C'est parce que certains tatouages algériens sont en voie de disparition, que l'auteure Lucienne Brousse a voulu les répertorier dans un ouvrage publié par les éditions Dar Khettab. Le tatouage renferme une signification et un langage propre à certains pays. Ce livre d'une haute portée sémiologique et iconographique est dédié à la mémoire du patrimoine de l'Algérie, à toutes les femmes porteuses d'un si riche héritage. «Même si de nos jours, elles n'en marquent pas la trace sur leur corps, elles le transmettent dans sa riche diversité dans tout ce qui fait le fond des choses du quotidien, par l'artisanat et l'art d'aujourd'hui qui en est marqué : tissage, poterie, vannerie broderie, peinture, gravure… Les significations de ces symboles peuvent être estompées, il en reste une magie, un sens de l'équilibre et de la beauté des formes», écrit l'auteure. Dans l'avant-propos du livre intitulé «Beauté et identité féminine, lewcham, les tatouages féminins berbères des régions de Biskra et de Touggourt», signé par Sabah Ferdi, archéologue, chercheur au CNRA, il est mentionné que l'usage du tatouage remonte à la nuit des temps. Il s'est développé un peu partout dans le monde. «Pratiqué dans de nombreuses cultures, le tatouage est attesté, dès l'époque néolithique dans les Alpes italiennes, par exemple. Les tatouages, semble-t-il, avaient des fonctions diverses : thérapeutiques sans doute, esthétiques assurément et, de façon générale, prophylactiques. On sait que ces décorations corporelles, aux formes déroutantes, étaient censées protéger les zones les plus fragiles du corps humain, telles que les articulations, repousser la malédiction, soigner, protéger, donc, d'une manière ou d'une autre, du mauvais œil». L'auteure, Lucienne Brousse, précise qu'il ne s'agit pas d'une étude exhaustive, historique ou comparative du domaine des tatouages féminins berbères, en particulier dans les Aurès et le Sud de l'Algérie. Il s'agit plutôt d'une restitution fidèle, «un dépôt de confiance». En Algérie depuis 1953, Lucienne Brousse est enseignante, pédagogue et linguiste. Elle a collaboré à la création d'une méthode audiovisuelle pour l'apprentissage de «l'arabe algérien». Elle a été amenée à prendre en considération des études antérieures sur les mêmes régions des Aurès et le Sud, en étendant le sujet à la Kabylie. L'auteure des dessins, la regrettée Eliane Ocre, n'avait aucune connaissance de ces supposées études, auxquelles Lucienne Brousse a pu se référer : celle de Mathéa Gaudry, La Femme chaouie de l'Aurès, et celle de Thérèse Rivière et Jacques Fabulée Les tatouages des Chaouis de l'Aurès. Lucienne Brousse explique qu'elle s'est lancée dans l'écriture de ce livre suite au constat sur la Toile de jeunes garçons et filles, issus de l'émigration, se posant la lancinante question de leurs racines. Ils se posent des questions et y répondent à propos des «signes» que portaient sur leur visage ou encore sur leurs bras leurs aïeux. Elle y a trouvé un nouvel encouragement qui confortait ceux que lui avaient prodigué certains de ces amis intéressés par ce sujet. Elle estime que les nombreuses expositions et les nouvelles publications attestent que le sujet est constamment à l'honneur. L'ouvrage est compartimenté en plusieurs chapitres dont, entre autres, les motifs et leurs dénominations, symboles élaborés et leurs désignations, qui sont les femmes qui portent des tatouages ? Signification et interprétation des signes, le signe du tanit. Il est à noter que l'ouvrage de Lucienne Brousse est rehaussé de dessins exécutés par Eliane Ocre. Elle a passé presque toute sa vie en Algérie, dans les régions de Biskra et Touggourt. C'est grâce à ses dons d'artiste qu'elle a pu répertorier les tatouages des femmes qu'elle a rencontrées tout au long de sa carrière. Le livre est également agrémenté de belles photos en couleur et en noir et blanc, montrant des visages et des mains de femmes tatouées.