jour, acheminés à El Hadjar. «Avant que tout ne bascule en 1975 ou 1977, je ne sais plus.» «El youm, denia khaouia, el hala tsserfet (Aujourd'hui, l'espace est dépeuplé et la situation est tendue) comme ça», indique-t-il en crispant le poing. Cours de géopolitique sur les sables mouvants de Tindouf : «Houn (ici) Tindouf, poursuit-il, houn El Marouk, Sahra El Gharbia, houn Mauritania, El Mali. L'bled Ketrou fiha Leggouar (Les puissances étrangères débarquent).» La canne du vieux Reguibi, tordue comme l'est sa colonne vertébrale, pliant sous le poids des ans, trace sous le regard interrogateur des gendarmes, les frontières de ce qui nous entoure et nous attend.


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