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Roi d'Amsterdam, ouvrier chez Renault
Boughera El Ouafi. «L'indigène» qui remporta la première médaille d'or française aux JO de 1928
Publié dans El Watan le 20 - 02 - 2014

«Aussi longtemps que les lions n'auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur».
(Proverbe africain)
Qui se souvient d'Ahmed El Ouafi Boughera, ce jeune Algérien qui s'est illustré à Amsterdam, aux Jeux olympiques, en remportant la médaille d'or d'athlétisme sous les couleurs françaises au marathon devant tous les favoris alignés le 5 août 1928 sur la ligne de départ, Japonais, Finlandais et autres. Pourtant, aux yeux de l'opinion et des spécialistes de l'époque en records dans les compétitions internationales en athlétisme, rien ne prédestinait cet illustre inconnu venu d'un coin perdu d'Algérie fraîchement débarqué à Paris à ravir le haut du podium olympique. Si les champions olympiques pour parvenir à faire partie de la famille des grands le doivent à des entraînements quotidiens intensifs, des efforts et sacrifices et surtout à un encadrement de qualité et une prise en charge conséquente tant sur le plan financier, technique que psychologique, notre champion n'avait rien de cela si ce n'est qu'un corps frêle qui trahit la malnutrition, la misère et l'état de la population algérienne au début du siècle dernier spoliée de ses biens et maintenue dans le dénuement et la misère totale par une colonisation belliqueuse, réduisant les populations autochtones au seuil de la survie. Qui a oublié les «enfumades», les disettes et les épidémies touchant les mechtas et les villages les plus reculés d'Algérie.
El Ouafi aimait, dans son village d'Ouled Djellal, près de Biskra, courir pieds nus sur le sable chaud du désert, courir toujours, courir derrière les bêtes égarées ou derrière les vents de sirocco ou d'alizé qui des fois soufflaient brusquement dans cette région, soulevant des tempêtes de sable qui balayaient tout sur leur passage.
Malgré la faim et les rafales brûlantes et violentes des grains de sable qui giflaient son visage découvert, El Ouafi, depuis sa tendre enfance, rêvait de conquérir l'inconnu qui peuplait les vastes espaces désertiques des Zibans et aller plus loin encore par la seule force de son souffle et l'énergie de ses maigres jambes.
Le champion ouvrier
Il prenait un malin plaisir à se laisser emporter légèrement comme un fétu de paille dans sa course folle par les vents du Sud avec un sentiment de courir plus vite et plus loin, défiant les lois de la gravité et taquinant la nature par des prouesses de rapidité et de vitesse. A propos de cette période, laissons Yvan Gastaut, enseignant chercheur à l'université de Nice, dans un article paru dans la revue Migrance de l'association Génériques, qui a pour but la sauvegarde et la mémoire de l'histoire de l'immigration nous parler d'El Ouafi. La mère d'El Ouafi témoignait que «son enfant était chétif, car ils étaient très pauvres et leur vie était comme celle de tous les Algériens. Ils se nourrissaient de dattes, de galette d'orge et de lait de chèvre.
Les légumes frais ou secs étaient un luxe pour la famille. Mais Boughera El Ouafi avait une préférence pour le lait de chèvre, le ‘‘borr'': un mélange de farine de dattes ‘‘mech-degla'', de farine de blé et parfois un peu de son avec.»
«Ce régime, très riche en calcium et autres vitamines, donna beaucoup de force à notre bonhomme. Cette force étonnait plus d'un, car on raconte que Boughera parcourait plus de 15 kilomètres quotidiennement malgré son jeune âge.»
La vie n'était faite que de rêves et d'illusions et à 18 ans El Ouafi, comme bon nombre d'Algériens de son âge, doit affronter la dure réalité d'indigène, il était appelé à combattre sous le drapeau français. Dans ce cadre, beaucoup de jeunes incorporés ne reviendront jamais des guerres ou seront blessés avec de lourdes séquelles et dont les descendants nés en France, appelés les «Beurs» bien que jouissant de la nationalité française, seront toujours confrontés à un refus de reconnaissance.
En 1923, la chance sourit à El Ouafi qui, grâce à son don et ses qualités sportives, est très vite repéré par un officier qui, pour redorer les blasons de son régiment, l'autorise à participer à une compétition sportive militaire.
El Ouafi donne le meilleur de lui-même et se place parmi les premiers, mais il s'aperçoit qu'il lui reste beaucoup à faire sur le plan technique, notamment dans la gestion du souffle et le style des gestes pour rattraper un handicap et parfaire son don qu'il ne peut acquérir que par une formation et un entraînement suivi pour arriver au niveau de ses concurrents, notamment Jean-Baptiste Manhès devant lequel il a dû s'incliner à plusieurs reprises.
De Biskra au toit du monde
Mais à chaque défaite, El Ouafi tirait des leçons et améliorait ses performances jusqu'à écarter de son chemin son redoutable concurrent Manhès qui jouissait de toutes les conditions requises et du confort, une première fois en 2 heures 50 min 52 s, et une deuxième fois et particulièrement dans la plus importante manifestation sportive en France qui était celle des Jeux olympiques de 1924, organisés à Paris, où El Ouafi arriva septième en 2 heures 54 min 19 s, loin devant Manhès qui s'est classé 12e.
