Si l'argent n'a pas d'odeur, il a une couleur, comporte des symboles, raconte l'Histoire du pays qu'il représente. En Algérie, hormis certaines figures comme l'Emir Abdelkader ou Massinissa, la monnaie algérienne est principalement à l'effigie des animaux. Quels ont été les critères pour le choix de l'iconographie des billets de banque ? Eléments de réponse. De 1964 à nos jours, la faune a toujours été à l'honneur dans la monnaie algérienne. Parmi les animaux qui ont eu le privilège d'y être représentés figurent notamment les gazelles, mouflons, vaches, moutons, béliers, chevaux, chameaux, bœufs, buffles, éléphants, lions, gnous, fennecs, cigognes, vautours, aigles, hirondelles, albatros, paons, faucons et même des poissons. Comment un pays qui a permis le braconnage d'espèces protégées peut-il les glorifier dans sa monnaie ? «Sommes-nous, s'interroge l'auteur Abdelkader Maïdi, à ce point les défenseurs acharnés des animaux jusqu'à les faire figurer sur nos liquidités, de façon à leur donner une place de choix et montrer ainsi que nous les aimons ?» «Une polémique stérile» Si certains s'offusquent de voir la faune jouir d'un tel respect dans les billets de banque, les responsables proches de la Banque d'Algérie s'agacent d'une polémique qu'ils jugent «stérile». «Certains ont voulu politiser l'affaire en s'interrogeant sur l'absence de personnages historiques. De nombreux pays ont pourtant eu recours à la faune dans leur monnaie. Et il n'y a pas non plus de figures historiques dans les euros», lance un ancien responsable proche de la Banque d'Algérie. La maquette de la monnaie européenne représente, en effet, des ponts, portes et fenêtres pour symboliser l'ouverture de l'Europe sur le reste du monde. En Algérie, le choix du graphisme répond, selon notre source, à une volonté de raconter l'Algérie à travers l'histoire. Les concepteurs de la monnaie algérienne l'ont ainsi découpée en plusieurs grandes catégorisations : la période préhistorique, période de la pénétration de l'Islam, période numide, période rostémide... «L'Histoire de l'Algérie ne se limite pas à la période coloniale», assène-t-on. Il s'agit, commente un ancien responsable de la Banque d'Algérie, de dire que l'Emir Abdelkader n'est pas le seul fondateur de l'Algérie. «Comme il n'y a pas de photos de certaines parties majeures de l'Histoire du pays, explique-t-on, nous avons eu recours aux animaux, c'est un subterfuge utilisé dans de nombreux pays.» Chaque période de l'histoire est associée à un animal : les lions de l'Atlas pour la période musulmane, ou l'éléphant pour la période de Hannibal. Abdelkader Maïdi n'en démord pas : il s'interroge sur la présence de la tête d'un lion sur la pièce de 20 DA : «Avons-nous une relation de cause à effet avec cet animal, considéré comme le roi de la jungle, sinon de la savane ? Or, en Algérie, nous n'avons ni jungle et encore moins de savane. Ce fauve a-t-il squatté précédemment notre contrée, pour nous rappeler de lui et matérialiser ainsi son image pour la postérité ?» Il considère que «notre pays regorge de personnalités et de martyrs majeurs de la révolution, il est de notre devoir de leur rendre justice à titre posthume.» La monnaie devra aussi servir, d'après lui, à perpétuer l'image de marque de ces glorieux héros. Les héros anonymes Tout commença le 10 avril 1964, date à laquelle le dinar a été institué comme unité monétaire nationale et principale de l'Algérie. La première coupure était inspirée d'un billet de franc algérien datant de 1958 qui montrait un paon, un aigle et un faucon en modifiant néanmoins sa valeur (de 500 francs français à 5 dinars). L'image et la conception n'ont pas été touchées. S'ensuit une longue série de pièces dont l'iconographie tourne principalement autour de la faune maghrébine et algérienne. L'Algérie a ainsi illustré ses billets de 5 et de 10 dinars de 1994 de cigognes et de vautours, alors que celui de 1000 dinars porte la tête d'un gnou (animal qu'on retrouve encore au Kenya ou en Tanzanie) ainsi que des peintures rupestres d'animaux découvertes dans les grottes du Tassili des Ajjers et du Hoggar. Mais la monnaie algérienne a aussi glorifié des héros anonymes. L'on y a vu, entre autres visages, un guerrier du Hoggar (dans un billet illustré par Issiakhem), une femme en haïk, un vieux en djellaba, une dame roulant le couscous, des caravaniers traversant le désert, un fellah sur son tracteur, des cavaliers à l'assaut, un chef de zaouia faisant réciter des enfants et un valeureux moudjahid. Sur le web, des internautes ont imaginé un billet d'un million de centimes illustré par un combat de dinosaures. Toute ressemblance avec des ténors activant sur la scène politique n'est sans doute que pure coïncidence.