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Palestine trahie
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Publié dans El Watan le 13 - 09 - 2014

Le choix du titre «Palestine trahie» est un hommage et un signe de reconnaissance à Kateb Yacine qui, à travers cette œuvre monumentale, éveillera les consciences à la question palestinienne en la mettant en scène dans ses moindres sinuosités.
Par un verbe incisif et des tableaux expressifs, il reconstitue les éléments du conflit et nous transporte au cœur du drame palestinien. Il est le premier à avoir osé une démystification des discours trompeurs des dirigeants arabes, en jetant la lumière sur leurs rapports ambigus et hypocrites à la cause palestinienne. Il lâchera alors le mot tabou : trahison.
Depuis, la pièce de Kateb ne cesse d'allonger ses actes et se joue interminablement. Non pas sur les planches, les théâtres dans les pays arabes étant définitivement fermés. Elle se joue en vrai, les acteurs ne font pas semblant de mourir. Ils meurent.
Pendant ce temps, les dirigeants du Maghreb et du Machreq ont l'esprit ailleurs. Angoissés par des situations internes fragiles et embourbés dans des alliances géopolitiques suspectes, ils observent, impuissants, se perpétrer devant eux un crime abject et abominable. Les moins indifférents d'entre-eux daignent une protestation timide ou une aumône dans l'espoir de s'acheter une bonne conscience.
Voyage dans le monde maudit
Le Qatar, principauté superficiellement moderne, est très respectueux de son agenda. Il déplore cette irruption intempestive de la guerre en plein mercato. Il a des priorités et entend bien s'y conformer. De plus, le trésor est en couvaison dans une banque juive. On ne peut pas jouer au fort quand on n'a pas le coffre-fort.Le Soudan est très prudent. Divisé en deux, il ne veut pas prendre le risque de se diviser en quatre.
La Jordanie, à ne pas confondre avec la Cisjordanie, estime avoir déjà trop donné en accordant un asile confortable au chef du Hamas. Et moi qui croyais le chef du Hamas à Ghaza. Ma crédulité va finir un jour par me couler. Et non, le chef du Hamas n'est pas à Ghaza. Ses camarades non plus. Ils sont dans un hôtel à Doha. Ils sont trop importants pour faire la guerre. N'est-il pas triste de se voir ainsi privé du privilège de tomber en martyr. Force est de convenir qu'il n'y a aucune gloire à mourir d'un ulcère ou d'une crise hémorroïdale.
Le Yémen n'arrive toujours pas à parachever sa réunification. Il fait face à d'énormes problèmes de soudure.
Le Sahara occidental est réduit au silence malgré sa nette contribution à l'émergence du Maghreb grâce au négoce de la poudre d'or, il y a de cela quelques siècles. Pour une raison secrète que tout le monde connaît, c'est un autre qui parle à sa place. Une voix de moins pour la Palestine.Le Liban, ce beau et sympathique pays à la culture riche et intelligente, se disloque sous les assauts meurtriers de groupes allochtones qui y ont élu domicile sans visa.
Le Maroc s'est imposé comme règle de conduite de ne jamais s'ingérer dans les affaires des autres… à l'exception de l'Algérie et du Sahara occidental. La colonie lui pose de plus en plus de soucis et son allergie à l'Algérie est désormais trimestrielle. Sans doute ignore-t-il qu'allergie et Algérie s'écrivent avec les mêmes lettres. Que les Algériens se rassurent. L'Algérie n'a peut-être pas la baraka des saints. Elle n'est pas moins protégée par son étoile rouge, symbole du sang de ses martyrs, entourée d'un croissant qui doit certainement faire saliver «jalalatahou» à chaque petit déjeuner. J'ai longtemps cru qu'un Commandeur des croyants est le premier à croire. Et bien c'est juste une idée reçue. Je le répète, ma crédulité va finir un jour par me couler. La Palestine ? Le Maroc n'y songe guère. C'est une question de tempérament. En effet, beaucoup sépare un occupant d'un occupé.
Le Koweït ne s'est encore pas remis d'une certaine malheureuse aventure de 1990. Il ne veut plus être mêlé à ces histoires. Il passe son temps à se reconstruire et les Américains sont à pied d'œuvre. Ils sont partout ceux-là.