El Ouafi a le sentiment d'avoir traversé l'oued El Kantara et que les dés étaient jetés pour réaliser enfin une performance que son don, conjugué à ses efforts de mieux faire allait récompenser. Mais sachant qu'il ne pouvait pas vivre uniquement de sport et d'eau fraîche, il fut embauché grâce à ses frères de fortune algériens comme ouvrier dans l'incontournable usine Renault à Boulogne Billancourt où, à l'occasion, il obtint une licence de marathonien au Club olympique de Billancourt, ce qui lui permit de profiter de l'expérience du champion de cross-country en 1921, Louis Corlet, qui ne ménagea aucun effort pour affiner ses qualités par des séances d'entraînement régulières.
Enfin, la consécration est au rendez-vous. Le 5 août 1928, dans un grand moment des Jeux olympiques d'Amsterdam, El Ouafi, au point de départ, le peu d'enseignement sur les techniques du marathon qu'il a eu la chance de recevoir au nom de la famille sportive de l'athlétisme, a perdu quelque peu de sa grande naïveté d'entamer une course sans en concevoir au préalable une stratégie et des plans d'application selon les aléas du moment.
Voici le déroulement de la course qui démontre qu' El Ouafi a compris qu'il ne faut pas jeter dès le départ toutes ses forces au risque de se faire bêtement rattraper dans les derniers kilomètres. Ainsi, c'est avec grande prudence qu'El Ouafi, portant le dossard 71, entama, sans se faire remarquer et en petites foulées, son départ, se maintenant à la 20e position sur les 69 participants à ce grandiose marathon à travers les rues, berges et ponts d'Amsterdam.
Le sacre puis la déchéance
A mi-parcours, le peloton de tête, parti trop vite et à mi-chemin à contrevent les crampes et la fatigue se faisant sentir, fléchit la cadence, El Ouafi en profita pour se lancer et réussir à récupérer l'écart en se plaçant à la 7e position, ne laissant devant lui que le Japonais Yamada, l'Américain Jo Ray, les Finlandais Martellin et Laaksonen et le Canadien Bricker.
Enfin, dans la dernière ligne, il rassembla toutes ses forces pour allonger ses foulées, accroître sa cadence et à la surprise du public et tous les observateurs sportifs, il déboula avec toute la puissance et la grâce de la «gazelle du Sahara» pour dépasser un à un le Chilien Manuel Plaza, le Finlandais Martti Marttelin et se placer en première position avant de franchir sans peine la ligne d'arrivée qui allait lui consacrer le titre de champion olympique en marathon avec l'unique médaille d'or française dans cette discipline à l'occasion des 9es Jeux olympiques d'Amsterdam.La gloire d'El Ouafi Boughera n'aura duré que quelques minutes après avoir franchi la ligne d'arrivée.
Dès sa sortie du stade, il est retombé dans l'anonymat et l'indigence sans reconnaissance, ni assistance, ni conseils, surtout lui qui venait directement de son bled perdu, ignorant totalement les règles qui régissaient le monde du sport amateur. Le talent, qui ne demandait qu'à être exploité, s'est éteint avec les lampions du stade d'Amsterdam, et El Ouafi, perdu dans cet univers hostile et voulant gagner sa vie, est invité aux Etats-Unis par le directeur d'un cirque à des exhibitions de jeux de manège et de foire avec de vieux sportifs et des bêtes de somme.La chute est vertigineuse du haut du podium du champion du monde aux terrains poussiéreux de jeux et des bookmakers. C'est le coup de grâce dont El Ouafi ne se relèvera plus jusqu'à sa mort violente et inexpliquée.
Coup de grâce
Ceci lui vaudra d'être radié par la Fédération française d'athlétisme. De retour en France en 1930, il achète un café dans le quartier de la gare d'Austerlitz, mais grand naïf qu'il est il se fera vite rouler. Avec le sourire, la patience des gens du Sud, et leur stoïcisme, résigné à son sort, il raconte : «J'ai été ballot d'accepter de traverser l'Atlantique, mais je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ça représentait pour moi, un manœuvre des usines Renault, d'aller en Amérique ! J'ai accepté, tiens ! Tous mes frais étaient payés. C'est beau, vous savez, l'Amérique. [...] Au Chilien qui était derrière moi à Amsterdam, son président lui a offert une villa. Le mien m'a disqualifié ! J'ai mis les quelques sous que je possédais dans un fonds de commerce, un café. Mais je suis un balourd, mon associé m'a escroqué.»
Plus tard, en 1956, El Ouafi revint pour la presse sur ses déboires. El Ouafi est enterré au cimetière musulman de Bobigny érigé suite à la création de l'hôpital franco-musulman de Bobigny réservé aux près de 80 000 militaires et ouvriers musulmans d'Afrique enrôlés dans l'armée française dans la guerre contre l'Allemagne. La tombe de Boughera El Ouafi faisait partie des «tombes oubliées» jusqu'en 1995 lorsqu'elle fut redécouverte par un journaliste de L'Humanité, Patrick Pierquet, qui a réhabilité la gloire du légendaire marathonien qui a hissé le drapeau tricolore au haut du podium des 9es Jeux olympiques. El Ouafi repose à gauche d'un grand résistant du Cham, Omar Zaki Pacha Afiouni, dans les années 1920 contre l'occupation française. Beaucoup d'édifices et d'artères ont été baptisés du nom d'El Ouafi, tel un gymnase. El Ouafi est mort le 18 octobre 1959, suite à une fusillade dans un café de Saint-Denis près de Paris.


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