L'ensemble de l'œuvre de Ken Loach rappelle les meilleurs films algériens sur la guerre de libération comme Le Vent des Aurès, Noua... Ken Loach place le spectateur devant ce qui s'est passé en 1920 en Irlande, où une rébellion a éclaté pour libérer le pays quand un corps expéditionnaire anglais s'était mis à se comporter comme une armée d'occupation brutale, sanguinaire. Mais cette lutte du peuple irlandais a laissé des blessures très profondes, parce qu'elle a dévié vers une guerre fratricide, comme cela se passe en Irak aujourd'hui. Les insurgés irlandais, mélange d'idéalistes, de romantiques, de réalistes, et jusqu'au-boutistes ne s'entendent pas finalement sur la marche à suivre quand l'Angleterre a convenu de signer un traité pour arrêter l'effusion du sang. Certains révolutionnaires acceptent le compromis. D'autres combattants refusent et veulent mener la lutte jusqu'au bout. La rébellion est cassée en deux. Les anciens camarades se mettent alors à se combattre sans merci. Des familles se déchirent. Des frères deviennent ennemis. Ce film de Ken Loach remet en mémoire la question de l'Irlande. C'est au XIIe siècle que l'Irlande est envahie pour la première fois par les Anglais. Au fil des siècles, les féodaux anglais s'enrichissent en exploitant d'immenses domaines agricoles aux dépens du peuple irlandais, poussé par la misère à émigrer. L'Irlande fournit à l'Angleterre produits alimentaires et main-d'œuvre à bas prix. La misère et la famine sont le lot du peuple colonisé. L'Empire britannique s'est comporté là comme en Inde, au Kenya, avec la plus grande brutalité. Ken Loach et son scénariste Paul Laverty ont dit, lors de la conférence de presse, que les atrocités commises par les Anglais durant des siècles en Irlande sont comparables encore une fois à l'occupation par les Américains et les Anglais de l'Irak aujourd'hui. Le réalisateur a ironisé sur le fait que Gordon Brown (probablement le successeur de Tony Blair) déclare avec virulence dans les coulisses du Parlement à Londres que l'Angleterre doit cesser de présenter des excuses pour l'Empire (encore quelqu'un qui a entrepris de faire le coup de la colonisation positive...). Cette saga douloureuse et sensible sur l'histoire irlandaise est mise en scène avec une force et une intelligence très admirables. Voilà au moins une œuvre qui ne prête pas à controverse à Cannes, comme Da Vinci Code dont il ne subsiste rien dans les souvenirs, même pas le délire médiatique qui a entouré sa présentation à Cannes. L'autre bonne surprise aussi : le film chinois Summer Palace, de Louye. Cela se passe sur le macadam de Pékin en 1989. La jeunesse chinoise manifeste dans la rue, sur la place Tiam An Men. Elle veut plus de liberté. Un incroyable vent de libération souffle sur la ville. Une mer de drapeaux rouges flotte au ciel. Pour la première fois, les jeunes Chinois crient les mots de liberté, démocratie. La grande muraille de Chine a failli vaciller dans ses fondements. Puis, il y a eu la répression et le retour à la normale. On peut penser qu'en Chine aujourd'hui les cinéastes sont libres en termes de création. Mais jusqu'à une certaine limite. La version montrée à Cannes de Summer Palace ne passera pas sans coupures en Chine. Il y a encore quelques problèmes de censure.