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Boudarene Mahmoud .psychiatre et docteur en sciences biomédicales : «Le crime est le résultat de l'effondrement des interdits»
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Publié dans El Watan le 05 - 03 - 2015

Docteur en sciences biomédicales, Boudarene Mahmoud explique dans cet entretien les différentes motivations qui poussent des individus à commettre des crimes à l'encontre de leurs proches. Toutefois, il précise que même «s'il ne faut pas minimiser le phénomène, nous ne devons pas non plus faire dans l'alarmisme».
-Quels sont, selon vous, les facteurs à l'origine des crimes au sein des cellules familiales ?
Il faut peut-être commencer par préciser à vos lecteurs de quoi nous allons parler. Le vocable «crime» au sens juridique a une acception large, il regroupe les infractions les plus graves dès lors que celles-ci portent atteinte à la société. Une deuxième acception, d'un usage courant, plus étroite, confond le crime avec le meurtre, l'homicide.
C'est à ce cas de figure que vous faites, sans doute, allusion dans votre question. Vous semblez croire que le nombre d'homicides à l'intérieur de la cellule familiale s'est accru. Je ne saurais dire si c'est le cas, quand bien même la presse nationale rapporte assez régulièrement ce type d'événements. S'il ne faut pas minimiser le phénomène, nous ne devons pas non plus faire dans l'alarmisme et nous laisser tromper par une médiatisation poussée du fait notamment d'une plus grande couverture médiatique du pays et donc d'une plus grande circulation de l'information.
-Qu'est-ce qui amène les sujets à commettre de tels actes ? Quelles raisons poussent au meurtre du père, de la mère ou encore du frère ? Autrement dit, quelles en sont les motivations, pour quels mobiles ?
Les motivations peuvent être internes, propres à l'individu, à sa psychologie ou à son état mental. Ici, le meurtre survient dans un contexte de pathologie psychique. De mon point de vue -je peux me tromper-, ce sont les situations les plus fréquentes, en particulier quand il s'agit d'un homicide qui se produit à l'intérieur de la cellule familiale. Le schizophrène sous l'emprise d'idées délirantes tue sa mère parce qu'elle est vécue comme la persécutrice. Un passage à l'acte, quelquefois précédé par des menaces, que la famille ne prend pas toujours au sérieux.
D'autres fois, rien ne présage l'homicide qui survient subitement, un acte inaugural, immotivé qui laisse perplexe et dans l'incompréhension la famille, mais une situation que les psychiatres connaissent bien. Le délirant jaloux tue sa femme, parfois après plusieurs mois de surveillance, parce qu'il est convaincu que celle-ci le trompe avec un autre homme. Un amant supposé, généralement désigné (identifié), et qui est en danger potentiel, le crime passionnel… Le mélancolique délirant met fin à la vie de sa femme et à celle de ses enfants avant de se tuer à son tour. C'est le suicide altruiste du sujet qui est convaincu, du fait de la pathologie qu'il présente, de l'indignité insupportable dans laquelle il vit avec sa famille. En finir constitue pour lui la seule porte de sortie. Un acte qui jette souvent la consternation dans l'entourage, mais qui est intelligible aux yeux des professionnels de la santé mentale.
-Existe-t-il d'autres raisons ?
Il y a aussi des raisons externes qui déterminent le passage à l'acte. Plutôt que de les appeler motivations, je préfère, dans ce cas, utiliser le terme de mobiles tel que l'usage le veut en matière juridique. Que le passage à l'acte soit mu par le vol de la victime, par le désir de sauvegarder son honneur ou encore par le besoin de dissimuler un comportement socialement répréhensible comme c'est le cas dans l'infanticide chez la mère célibataire, le mobile -dans ce cas de figure- a raison du lien familial et des interdits fondamentaux qui fondent le consensus social. Le rempart au passage à l'acte violent est tombé.