L'Arabie saoudite, haut lieu de l'Islam, est par décret au-dessus de tout soupçon. Elle prépare le pèlerinage et cela lui prend tout son temps ou presque. Car elle doit également compter les recettes. La besogne n'est pas aisée. Accueillir en même temps ceux qui tuent et ceux qui s'entretuent, les riches et les moins riches, les islamistes et les musulmans, les Iraniens et les Américains, les djihadistes et les femmes et tout le reste, n'est pas de tout repos. Seul motif de quiétude, la sécurisation des sites est confiée aux boys. Ces garçons font parfaitement leur boulot. Parfois ils vont même au-delà. C'est peut-être ça leur vrai boulot. Et moi qui pensais que les Lieux Saints, justement parce que saints, n'ont pas besoin de protection. Encore cette maudite crédulité. Elle va finir un jour par me couler.
Le Bahreïn, les Emirats et la Mauritanie ont une excuse imparable : ils ne sont au courant de rien.
La minorité chiite au pouvoir en Syrie, ennemie des Américains et amie des Russes, est en guerre contre la majorité sunnite, amie des Américains. Les apparitions d'Assad junior, cet ancien laïc fraîchement reconverti, se résument à une prière entre deux massacres. Présider un chaos est-ce vraiment présider ? Mais pour un dictateur, le titre importe plus que tout. Quitte à présider une décharge publique. Décidément, l'addiction au pouvoir n'a pas de limite. Pour moi, un ophtalmologue est l'homme qui voit le mieux au monde. C'est faux. C'est toujours cette crédulité. Elle va finir un jour par me couler.
La majorité chiite au pouvoir en Irak, amie des Américains et ennemie des Russes, fait la guerre à la minorité sunnite, ennemie des Américains. Elle l'accuse de travailler à la résurrection de Saddam. Acculée, cette dernière accouche, par césarienne, d'un minuscule califat à la prétention démesurée. Al Baghdadi et ses mutants entendent régenter l'ensemble de l'espace musulman par la terreur. Sitôt né, le groupuscule se voue à la destruction des édifices symboliques, au massacre des chrétiens yazedites et à la décapitation des mangeurs de tomates et de concombres. Ces énergumènes sont reconnaissables à leurs portables Apple, leurs sabres rouillés et une tache sombre au milieu du front, vestige d'une corne qui témoigne d'une probable filiation lointaine avec le rhinocéros. Aucun lien bien sûr avec la marque visible sur le front de certains musulmans, signe d'une prosternation assidue devant Dieu.
Cette évolution dans la situation irakienne a vite fait réagir les Occidentaux. On se demande pourquoi ne font-ils pas de même pour la Palestine. Les victimes ne méritent-elles pas le même traitement ? Existe-t-il une différence ente la Palestine et l'Irak ? Oui, et elle est de taille. En Palestine, il y a des chrétiens mais pas de pétrole. Par contre, en Irak, les puits et les chrétiens partagent le même territoire. Il serait indécent de protéger les uns sans venir au secours des autres.
De même que le pétrole attise l'instinct prédateur chez certains, de même qu'il réveille chez d'autres un peu d'intelligence. Grâce à lui, j'ai tout compris. La tendance pétrolivore explique parfaitement les amitiés et les inimitiés à géométrie variable. On peut être l'ami des chiites en Irak et leur ennemi en Syrie et inversement s'agissant des sunnites. Ce n'est pas une contradiction, mais juste une humeur de client et de fournisseur. Je suis enfin débarrassé de ma crédulité. Je ne risque plus de couler. Vive le pétrole.
La Tunisie panse ses plaies et poursuit sa convalescence démocratique. Si rien ne vient la contrarier dans son rêve, elle quittera psychologiquement le Maghreq d'ici peu. Je suis triste, car nous partageons avec la Tunisie un précieux héritage laissé par les Phéniciens, ancêtres des Libanais. Et si l'Algérie, la Tunisie et le Liban décidaient de se regrouper en un même pays ? On l'appellera Altuban. On enverra Gaïd nettoyer le Liban, Bouteflika se reposer en Tunisie et on confiera le destin de l'Algérie au mouvement Barakat. Je me sens déjà Altubanais.
Quant à la Libye, elle se désagrège à huis clos. Les supposés sauveurs sont partis. Le Sarkozy acclamé à Benghazi n'est plus là. Il n'est même plus président. C'est un simple passager venu créer le désordre pour pouvoir échapper à un procès.
Il reste des milices armées se disputant le pouvoir et une population otage d'une guerre qui n'est pas la sienne. Il se murmure une possible intervention algéro-égyptienne dans ce pays. C'est faux. L'Algérie est préoccupée par cette situation, mais elle l'est encore plus pour le
Sahel où les intermittents du djihad sont de retour. L'Egypte présente un autre cas de figure. Il n'y a personne pour donner l'ordre, le ministre de la Défense ayant été propulsé Président par le ministre de la Défense.
