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Zénith, le temps d'un été
Pèlerinage à Azru n'Thor (Tizi Ouzou)
Publié dans El Watan le 17 - 08 - 2006

Onze août 2006. A l'approche du zénith, le défilé de pèlerins, qui ont parfois commencé leur ascension tôt le matin, forme une foule compacte sur le sommet au nom qui fait frémir, Azru n'Thor.
Un homme attire l'attention, attendant que l'ombre de la branche de romarin qu'il a plantée dans le sol disparaisse totalement, lorsque le soleil sera à l'exacte perpendiculaire au-dessus de la brindille. L'homme prétend que le passage du zénith sur la montagne marque l'heure de la prière dans toute la wilaya. Nous sommes à 1883 m d'altitude, à l'extrême sud-est de la wilaya de Tizi Ouzou, dans un endroit où l'on croirait toucher le ciel des doigts. De part et d'autre du fameux rocher, au carrefour des trois wilayas de Béjaïa, Bouira et Tizi Ouzou, se dessine toute la Kabylie : infinis mamelons d'ocre, de vert et de marron, descendant progressivement vers les plaines, parsemés sur les crêtes de villages perchés. Vu d'ici, la Kabylie semble imprenable, comme coupée du monde et du temps.
Affluence estivale au pèlerinage d'Azru n'Thor
Chaque été, plus de 15 000 personnes, selon les organisateurs, foulent le sommet d'Azru n'Thor, le « Rocher du Zénith », rendant hommage à la montagne mystique. Les communes de Aït Adella, Zoubga et Taourirt Aït Atsou organisent en alternance cette manifestation estivale importante, fournissant, grâce à des dons financiers individuels, repas gratuits et service de sécurité formé de villageois armés. La manifestation permet de réunir près de 2 millions de dinars de dons par an, dont une grande partie, qui ne sert pas l'entretien du site et la waâda suivante, va aux travaux d'utilité publique dans ces trois communes. Tous les étés, les habitants de la région se retrouvent sur la montagne, partageant le même couscous. La famille M. vit à Tifilkout, hameau de la commune d'Illilten, à 70 km de Tizi Ouzou, en amont des villes de Larbaâ Nath Irathen (ex-Fort national) et Aïn El Hammam (ex-Michelet). Elle fait partie de ces lignées rompues à la tradition. La grand-mère, revêtant sa plus belle robe traditionnelle, à couleurs vives, rouge et jaune, ne manquerait l'événement pour rien au monde. Même au prix d'une randonnée d'une petite heure, sous la chaleur, et qui ressemble parfois plus à une séance d'escalade lorsque la piste de sable fait place aux roches saillantes à l'approche de la cime. Au terme de sa marche, elle pourra prier les saints de la montagne d'exaucer son vœu. Celui de marier son fils, encore célibataire à bientôt 40 ans. Perpétuant les traditions maraboutiques, la waâda d'Azru n'Thor accueille plusieurs marabouts et vieilles femmes « saintes » qui, aux différentes étapes du pèlerinage et contre quelques billets, vous offriront la baraka jusqu'à l'année suivante. Pour les filles de la famille, toutes âgées d'une vingtaine d'années, ces fêtes d'été sont l'occasion de se retrouver entre cousines séparées le reste de l'année. Plus qu'un haut lieu de sainteté, le pèlerinage a aussi une fonction sociale. Celle des retrouvailles entre membres d'une même famille éparpillés du fait de l'exode rural ou de l'émigration des décennies passées. Mais celle aussi, me dit un observateur averti originaire de Tifilkout, de produire des rencontres entre jeunes filles et jeunes hommes, véritables préliminaires aux demandes en mariage. Car en dehors de la période estivale bouillonnante de fêtes folkloriques et de mariages traditionnels, saison propice à une vie sociale plus intense, le quotidien de Tifilkout peut paraître morne. Les jours ordinaires, rares sont les femmes visibles dans les rues du village qui s'attardent sur leur chemin. Le plus souvent, c'est pour transporter sur leur dos des fardeaux de bois de plusieurs kilos. Et quand une famille cultive des terres, ce sont les femmes du foyer qui en ont la responsabilité. L'on ne verra que très expressément une jeune fille discuter avec un garçon de sa connaissance qu'elle aura croisé au hasard du chemin. La famille M. ne déroge pas à la règle et les filles de la maison, qui étudient à l'année à Alger, passent le plus clair de leur été à demeure. La maîtresse de maison de 73 ans se lève tous les jours à l'aube pour travailler au jardin qui produit légumes et fruits à la base des repas familiaux et faire son ménage. « C'est l'habitude, dit-elle dans la seule langue qu'elle parle, le kabyle. Je ne peux pas rester inactive. » Elle et les femmes de la maison, ses filles et petites-filles, prépareront ensuite le déjeuner, servant les hommes en premier. Elles se retrouveront dans la cuisine plus tard pour profiter à leur tour de la fin du repas. A l'extérieur de la fourmilière, les hommes forment des cercles de discussion quotidiens dans les rues. Beaucoup se disent au chômage, dans l'indifférence du pouvoir central. Selon certaines sources, les budgets des collectivités locales en Kabylie auraient pourtant été renfloués afin de relancer l'activité économique de la région. Cela n'a pas empêché Tifilkout d'être frappé par la désertification rurale.
