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«C'est le cinéma qui m'a ouvert les yeux»
Nina Koriz. comédienne, écrivaine, actrice, psychothérapeute
Publié dans El Watan le 21 - 11 - 2013

«Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse.»
Albert Camus
C'est un parcours singulier que celui de Nina Koriz, Algérienne établie en France depuis 50 ans. C'est une écrivaine qui a une riche culture littéraire. Elève du prestigieux cours Saint Simon de Paris, elle a bénéficié d'une formation d'art dramatique qui lui a permis d'exercer en qualité de comédienne. Elle est aussi psychothérapeute. Elle est surtout pour le lecteur une prometteuse romancière. Ses parents quittent l'Algérie en 1963 alors qu'elle n'a que 2 mois. Elle renoue avec son pays d'origine à la faveur d'un tournage. C'est alors qu'elle rencontre des femmes d'origines et de confessions différentes, souvent ignorées, mais ayant en commun leur participation à la guerre de Libération. Elle décide de sortir de l'ombre, s'identifiant à celles qui souffrent dans la solitude, Nina est authentique dans la proximité avec les préoccupations de ces femmes oubliées…
Née Bada le 11 avril 1963, Koriz a vu le jour à Bou Saâda. Mais ses parents, pour des raisons économiques, émigrent en France. La petite Nina n'avait que 2 mois. C'est de l'autre côté de la Méditerranée qu'elle a grandi et fait des études à Lyon où elle a décroché le diplôme de psychothérapeute. Elle «monte» à Paris pour y travailler tout en suivant des cours d'art dramatique. Ses talents apparaissent et sa passion grandit. Ses rapports à l'Algérie datent de sa prime jeunesse. «Au milieu des années 1970, ma sœur aînée Nacera a fait un stage de volontariat à Tiaret en pleine révolution agraire décrétée par Boumediène au temps du socialisme triomphant pour rester dans la sens de l'histoire. J'avais 10 ans. J'ai commencé à regarder l'Algérie différemment. Il y avait un vieux monsieur, un paysan, qui nous racontait le pays. J'étais toute ouïe. Cela m'intéressait. En France, au lycée, j'avais fait un exposé sur l'Algérie en construction et l'image de la réalité ne renvoyait pas forcément aux idées reçues.»
Une vocation est née
Elle songe déjà à lever le voile sur des comportements insoupçonnés. Puis, de retour en France, elle découvre le film Chronique des années de braise, en 1975. «Je me souviens que l'Amicale des Algériens en Europe avait lancé des invitations pour toute la communauté algérienne de l'Isère. Ça a été un coup de poing dans le cœur et dans l'âme. Je découvris l'histoire de l'Algérie et la puissance du cinéma. Le spectacle était autant à l'écran que dans la salle en effervescence. Des ouvriers au bout du rouleau, abattus par des heures de labeur, étaient là à s'époumoner, applaudissaient et dansaient. J'avais compris que le cinéma avait cette magie de donner de la puissance, du souffle, de faire renaître la fierté, la fierté d'être Algérien, d'autant que c'était difficile de l'être avant ce film.Les cicatrices étaient encore à vif. On vivait discrètement. Ce film nous dit d'avoir des raisons d'être debout. C'était le révélateur de mon identité, sachant que nos parents n'en parlent pas ou peu…»
C'est ce film qui l'influence énormément, suscitant chez elle de l'admiration et une envie folle de devenir comédienne. «Mon souhait, c'était de voir Lakhdar Hamina pour lui dire ma reconnaissance. Et comme parfois le hasard fait bien les choses, c'est à l'occasion d'un casting que j'ai rencontré Mohamed et son fils Malik Lakhdar Hamina en Algérie. Tourner un film était pour moi l'occasion d'y séjourner plus longtemps et autrement que je ne l'avais fait jusqu'alors en période de vacances à Bou Saâda. Le film de Malek Hamina s'appelait Automne et évoquait les événements d'Octobre 1988.» «Nous étions à la veille des élections législatives de 1991 et le tournage s'est fait dans un climat de tension et d'insécurité qui m'ont plongée dans la réalité oppressante qui était le quotidien des Algériens.»