Est-ce que la société algérienne (la famille algérienne) -par son fonctionnement (ses dysfonctionnements)- sécrète aujourd'hui plus de meurtriers ? Je pense que c'est le sens de votre question. Une question qui mérite d'être posée au moins parce que la violence semble s'être emparée de la société et que le passage à l'acte agressif -chacun a pu en faire le constat- constitue présentement la voie privilégiée de résolution des conflits entre les individus.
-Quelles solutions pouvez-vous préconiser ?
Les solutions pour prévenir le crime me semblent évidentes quand il s'agit de passage à l'acte pathologique. Le diagnostic de la maladie, l'évaluation du risque et son traitement constituent les éléments cardinaux de cette prévention. Les personnels de santé en charge de la pathologie mentale ont un rôle central à jouer dans l'information et l'éducation des familles à la pathologie présentée par un des leurs, notamment en ce qui concerne l'observance thérapeutique et le suivi régulier du patient.
Le problème devient plus délicat quand il s'agit d'anticiper et de prévenir les autres comportements meurtriers. Que faut-il faire pour empêcher le petit-fils de tuer son grand-père pour lui prendre son argent ? Comment venir en aide à une mère célibataire, dans le désespoir, qui serait tentée d'écourter la vie qu'elle vient de donner à son enfant ? Comment empêcher un père humilié d'assassiner sa fille qui s'est rendue responsable du déshonneur de sa famille ? Est-il possible d'anticiper l'assassinat du père de famille incestueux par une mère longtemps forcée au silence par un mari violent et violeur de ses filles ? Que faut-il faire pour réduire la colère subite et incontrôlée qui conduit le sujet à porter à son frère le coup de couteau fatal ? Autant de questions qui interpellent la société dans ses fondements, dans son fonctionnement et dans ses mécanismes régulateurs.
Des questions auxquelles le psychiatre que je suis ne peut pas répondre et qu'il faudra poser au criminologue et au sociologue. Faut-il croire à la thèse du criminel né-atavique, chère à Césare Lombroso ? Faut-il adhérer à l'idée développée par Morel et Magnan qui veut que le criminel est forcément un dégénéré, ou au contraire suivre Lacassagne dans son raisonnement et accepter l'hypothèse de l'influence du milieu social dans le passage à l'acte criminel.
Sans doute, il y a de tout cela. Le passage à l'acte criminel ne doit pas être réduit au déterminisme individuel. Il survient nécessairement quand un ensemble de circonstances concourent à l'immiscer dans l'esprit de l'individu. Parmi ces circonstances, les motivations constituent le socle, mais il y a aussi tout le processus de légitimation moral et de validation sociale qui lève l'interdit sur le passage à l'acte, en particulier quand il s'agit de crime d'honneur dont sont essentiellement victimes les femmes ou de celui commis pour des raisons d'inceste. Le bénéfice des circonstances atténuantes constitue un argument facilitateur.
Bien sûr ce processus ne vaut pas pour le crime crapuleux qui lui -mu par des motivations sordides- est opportuniste et se commet par un sujet qui ne s'encombre nullement de barrières morales. Un acte antisocial gratuit qui profite souvent d'une supposée (ou réelle) impunité du fait de la faiblesse ou de la faillite de l'ordre institutionnel.
Le crime existe dans toutes les sociétés. Le nombre varie selon que celles-ci (les sociétés) sont apaisées ou plutôt violentes. Dans tous les cas de figure, il (le crime) est le résultat -je le disais plus haut- de l'effondrement des interdits fondamentaux qui fondent le consensus social, lequel consensus garantit la paix parce qu'il constitue un rempart à la violence et qu'il évacue l'agressivité du dialogue social. Si le crime dans la société et dans la famille algériennes s'est réellement accru, l'inquiétude doit nous gagner mais doit interpeller en premier lieu les pouvoirs publics. Il faudra, sans doute, scruter avec plus d'attention le phénomène. Il faudra mieux le comprendre, en cerner les causes afin d'y apporter les solutions les plus appropriées.


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