Le ministère tunisien de l'Intérieur a averti depuis jeudi dernier les juges et les avocats d'un risque terroriste imminent évalué à 85 %, selon les experts, encouru par le tribunal de Tunis qui gère les dossiers des jihadistes arrêtés en rapport avec les divers incidents qu'a connus la Tunisie. Tunis De notre correspondant La circulation sur le boulevard du 9 avril, à Tunis, est curieusement fluide ces dernières 48 heures. Une artère pourtant connue pour ses embouteillages, notamment le matin au niveau du tribunal. Mais, le stationnement des voitures a été interdit aux alentours de ce tribunal, suite aux forts soupçons sur une attaque terroriste visant cette bâtisse. Les entrées sont désormais filtrées. Les professionnels sont appelés à porter leur badge et les usagers à donner les motifs de leur présence. C'est la première fois en Tunisie que le niveau d'alerte anti-terroriste atteint 85 %, «ce qui représente un niveau très élevé», a constaté le bâtonnier des avocats, Chawki Tabib. «Les autorités sécuritaires ont demandé aux corporations professionnelles de collaborer en matière de dispositions sécuritaires préventives», a-t-il ajouté. Quant à la présidente de l'Association des magistrats tunisiens, Kalthoum Kennou, dont la corporation est censée être visée par cette menace, elle s'est dite «sereine» et a indiqué que «de telles menaces ne sauraient perturber la sérénité des juges dans leur quête pour le respect de l'Etat de droit et des institutions, prêché par la révolution». Prolongation de L'état d'urgence Au niveau officiel, le Conseil supérieur de la sécurité nationale s'est réuni en présence des trois présidents (Gouvernement, Assemblée et République), des principaux ministres et de hauts cadres de l'armée et les forces de sécurité. Suite à cette réunion, le ministre de la Défense s'est prononcé pour la prolongation de l'état d'urgence, en vigueur depuis le 14 janvier 2011 et qu'on a longtemps promis de lever. Il a été également question de recommandations sur la mise en place d'une stratégie globale pour faire face aux défis sécuritaires, le renforcement du contrôle au niveau des frontières pour faire face au terrorisme et à la contrebande, le renforcement de la sécurité dans tous les tribunaux du pays, ainsi que la mise en place d'un plan de neutralité des mosquées. «Si le Conseil supérieur de la sécurité nationale (CSSN) a examiné avant-hier les questions de sécurité des tribunaux et de la neutralité des mosquées, il y a lieu de s'interroger sur le rapport entre ces deux thèmes et la sécurité nationale et si l'on est déjà sur le seuil du terrorisme», a constaté l'islamologue Néji Jalloul. Celui-ci ajoute : «Les autorités ont finalement compris le danger latent de ces discours violents, relayés dans les mosquées». «Lesquels discours sont parmi les facteurs ayant contribué à la montée du risque terroriste en Tunisie. C'est pourquoi le CSSN s'est retrouvé assujetti à discuter la neutralité des mosquées», a-t-il conclu. Il reste toutefois à élucider le risque réel encouru par la Tunisie en termes de terrorisme. «Si le ministère de l'Intérieur a exigé d'interdire le stationnement autour du tribunal de Tunis, c'est pour dégager la vue dans la zone et éviter les risques d'un attentat suicide», a expliqué un expert qui a requis l'anonymat. Pour ce dernier, «le taux de risque à 85% équivaut à une forte probabilité». «Ces mesures de sécurité vont être maintenues pendant longtemps, car c'est la devise en matière de lutte contre le terrorisme des groupes jihadistes suicidaires», a-t-il souligné. Une nouvelle page semble s'ouvrir en Tunisie avec ces soupçons d'attaques terroristes contre des cibles civiles.