A titre personnel et en marge de son métier de comédienne, Nina a rencontré des gens, des femmes en particulier, pour savoir quel serait leur choix au moment du vote, leurs préoccupations, leurs attentes. Avec une vue sur le cheminement de ce pays depuis son indépendance, aux espoirs et aux attentes générées par l'euphorie de la libération et si vite déçus… Le film a été tourné à Alger et en Kabylie. Et Nina qui a joué le rôle principal en est sortie grandie. Indépendante, pugnace, curieuse, Nina s'en est allée sur les monts de Kabylie et les plaines de la Mitidja à la rencontre de ces mères courage qui avaient des destins fabuleux pendant la Révolution.
«Avant, j'avais des idées très simplistes. Je voyais les maquisardes confinées dans les rôles d'infirmières ou de cuisinières. En rentrant en France, j'ai lu des livres retraçant le parcours ignoré de ces femmes. Je me suis rendu compte que c'étaient les grandes oubliées de l'Algérie. Une immense amnésie qui me rappelle La femme sans sépulture, œuvre d'Assia Djebar. J'ai été aussi impressionnée par la Bataille d'Alger de Gilo Pantecorvo et Djamila de Youcef Chahine et de quelques films faits par des étrangers durant les années 1950. A partir de là, j'ai décidé de m'approprier la guerre d'Algérie en me documentant à loisir. Je suis venue en Algérie en compulsant les journaux et les archives, les tracts. Je suis allée rencontre des moudjahidate anonymes, analphabètes. J'ai eu beaucoup de mal à les convaincre de ma mission. Elles ne voulaient pas, car elles pensaient que j'étais une journaliste. Je leur ai dit que c'était un roman écrit pour les générations futures. L'argument de la transmission a été accepté. Elle m'ont raconté des choses hallucinantes.»
L'Algérie au cœur
«En France, j'ai rencontré des Européennes qui ont participé à la guerre aux côtés des Algériens. Enfin, j'ai travaillé sur les témoignages des époux Chaulet et des autres. Cela m'a pris 4 ans. Ça a donné chair à des personnages qui racontent des destinées de femmes. J'ai mis en avant leurs blessures, leurs angoisses.» C'est ainsi qu'est né Femmes de cœur, un bel hymne qui se décline en 370 pages paru aux Editions Zyriab. Cette expérience lui a donné un sens infaillible du rôle du cinéma lorsqu'il est sincère. Le père de Nina, Boudina Bada, était parti en France à l'âge de 16 ans pour exercer des petits métiers, notamment garçon de café.
C'était en 1948. Il est retourné au pays en pleine guerre. Il s'est marié à Bou Saâda et a eu 4 enfants. Pour des raisons économiques, il retourne en France en 1963, où il s'établit en Isère jusqu'à sa retraite à la fin des années 1990. Il retourne au bercail à Bou Saâda, la cité du bonheur qui fait toujours rêver Nina. «Je suis amoureuse de cette ville belle et attrayante. Etienne Dinet ne l'a pas choisie pour rien comme ça par hasard. Comme c'est un artiste et qu'il a du goût, on ne peut douter de ses choix. Moi, en tout cas, j'en suis très fière. Chaque fois que je retourne en Algérie, j'ai un besoin viscéral d'atterrir dans ma ville, regarder ses couleurs sublimes. J'aimerais être enterrée là-bas.»
Puis, revenant au cinéma et au constat qu'elle a pu faire lors de ses déplacements en Algérie, Nina s'interroge : «L'Algérie a la chance d'avoir des cinéastes doués qui ont de très bons sujets de films. Maintenant, j'ai pu me rendre compte de l'extrême pauvreté et de la rareté (pour ne pas dire l'inexistence) des infrastructures en la matière. Il est urgent d'ouvrir des salles de cinéma. Le public est demandeur, comme il est demandeur de culture et de connaissance. Au SILA où je présentais mon roman, j'ai réalisé à quel point les Algériens sont curieux, passionnés, avides d'échanges avec les artistes, les créateurs. Un peuple qui a faim de savoir est un peuple en éveil, en mouvement. Il faut donc le nourrir en conséquence, car la ressource humaine est la première richesse d'un pays…».