L'Algérie est complètement à l'arrêt. Seul le règlement de compte est autorisé. Malade, son Président nécessite le repos national. Deux bonnes nouvelles méritent néanmoins d'être signalées. La première vient de la courageuse ministre de l'Education. Elle souhaite désidéologiser l'école pour en faire un lieu de savoir. On est rassuré pour les avions d'Air Algérie. La seconde concerne l'annonce faite par le ministre des Affaires religieuses sur une imminente réforme profonde de la pratique des cultes. Elle a déjà comme premier effet de susciter un grand bonheur dans la corporation des coiffeurs et des barbiers. Ils s'attendent, d'ores et déjà, à un accroissement de leur clientèle. Il ne faut pas les décevoir.
En parallèle, notre diplomatie s'emploie à la convocation d'une inutile session de l'Assemblée générale de l'ONU, puisque le problème est en Palestine et non à New York. De plus, les membres les plus influents sont trop occupés en Irak. La crédulité a-t-elle changé de camp ? L'Egypte vit le grand embarras. Et pour cause. Déclarer la guerre à la confrérie égyptienne et venir au secours de sa branche palestinienne est un exercice périlleux. De plus, l'Egypte est dans un rapport d'amitié avec les massacreurs de Ghaza. Un autre paradoxe inhibiteur. Piégée entre le tunnel et le gazoduc, elle décide à contrecœur de s'essayer à la négociation de la trêve. C'est le moins compromettant. Cela permet aux belligérants de reprendre des forces et aux enfants palestiniens de mieux se préparer à la mort. C'est déjà ça. Dans sa cellule, le Président déchu est au bord de la dépression. Il rate une occasion inespérée de jouer à Zorro. Il se mord les doigts sans toutefois abîmer l'index. Il est pour lui plus qu'un doigt. Un projet.
Faisons un peu de politique fiction en imaginant la crise actuelle avec au pouvoir Morsi en Egypte, Nasr-Eddine au Liban, El Para en Algérie, El Baghdadi en Irak, Ahmadinejad en Iran, Cheikh Dhawadi en Libye, Ben Laden en Arabie saoudite, etc. Je n'ose même pas y penser. Une chose est certaine, dans une telle configuration on passera du «Maghreq» au «Mahreq». C'est-à-dire du naufrage au grand incendie. Au moins avec les dirigeants actuels on ne risque pas d'être embarqué dans une Troisième guerre mondiale.
Certes, ils sont très forts en répression. Mais en guerre ils sont nuls. D'ailleurs, ils en ont perdu deux ou plutôt trois : 1967, 1973 et celle contre le sous-développement. Il faut s'estimer heureux. Vive le «ne rien faire».
Ce survol du Maghreq serait diminué sans une virée au syndicat des dictateurs : la Ligue arabe. Elle vient de rendre publique une déclaration dans la quelle elle annonce son retrait définitif des conflits. Elle s'occupera désormais de la thalassothérapie en faveur des dictateurs fatigués. Un domaine dans lequel elle a déjà fait montre d'énormes qualités.Le voyage arrive enfin à son terme. Il n'a pas été passionnant, mais certainement instructif.
Une dernière remarque. Pour ne pas alourdir le texte par des répétitions ennuyantes, j'ai composé le mot «Maghreq» pour désigner l'ensemble formé par les deux espaces Maghreb et Machreq. Usant de la technique classique de la juxtaposition, j'ai donc assemblé Magh de Maghreb et req de Machreq. Quelle fut ma surprise devant le résultat. Le mot obtenu ne se limite pas à désigner, il décrit parfaitement l'ensemble. En effet, la traduction française de «maghreq» est naufrage ou lieu de naufrage. Sans commentaire.
Le style pamphlétaire utilisé n'est nullement l'expression d'une méchanceté ou de quelque intention blasphématoire. Il reflète l'image tragicomique que renvoie un «Maghreq» en pleine démence.
La suite sera un peu plus analytique et proposera des pistes à même d'aider à lire et déchiffrer cette situation complexe.
Perversion du conflit
Vouloir appréhender le conflit israélo-palestinien comme un phénomène doté d'une logique propre conduit droit à l'impasse.
