Arab Sekhi, le créateur de Abbuh.com , y joue aussi, aime à dire que le temps des lectures purement militantes est révolu et que pour intéresser les jeunes et même moins jeunes, il faut produire, rendre vivante la culture et la mettre à la disposition du public. Et il l'a réaffirmé récemment dans une entrevue sur le site kabyleuniversel.com. «J'ai toujours dit que le temps de la lecture militante ou de la consommation militante est bien terminé… Il y a peut-être ma génération ou peut-être la génération d'après qui continuent encore à consommer de la culture ‘‘n tmazight'' parce ‘‘s tmazight'' … Combien d'entre nous ont acheté des livres qu'ils n'ont pas encore lus jusqu'à présent ? Il y en a des dizaines. Et cela est fini. Il est temps maintenant que tous ceux qui créent, tous les artistes se disent qu'on doit créer quelque chose qui doit attirer les gens pour venir parce qu'ils ont du plaisir, parce qu'ils ont de l'intérêt», affirme ce résident d'Ottawa. Le public est de plus en plus exigeant sur la qualité avec l'ouverture qu'offrent l'internet et les médias sociaux. Cette ouverture peut aussi être une menace pour la culture kabyle. Si auparavant elle a pu résister aux envahisseurs de tout acabit, elle semble moins combative de nos jours. «La Kabylie est en train de vivre une crise à multiples facettes, une crise économique, identitaire, politique, spirituelle, une crise même au niveau de la confiance en soi», ajoute Arab Sekhi. D'où ce cri — Abbuh — ou cet appel au réveil (wake up call) qui prend la forme d'une tajmaat virtuelle, comme l'a décrit la journaliste montréalaise et militante berbère, Djamila Addar. Les acteurs, tous amateurs, ont été très convaincants lors de la dernière présentation à Montréal à guichets fermés. Arab Sekhi a réussi un dosage équilibré entre dialogues intenses et moments plus hilarants dans un cybercafé de Kabylie devenu la tajmaât des temps modernes et qui porte le nom de Abbuh.com. Plusieurs générations du village s'y retrouvent. Chacun a ses raisons. Du jeune, qui cherche à s'évader d'un quotidien morose ou en quête d'un ailleurs sublimé, à la vieille qui cherche son fils sur internet. Autant de raisons que de personnages. Abbuh.com vient clore la trilogie commencée avec Tidak n Nna Fa, suivie de Ass n unejmaâ. Elle sera présentée ce samedi à Montréal au centre Patro-Le-Prevot. Une pièce qui gagnerait à être présentée en Algérie, selon les vœux du directeur du théâtre du renouveau amazigh, Mourad Mohand Saïd.