Nina ne reste pas insensible à la situation de nos ressortissants en France : «De très nombreux Algériens et Algériennes de la ‘‘seconde'' génération ont brillamment réussi leur insertion professionnelle et sociale dans des domaines aussi divers que la médecine, le droit, l'enseignement, etc. Mais ils n'intéressent pas les médias qui préfèrent braquer leurs projecteurs sur ceux qui sont en échec et qui commettent des actes de délinquance. Cette stigmatisation a toujours cours aujourd'hui malgré l'engagement (et la prise de responsabilité) de plus en plus d'Algériens dans les partis politiques. La ‘‘troisième'' génération est aujourd'hui adulte et je constate que ces jeunes ont autant de mal que leurs aînés, sinon plus, du fait de la crise économique et de leur origine qui demeure un sujet sensible et passionnel.»
Son regard sur l'Algérie des temps présents est implacable. «Elle n'est plus du tout celle que j'ai connue en 1991. Les années de terreur, d'horreur sont passées par là et je ressens aujourd'hui chez les jeunes de 20 ans et plus un besoin compulsif de posséder. ‘‘L'avoir'' a supplanté ‘‘l'être''. En 1991, on me parlait du besoin de liberté d'expression, de confession religieuse, du désir de voyager, d'étudier, de trouver un logement pour pouvoir fonder une famille. Aujourd'hui, j'ai l'impression que la vie matérielle est devenue le centre des préoccupations et qu'il y a urgence à acquérir ‘‘vite'' et ‘‘beaucoup''. C'est comme si l'imminence de la mort rôdait en permanence et qu'il fallait profiter de la vie quels qu'en soient les moyens pour y parvenir…» Dans son livre Des femmes de cœur, elle entend encore leurs complaintes tinter à ses oreilles. C'est un témoignage émouvant, même s'il est romancé. C'est une fresque que Nina abritait depuis longtemps. si elle n'avait pas écrit ce livre, elle risquait d'être ensevelie par le silence qui tue.
L'oubli cet ennemi
Elle n'a cessé de replacer l'homme et la femme au centre du monde et de faire de leur destin individuel un des éléments essentiels de l'histoire collective. Tout son récit s'inscrit dans le droit fil de la réconciliation des rapports apaisés et contre tous les fabricants de haine et d'exclusion. Et à l'égoïsme des hommes (et des femmes), elle propose un vaste et puissant chant d'espoir. En avançant dans ses écrits où ses personnages ont été délibérément changés, les blessures originelles apparaissent. Nina a visiblement pris part à ces secondes voix qui lui permettent de faire part de ses doutes et de ses interrogations. Mais elle reste sans voix devant des situations impardonnables.
«J'aimerais pour ma part ajouter que la plupart des moudjahidate que j'ai rencontrées vivent dans des conditions matérielles très précaires, pour ne pas dire un dénuement inacceptable pour une nation qui leur doit reconnaissance et aujourd'hui assistance. Pour beaucoup, leurs démarches administratives se sont soldées par des échecs et de guerre lasse elles ont fini par abandonner. J'en appelle donc aux responsables politiques pour qu'un recensement soit fait (vu leur âge, elles ne sont plus très nombreuses) afin que leur soit donnée la possibilité de vivre leurs dernières années de manière décente et dans la dignité. C'est bien le moins qu'on puisse faire pour elles qui nous ont donné un pays…».
Kafka avait écrit que l'écriture est une attaque contre les frontières. Pour Nina, c'est une manière à elle de les repousser.
«Celui qui m'a éditée, M. Necib, avait écrit sur Bou Saâda. Il a lu mon livre d'une traite. J'ai appris qu'il avait fait une intéressante étude sociologique sur ma ville. Il ne savait pas que j'étais originaire de Bou Saâda. C'est un hasard extraordinaire. Et pour paraphraser Théophile Gautier, ‘‘le hasard n'est-ce pas le pseudo de Dieu quand il ne veut pas signer...».


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