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« Je vis en France mais l'Algérie m'habite »
SLIMANE BENAISSA (Ecrivain et dramaturge)
Publié dans El Watan le 31 - 05 - 2006

Rencontré en marge des Lyriades d'Angers à l'occasion desquelles lui fut octroyé un trophée des arts et lettres couronnant l'ensemble de son œuvre littéraire et artistique, Slimane Benaïssa, très connu en Algérie pour ses pièces Babor ghrak, Boualem zid el goudam et Enta houa ouana chkoun, a bien voulu répondre avec la simplicité, la gentillesse et le sens de l'humour qui le caractérisent aux questions que nous lui avons posées, autour de sa production intellectuelle pour le moins prolifique, ses projets, ses espoirs et son point de vue sur la question centrale des langues en relation avec la mondialisation.
Vous vivez depuis près de quatorze ans en France et votre production littéraire et artistique est pour le moins prolifique. Ce succès incontestable, que vous y avez laborieusement gagné, n'est-il pas de nature à exclure un éventuel retour en Algérie ?
Aujourd'hui la question du retour commence à se poser pour moi. Je suis effectivement dans une phase d'interrogation. Je suis venu en France à une époque où l'Algérie avait sombré dans une absurdité complètement folle et violente. mais aujourd'hui que les choses se calment, se poser la question de revenir au pays est pour moi une vraie question. Il est en tout cas nécessaire de se la poser. Cette question correspond également à une interrogation sur mon évolution artistique et mon parcours d'écrivain que je souhaiterai continuer dans les deux sens en servant de trait d'union entre les communautés des deux rives. C'est pour moi un rôle historique naturel que de chercher à joindre dans la paix et pour la paix nos deux peuples, nos deux communautés. La France coloniale, à laquelle on continuera toujours à demander des comptes pour ce qui nous arrive, c'est aussi et avant tout un peuple qui, comme le nôtre, construit son avenir. L'Algérie comme la France ont besoin de se rejoindre. Chacun de nos peuples a en réalité besoin de l'autre pour continuer à avancer. Il n'y a pas que l'Algérie qui a besoin de la France, la France a également besoin de nous. Et je demeure convaincu que le chemin de la négociation d'égal à égal avec les français reste subordonné à la prise de conscience que nous aurons, tous deux, d'énormes intérêts communs à défendre.
Depuis que vous êtes en France, vous avez à votre actif une riche production littéraire et artistique que vous n'auriez probablement pas pu réaliser si vous étiez resté en Algérie. Votre retour au pays, ne risque-t-il pas de vous rendre moins prolifique ?
On continue à faire son travail là où on est, et là où on est né. Et là où on est né vous influe énormément. Nous n'avons certes pas les mêmes conditions de travail, ni dans les mêmes conditions mentales et encore moins dans les mêmes désirs artistiques. Je pense que mon travail a pris un nouveau sens à partir de 1993 du fait que j'écris en français et que je me trouve en France, mais sans jamais renier ce que je suis. Lorsque je suis arrivé en France, les grandes questions auxquelles il fallait que je réponde, pour pouvoir avancer dans le milieu artistique, étaient de savoir ce que je devais faire, à quel public je devais parler, et ce que j'avais de précis à lui dire et de quelle manière. Pour ce faire, j'ai choisi de continuer à être moi-même, c'est-à-dire à être l'algérien qui parle français et qui a envie de dire des choses aux français.
Comment envisagez-vous votre avenir d'homme d'art et de lettres ? Continuerez-vous à écrire en France ou projetez-vous d'être également présent en Algérie ?
Je vis depuis plusieurs années en France, mais je vous avoue que l'Algérie continue toujours à m'habiter. Mais en ce qui me concerne, je continuerai à penser que quoi que je fasse d'un côté ou de l'autre, la France où j'habite m'habitera également toujours. Il est des espaces géographiques qui me sont nécessaires et agréables en Algérie, mais il est des espaces qui me sont tout aussi nécessaires et agréables en France. Il faut réfléchir dans la sérénité, en évitant de faire des choix radicaux qui vous réduisent à un seul espace. Il faut savoir que la vie littéraire et artistique n'est pas faite que de compétences, elle est aussi faite d'un environnement. Quand on s'habitue à l'Etat de droit, à la justice et autres valeurs que nous défendons, on ne peut plus s'en passer. J'ajouterai qu'avec les technologies modernes de communication, les élites algériennes résidant en France peuvent rendre d'énormes services à leur pays, sans pour autant être contraintes de quitter leur lieu de résidence où elles sont souvent profondément ancrées. Nous avons un projet avec le Consul général de Paris visant à fédérer toutes les associations algériennes dans le but de mettre, ne serait-ce qu'une fois par an, leurs compétences au service du pays.