Entre dépeuplement et désenchantement
Les quelques commerces de la commune d'Illilten, relevant pour la plupart de l'économie informelle, vente de bétail et d'œufs provenant des élevages domestiques, ateliers de mécanique et vulcanisateurs improvisés, ne parviennent pas à résorber la demande d'emploi qui se fait sentir. Les statistiques du chômage ne sont pas disponibles, mais on estime tout de même que 50% des jeunes de Kabylie sont chômeurs, alors qu'ils représentent 70% de la population. L'économie traditionnelle de la région repose sur l'arboriculture, or jardins, vergers et oliviers aujourd'hui ne servent qu'à la consommation personnelle des familles, sans qu'on ne voit le résultat d'aucun investissement dans l'agriculture productive et commercialisable. Ce n'est pourtant pas l'espace ni les conditions climatiques qui font défaut. Tifilkout n'est pas épargné par le phénomène de l'exode rural. Beaucoup de jeunes entrevoient davantage de perspectives d'embauche dans les zones industrialisées du Nord. Amar, revenu au village pour fêter le mariage de son fils à la traditionnelle, a réinvesti sa maison le temps d'un été. Le reste de l'année, il tient un commerce sur Oran, à défaut d'avoir trouvé des débouchés intéressants dans sa commune d'origine et ses environs. Au nombre des témoignages similaires, on imagine aisément l'ampleur du dépeuplement de la commune, qui ne connaît finalement qu'une renaissance temporaire l'été. Cette affluence saisonnière est accentuée avec le retour au bled des émigrés kabyles, représentant une majorité de l'immigration algérienne à l'étranger. C'est d'ailleurs à eux, semble-t-il, que l'on doit les grandes villas en construction où vivent les habitants de Tifilkout. « Les maisons sont construites avec l'argent des émigrés, me rapporte un des riverains. Ils sont notre principale source de revenus. » Propos que j'entendrai encore souvent par la suite. Des maisons qui frappent de prime abord par leur envergure, mais dont on se garderait de dire qu'elles sont confortables. Dans la grande maison qui accueille beaucoup de monde l'été, les aides financières envoyées par un fils émigré ne peuvent rien pour améliorer ni la constance de l'approvisionnement en eau, qui souffre de défaut de pressurisation, ni la qualité de l'assainissement.
Sentiments d'insécurité et d'injustice
Les faibles perspectives d'avenir et solitude peuvent-ils expliquer les records de taux de suicide dans la wilaya de Tizi Ouzou rapportés par la Gendarmerie nationale dans son bilan semestriel pour l'année 2006 ? L'alcoolisme et le trafic de drogue sont des maux notoires. L'insécurité aussi, qui continue d'alimenter les peurs. Plusieurs habitants mettent en garde contre les braquages sur certaines routes jugées dangereuses, « surtout à la tombée de la nuit », et d'éventuels incidents à proximité de « villages plus conservateurs ». Au malaise social se greffe un sentiment d'injustice tenace chez certains habitants de Tifilkout, qui ont la conviction d'une « discrimination kabyle ». Des réunions politiques nocturnes sont régulièrement tenues ou improvisées par de jeunes villageois. Les murs du village, marqués à la bombe noire des slogans « Anti-coyotes » ou « RCD traître », confirment un bouillonnement revendicatif. D'autres interpellations graphiques, témoignage des graves événements de 2001, rappellent qu'ici aussi le passé est rancunier.


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