Les conditions ayant présidé à la création de l'Etat israélien ont imprimé au conflit une singularité qui le distingue du conflit classique opposant colonisateur et colonisé.Le conflit israélo-palestinien s'est d'emblée constitué en un champ sur lequel se projette et se transpose l'ensemble des conflits qui rythment le monde. Cette caractéristique explique en grande partie sa longévité, son intensité et la multitude d'acteurs qui agissent en son sein et à sa périphérie. La montée et le déclin des autoritarismes modernisateurs, la guerre froide et la mondialisation, l'irruption de l'islamisme et d'autres événements de moindre importance sont autant de stations ayant impacté le conflit israélo-palestinien.
Mais c'est l'islamisme qui bouleversera la problématique et servira d'alibi à une entreprise de déstabilisation/satellisation de toute la région.
L'assassinat de Sadate marque l'entrée fracassante des islamistes dans le mouvement national palestinien.
En lavant l'affront provoqué par la «trahison» de Sadate, les islamistes radicaux réussiront à capter l'héritage historique accumulé par la lutte palestinienne. Aux yeux d'une opinion forgée dans le mythe et la subjectivité, donc imperméable à la rationalité politique, les islamistes incarnent désormais la véritable résistance à Israël.
Le centre de gravité de l'idéologie du mouvement palestinien se déplacera alors du nationalisme séculier à l'islamisme radical, en rupture avec la réalité plurielle de la société palestinienne. Les implications politiques et géopolitiques d'un tel glissement seront énormes. Le conflit est présenté comme une «guerre des religions» et l'action placée sous le signe de la «guerre sainte». Dès lors, la question palestinienne n'est plus palestinienne et la résistance n'est plus circonscrite dans des frontières définies. Ce phénomène de déterritorialisation, autre trait caractéristique de l'islamisme, confortera les tenants de la guerre permanente et légitimera toutes sortes d'ingérences. Les arguments sécuritaire et humanitaire faciliteront la mainmise sur les richesses et excuseront l'implantation de bases militaires qui préparent déjà d'autres conflits.
Cette analyse est, par ailleurs, extensible à tous les conflits à forte présence islamiste. Et il est important de préciser que la perversion n'est pas un effet de l'Islam, mais un effet de la perversion de l'Islam. Et c'est l'œuvre d'une partie des classes moyennes rétrogrades comprimées dans leurs aspirations et menacées de rétrogradation sociale. Face au défi de la mondialisation, elles ont choisi la rétraction communautariste. Elles sont porteuses d'un projet de même nature que celui qu'elles prétendent combattre. Nombre de drames de l'humanité ont pour origine l'égarement des classes moyennes.
Les deux gueres du Hamas
Il ne faut pas être crédule et il ne sert à rien de le cacher. Dans cette guerre se joue aussi la nature du système politique du futur Etat palestinien. L'action du Hamas se déploie sur deux fronts s'alimentant mutuellement. Derrière la guerre contre Israël, se dissimule une autre guerre dont l'objectif est d'asseoir une hégémonie sur le champ politique palestinien. Car, pour le Hamas, la libération de la Palestine n'est pas une fin en soi. C'est une séquence dans un combat beaucoup plus large : la réislamisation de l'espace musulman.
De ce point de vue, il est erroné d'assimiler islamisme et nationalisme, même si ce dernier puise beaucoup dans l'univers spirituel de l'Islam. L'un rassemble dans le cadre d'une nation concrète, l'autre dilue dans un ensemble imaginaire. Le Hamas n'est pas un acteur de la crise, mais un élément de la crise, un allié objectif de l'extrémisme israélien. Avec Arafat, Habache et Hawatmeh, le rêve de Abane pour l'Algérie allait se réaliser en Palestine. Hélas, des fous en ont décidé autrement. Quel gâchis !
Sur les traces du nazisme
Si le droit des Israéliens à bâtir un Etat stable et à vivre dans la paix est indiscutable et reconnu par tous, les Palestiniens ont droit au même droit. Le leur refuser c'est le refuser à soi-même. Un droit fondé sur la négation de l'autre cesse d'être un droit. C'est le retour à l'état de nature. Le but du nazisme est l'extermination de tout ce qui n'est pas allemand. Il ignore que sans les autres, les Allemands ne seraient plus Allemands. Car sans altérité point d'identité. D'un point de vue philosophique, c'est là où se situe la contradiction fondamentale du nazisme. Toutes proportions gardées, la démarche israélienne semble frappée de la même contradiction. Pour n'avoir pas mesuré les limites et le caractère inhumain de son aventure, le nazisme a été vaincu et jeté dans les pages les plus sombres de l'Histoire. Les juifs ont payé un lourd tribut et frôlé la disparition. Ont-ils aujourd'hui perdu la mémoire au point de vouloir imiter leurs bourreaux ?