Vous avez des inquiétudes quant à la manière, disons négative, dont pourraient être reçues vos œuvres dans l'Algérie d'aujourd'hui...
Non pas du tout. Parce que, justement, je n'ai pas voulu faire œuvre d'exilé, mais continuer comme par le passé à parler aux algériens avant tout, même si je le fais en langue française.
En l'espace de quelques mois vous avez reçu deux prestigieuses distinctions, l'une par la Sorbonne et l'autre dans le cadre du festival francophone Les Lyriades qui vient de se tenir à Liré (Angers), et à chacune des remises de trophées, vous ne manquez jamais d'évoquer, non sans nostalgie, votre pays...
Oui, l'Algérie est toujours présente. Mon apport en tant que francophone à la littérature française n'a en rien affecté mon appartenance à l'Algérie. J'ai tout fait pour éviter les sentiers de même que j'ai évité de rentrer dans la cour des genres, c'est-à-dire ressembler à tel ou tel, à ceci ou cela. J'ai essayé d'être moi-même en parlant français, et il se trouve que c'est très apprécié par les français. D'où les récompenses que vous venez d'évoquer. Le prix arts et lettres qui vient de m'être octroyé dans le cadre des 3es Lyriades d'Angers, en référence au grand poète français Joachim Du Bellay, né à Liré, est une distinction flatteuse laquelle, à mon sens, gratifie aussi le peuple algérien.
Aux Lyriades d'Angers vous étiez partie prenante au débat sur les langues et plus précisément à celui du choix des langues de communication en relation avec la mondialisation de l'économie. Un débat plus que jamais d'actualité en Algérie...
Il est vrai que la position de la langue française n'est malheureusement pas ce qu'elle était dans les années 1970 à 1980. La mondialisation a fait que la langue française s'est retrouvée presque à la même position de notre arabe dialectal. Elle doit se défendre, et pour se défendre elle doit avant tout compter sur les francophones et sur les actions de l'ex-pouvoir colonial visant à pérenniser le français à travers l'Europe et le monde. Dans cette mondialisation qui verra les langues anglaise et française s'affronter, nous avons intérêt à prendre en considération cette tendance qui risque de nous broyer, en défendant les langues locales et en étant dans l'opposition de cette mondialisation uniformisante. Il ne faut surtout pas que les langues de la mondialisation nous fassent perdre notre âme d'algérien. Il faut protéger les langues locales pour éviter que la mondialisation nivelle sur son passage tout ce qui n'est pas ressemblant au projet global. Il y a des injustices qu'il faut combattre.
La francophonie, qui se met en compétition avec les langues nationales des ex-colonies, a-telle de l'avenir ?
Tout cela est du passé. Le français en compétition avec les langues d'autres pays, c'est totalement dépassé. Le français doit être considéré comme un héritage de notre histoire et c'est à nous et, uniquement à nous, de décider de ce qu'on veut faire de cet héritage.
En limitant la circulation des personnes et les courants d'affaires entre les deux pays, la restriction de l'octroi de visas aux algériens ne serait-elle pas en grande partie responsable du recul de la langue française en Algérie ?
Aucun citoyen de la planète ne peut aujourd'hui vivre dans le seul espace national. Ce n'est pas possible. Dans le monde des affaires, il est obligé de traiter avec les pays producteurs, dans l'enseignement, il a besoin d'échanges avec les enseignants des autres pays, et dans le monde de la culture, l'artiste a besoin d'apporter l'art de l'extérieur. Enfermer les gens dans les limites de leurs frontières relève, à mon sens, de l'injustice, d'autant qu'elle est en contradiction avec la mondialisation. Se donner le droit de prendre ce qu'il y à prendre chez nous et nous refuser de prendre ce qui nous est utile chez eux, n'est-ce pas cela l'injustice.


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