Rebiga participe à la cérémonie commémorant le 50e anniversaire de libération du Sud Vietnam    Groupe GEAT de Batna: mémorandums d'entente entre "Sonelgaz" et "General Electric Vernova" pour l'exportation vers de nouveaux marchés    Agressions sionistes contre Ghaza: le bilan s'élève à plus de 52.400 martyrs et 118.014 blessés    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    L'Algérie franchit le cap des 2 millions d'abonnés FTTH et lance le Wi-Fi 7    Le projet de loi présenté à l'APN    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    Le championnat national de football se met à jour    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    Présentation à Alger des projets associatifs    Journées portes ouvertes sur les écoles et les instituts supérieurs dédiés à la Culture et à l'Art    Hommage à Alger à Kaddour M'Hamsadji, doyen des écrivains algériens    In Salah: 10 morts et 9 blessés dans un accident de la route au sud de la wilaya    Le président de la République reçoit une invitation de son homologue irakien pour assister au Sommet arabe à Baghdad    Gymnastique/Coupe du Monde-2025: Kaylia Nemour brille une nouvelle fois, avec deux médailles d'or et une d'argent en Egypte    France : le parti LFI exige le départ du ministre Bruno Retailleau    Hadj 1446/2025 : Belmehdi appelle à intensifier les efforts pour une saison réussie    Changer l'approche de la gestion des structures des jeunes pour les rendre plus attractives    Décès de l'ancien journaliste à l'APS Djamel Boudaa: le ministre de la Communication présente ses condoléances    Merad salue les efforts des services de la Protection civile    Ligue 1 Mobilis/USMA-ASO: les "Rouge et Noir" sommés de réagir    CHAN2025/Algérie-Gambie: les Verts poursuivent leur stage à Sidi Moussa    CIJ: poursuite des audiences sur les obligations humanitaires de l'entité sioniste en Palestine occupée    Patriotisme et professionnalisme    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Le CS Constantine ne peut s'en vouloir qu'à lui-même    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Présentation à Alger des projets associatifs subventionnés par le ministère de la Culture et des Arts    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Regard sur Taoufik Makhloufi : variations philosophiques sur une médaille
Sports : les autres articles
Publié dans El Watan le 11 - 08 - 2012

Le nom de Makhloufi serait-il prédestiné à la réussite sportive ? Après Rachid, immense joueur qui marqua le football français et algérien, voilà que des décennies plus tard, surgit Taoufik, étoile filante du cosmos olympique.
Pour autant que nous le sachions, aucun lien de parenté entre les deux, sinon leur cousinage national et leur appartenance à la grande famille mondiale des sportifs de talent. «Makhloufi» signifie littéralement «le remplacé». Mais il peut avoir aussi le sens de «ressuscité», de «rendu», voire de «régénéré». On pourrait considérer que Taoufik a remplacé Rachid. On pourrait dire qu'il s'est ressuscité après son éviction des J.O. la veille même de l'épreuve du 1500 m On pourrait aussi penser que le nouveau champion a régénéré l'espoir des Algériens, denrée de plus en plus rare sur le marché des valeurs morales. Mais, bon, au-delà des noms et des mots, il y a trois choses qui m'ont particulièrement interpellé.
La première est socio-humaine. La découverte de Taoufik Makhloufi, qui était bien caché, dirait-on, et qu'aucune prévision probablement espérée de médaille ne signalait, a révélé un grand champion. Mais elle a aussi révélé un brave garçon, travailleur, humble, bien élevé, posé, etc. Du coup, il a balayé le cliché terrible de la jeunesse algérienne que l'on présente le plus souvent dans les excès, les travers et le désespoir stérile où l'on a bien voulu l'amener. Bien sûr, dira-t-on, combien de Taoufik Makhloufi sur 75% de la population ? Mais il n'est pas question ici de performance olympique. Il s'agit de signaler qu'il existe des jeunes gens et des jeunes filles, bien éduqués et tout et tout, qui traversent avec dignité et persévérance des épreuves, certes non olympiques, certainement pas célèbres, mais tout aussi admirables dans la compétition scolaire, sociale, professionnelle ou autre que leur impose notre dur pays.
Des fils et des filles «de famille», comme on dit chez nous et d'ailleurs ailleurs. Combien sont-ils ? Peut-être plus qu'on ne le pense, car, ainsi que l'affirme l'oncle Tahar, l'épicier philosophe de mon quartier, «on ne voit que ceux qui sont perdus et font du bruit». Avec son visage serein, son sourire discret, sa chemise blanche et sa cravate noire, émouvant de simplicité, Taoufik vient nous rappeler que la véritable «redjla», telle que pratiquée à ses origines, est loin d'être agressive et tonitruante. En devenant le nouveau roi olympique du 1500 m, Taoufik a gagné discrètement un autre titre que la presse n'a pas encore révélé : il est devenu le gendre idéal des familles algériennes. Faites donc un sondage auprès des jeunes filles et de leurs mères ! Que notre champion se garde simplement de ne pas perdre la tête, du fait de la gloire de ses pieds ni de coincer sa main dans les stratégies matrimoniales qui vont se développer autour de lui.
