Une foule nombreuse de plusieurs centaines de personnes a rendu un dernier hommage, vendredi dernier au cimetière du Père Lachaise, à Samira Bellil, décédée à 31 ans d'un cancer de l'estomac. Samira Bellil, d'origine algérienne, témoignait de manière courageuse sur les viols collectifs dans les cités dans son livre Dans l'enfer des tournantes (éd. Denoël). Cet ouvrage était « un témoignage capital et courageux sur un fait de société trop souvent occulté », a rappelé Olivier Rubinstein, directeur général des éditions Denoël dans un communiqué annonçant la mort de Samira Bellil. Samira Bellil était devenue éducatrice à Seine-Saint-Denis et son témoignage l'avait aidée à terminer sa thérapie. « Je voudrais faire un livre pour que tout cela ne me soit pas arrivé pour rien. Je voudrais dire à celles qui ont subi ce que j'ai subi qu'il y a toujours un espoir de s'en sortir », écrivait-elle. Le livre de Samira Bellil est sorti en octobre 2002, quelques jours après la mort de Sohane à Vitry, brûlée vive pour avoir refusé les avances d'un jeune de sa cité. De nombreuses marques de considération et de sympathie pour le combat de cette jeune femme contre la loi du silence dans les cités devant les agressions et les atteintes à l'intégrité physique et morale, que subissent de nombreuses jeunes filles dans les cités, ont été exprimées. « Nous comprenons sa révolte, son combat est le nôtre dans cette Algérie blessée, olympique du viol des femmes. Nous présentons à sa famille nos condoléances les plus sincères. A ses sœurs de combat notre soutien. Respect militant », écrivent les militantes de Bnet Fatma n'Soumer. Le collectif de femmes du Printemps noir de Kabylie s'incline devant la mémoire de Samira Bellil et témoigne à sa famille, ses amis et ses proches leur profonde sympathie, « salue son courage et le courage de toutes les femmes qui subissent encore les viols et toutes formes d'agressions physiques et morales faites par les fous de Dieu, et cela en toute impunité ici en Algérie ou ailleurs. » La Ligue du droit international des femmes rappelle que « Samira Bellil fait partie de ces très rares jeunes femmes qui ont osé briser le mur du silence qui entoure les viols collectifs. Elle a écrit une page exemplaire de l'histoire des femmes donc de l'Histoire. Cette Histoire que l'on veut réduire aux guerres et aux attentats alors que les batailles que livrent les femmes sont à la fois celles-là mais aussi et surtout celles des violences parfois extrêmes au quotidien ». De son côté, Prochoix rappelle également que Samira Bellil « a tout affronté : le regard honteux de sa famille et le fait d'être regardée comme une traîtresse par ceux du quartier qui estimaient qu'elle l'avait bien cherché. Malgré eux, surtout à cause d'eux, pour toutes les filles que l'on chasse comme des proies, elle s'est battue comme une lionne... »