Issu d'une communauté qui a longtemps souffert de l'exclusion et du racisme, le président Obama porte en lui un héritage qui le prédispose à une plus grande compréhension du drame palestinien. Est-il lui aussi atteint du syndrome de Stockholm ?
Le combat des Palestiniens est semblable à celui des Noirs américains contre le racisme, des juifs contre le nazisme, des Algériens contre le colonialisme, ou encore des Sud-Africains contre l'apartheid. La volonté de s'affranchir d'un ordre injuste et avilissant est le moteur commun à toutes ces résistances. Messieurs Obama et Hollande, n'avez-vous pas encore compris que nous, si nous soutenons les Palestiniens, c'est aussi au nom de vos propres valeurs ? Notre intention n'est pas de susciter de la compassion. Il s'agit d'interpeller ces dirigeants sur leur transgression d'un héritage dont ils prétendent être les légitimes titulaires et les fervents défenseurs. Mais alors, quelles sont leurs motivations ?
Le choc des empires
En se financiarisant et en se mondialisant, le capitalisme est devenu un obstacle à son propre développement. Victime d'une contradiction indépassable, il se régénère par le conflit et à la faveur d'une violence permanente et subtilement idéologisée. L'effondrement des anciens empires n'a pas détruit l'idée impériale. Au contraire, celle-ci résiste et tente de renaître sous d'autres apparences. Surprises par l'émergence fulgurante de la Chine et d'une partie de l'Asie, l'émancipation latino-américaine et les processus de démocratisation tous azimuts, les puissances occidentales et russe se lancent à la conquête de nouveaux marchés et de nouvelles zones d'influence.
Affaiblie par le dépeçage de l'empire soviétique, la Russie ressuscite l'idée à travers la construction d'un ensemble eurasien. En concurrence avec l'Europe et surveillés de près par les USA, les Russes usent de leur présence dans les conflits comme d'une monnaie d'échange. Les USA et l'Europe, particulièrement la France, sont dans tous les conflits à retombées juteuses.
Il ne s'agit ni d'une «guerre de religions» ni d'un «choc des civilisations». Nous sommes dans un choc des empires dont les soubassements sont principalement matériels.
Le conflit israélo-palestinien est inscrit dans ce choc des empires. Son évolution en dépend dans une large mesure. Israël est en même temps le prétexte et la base arrière. A travers ce pays, l'Occident a réussi là où la géographie a échoué : mettre de l'Occident dans l'Orient.
Il en est de même des conflits syrien, irakien, libyen, afghan ou encore ukrainien.
Misères du populisme
Leur incapacité à apporter une réponse adéquate à la question nationale est de loin l'aspect le plus désastreux de l'échec des autoritarismes dans le Maghreb et le Machreq. L'unité et l'intégration décrétées et tant glorifiées se sont révélées être une illusion entretenue par le verbe et le bâton. Dans cette région, tout effondrement ou contestation large et prolongée d'un régime autoritaire libère le communautarisme dans tous ses états. Il se décline sur le mode ethnique, religieux ou encore le factionnalisme armé. Il cumule souvent ces trois expressions. L'affirmation par les structures traditionnelles, la religion où la violence accentue la déconstruction du lien social et alimente le phénomène de la déterritorialisation. Les marchands de l'idéologie prospèrent.
L'une des facultés redoutable de l'idéologie est justement de se saisir d'une ethnie, d'une religion, d'une langue, d'un mythe ou d'une peur et d'en faire un maquis. Les individus s'enrôlent alors avec enthousiasme et s'éloignent sans le savoir de l'idéal pour lequel ils ont cru croire.
La gestion des sociétés par la violence et le repli dans le symbole et le mythe sont de fausses réponses aux défis du monde d'aujourd'hui.
L'unique voie est l'amorce d'un processus de démocratisation global et la construction de blocs régionaux sur des bases saines et autour d'objectifs clairs. Les régimes autoritaires et les islamistes sont à la croisée des chemins. Deux choix se présentent à eux : continuer à être de simples instruments dans le choc des empires avec toutes les conséquences dramatiques qui en résultent, ou alors accepter d'aller à des révisions déchirantes et faire les mutations nécessaires pour pouvoir contribuer à la construction d'un avenir démocratique. Les sociétés, et particulièrement leurs élites, doivent de leur côté se rendre à l'évidence qu'il n'y a point de salut sans engagement et sans sacrifice. Par leur passivité, elles entretiennent leur propre domination.


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