La deuxième est technico-sociologique. Dans la conduite particulièrement maîtrisée et intelligente de sa course, un moment-clé est celui où Taoufik Makhloufi, avant d'entamer son envolée finale, doit se libérer de l'étau de deux de ses concurrents qui l'encadrent latéralement, tels des gardes du corps zélés. Un ami, versé dans les techniques du demi-fond, m'a expliqué, avec force exemples et démonstrations, comment les athlètes se préparaient à cette désincarcération en mouvement. Convaincu de ses enseignements, je n'ai cependant pas pu m'empêcher, en voyant toutes les prises de vue différentes du geste de Taoufik, de penser qu'il ne relevait pas seulement de la science de l'athlétisme. J'y ai vu, comme vous me lisez, la grande tradition de l'esquive socio-physique que tout Algérien de base doit perfectionner tout au long de sa vie pour se faufiler dans les logements surpeuplés, sur les trottoirs bondés, dans les transports en commun, dans les chaînes humaines face aux guichets ou magasins…
Ce fruit d'un long apprentissage – plus subtil qu'il n'y paraît – au sein de la pénurie commerciale ou de la pagaille administrative, rien ne m'ôtera dans l'idée que Taoufik y a recouru pour pouvoir s'extraire du peloton, glissant une épaule perpendiculairement à l'axe de son bassin, prenant le risque d'une torsion en spirale de son corps quand les pointes métalliques de ses chaussures d'athlète s'enfonçaient dans le tartan. Je l'ai imaginé, entres autres, à la gare routière de Souk Ahras, devant rejoindre Alger en urgence, au milieu d'une petite foule s'empressant devant la porte du seul autocar disponible. Y aurait-il là une voie à creuser pour que le génie de nos contraintes existentielles puisse être mêlé au savoir-faire universel ? En tout cas, l'histoire nous prouve que seuls les peuples qui ont réussi cette jonction ont réussi tout court.
La troisième est géo-historique. La médaille a été remise à Taoufik par deux Marocains célèbres dans le demi-fond mondial : Saïd Aouita et Nawal El Moutawaqil. Au passage, on peut se rendre compte que nos voisins accompagnent réellement la carrière post-sportive de leurs champions quand Morceli, Boulmerka ou Benida Merrah semblent exclus du protocole olympique. Cela dit, les déclarations chaleureuses de Aouita et Hichem El Guerroudj à l'égard de la performance de Makhloufi honorent leur sentiment maghrébin et vient nous rappeler, en ce cinquantenaire de l'indépendance, que l'un des objectifs importants de la déclaration du 1er Novembre 1954 était l'édification du Maghreb.
Un vieux rêve que la réussite de Taoufik et la réaction de ses pairs marocains vient caresser avec une pointe acérée de déception. Mais, se demande-t-on, d'où vient cette réussite maghrébine dans le demi-fond ? Est-ce parce qu'en Afrique du Nord, nous n'allons jamais au fond des choses et que, par nature et culture, nous détestons le court et que le long nous horripile ? La distance d'un kilomètre et demi aurait-elle une prévalence dans notre univers maghrébin ? Est-ce une aptitude ancrée dans nos gènes qui avait vu par exemple les tirailleurs nord-africains s'illustrer dans la bataille décisive de Monté Cassino durant la Deuxième Guerre mondiale ? Est-ce nos modes d'alimentation et d'existence ? C'est le genre de questions qui n'ont pas de réponses mais qui méritent d'être posées.
Toujours est-il que Taoufik s'est avéré un pourvoyeur industriel de joie quand celle-ci est si difficile à naître. Moment de grâce où un seul homme peut faire du bien à des dizaines de millions de ses semblables. Ni la littérature ni même la science ne peuvent en faire autant, en tout cas aussi vite et aussi massivement. La politique encore moins. Un moment n'est qu'un moment, mais durant celui où a retenti Qassaman, bien exécuté, faut-il le dire, j'ai cru voir passer dans le ciel du stade mythique de Wembley, l'ombre de Mastanabal, notre premier champion olympique, ce fils de Massinissa ayant remporté vers 164 avant J.-C. une course hippique aux Jeux d'Athènes, et celle de Bouguerra El Ouafi, ouvrier émigré, originaire de Ouled Djellal, qui devint le premier Algérien des Jeux olympiques des temps modernes à glaner une médaille d'or à Amsterdam en 1928.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.