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Critique des critiques de notre sociologie politique
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Publié dans El Watan le 09 - 06 - 2015


Par Zoreli Mohamed-Amokrane (*)
«Quand les bons citoyens sont condamnés au silence, il faut bien que les scélérats dominent.»
Maximilien de Robespierre

Ces derniers mois, la presse algérienne, notamment El Watan et Liberté, nous rapporte des contributions d'intellectuels de renommée établie, qui présentent des analyses de natures diverses, permettant ainsi, c'est cela son grand mérite, de redonner vie à l'analyse critique de notre réalité socioéconomique et politique.
Parce que considérés, à tort ou à raison, comme étant des références incontestables par les citoyens et les gouvernants, et que, par conséquent, leurs analyses impactent toujours les décisions et comportements, les écrits de ces analystes ne peuvent pas nous laisser indifférents.
C'est donc en prenant la mesure du fait que la situation actuelle en l'Algérie est aussi l'aboutissement d'une histoire des mots, des idées et des prises de position d'une certaine élite qui, par le travail sélectif des médias, a, aux différents virages de notre histoire post-coloniale toujours compté, que nous considérons la critique des critiques de notre sociologie politique comme étant une tâche des plus critiques.
Si la brillante thèse de Fourastié, considérant que le niveau de développement d'un pays est proportionnel au niveau de diffusion des analyses scientifiques dans sa société, est irréfutable, il est donc une évidence que, dans le marasme actuel, notre élite est responsable par la qualité de ses réflexions, autant sinon plus que ne le sont les hommes politiques par leurs actions.
De notre point de vue, ces analyses pèchent par plusieurs côtés. Les principaux qui nous paraissent être à l'origine de leur non-pertinence sont : l'apologitisme, le paralogisme, le théorisme et le paternalisme.
Des apologétiques qui passent pour des critiques
La première faille des analyses journalistiques de notre élite est, par manque de profondeur et de rigueur, de construire des critiques qui, par leurs énoncés principaux, deviennent des apologétiques. A titre illustratif, d'après Ali Yahia Abdenour, nous avons des sénateurs et des députés qui «ne sont pas les représentants du peuple qui détient et confère la légitimité et la légalité»(1).
Cette proposition laisse sous-entendre que le peuple algérien est capable de faire de bons jugements et est doté de capacités de discernement.
Or, par le système de formation qui réalise bien son objectif de déformation, nous n'avons aucunement des citoyens capables de faire valoir leur droit à la citoyenneté, mais, comme dirait Hugo que l'analyste aime d'ailleurs citer, «a plusieurs têtes pour réfléchir» et, j'ajoute, est doté d'une colonne vertébrale de l'âme, les principes moraux, aussi fragile parce que peu nourrie, que c'est toujours au gré du plus fort qu'il infléchit.
Ailleurs, Mebtoul Abderrahmane soutient que «L'Algérie recèle d'importantes potentialités, surtout les compétences humaines»(2). Du point de vue théorique, l'un des principes les plus irréfutables en management est que la compétence est un résultat. Au plan pratique, le plus évident des constats que l'on puisse faire sur le contexte algérien est que les résultats dans les domaines administratif, éducatif, universitaire, sportif, économique, culturel et cultuel sont des plus médiocres dans le monde.
Ceci nous permet de soutenir, sans risque de se tromper, exactement le contraire de ce que soutient M. Mebtoul, c'est-à-dire que la chose qui fait le plus défaut à l'Algérie est la compétence — les exceptions confirment la règle.
Le paralogique fait office de scientifique
La deuxième faille est incontestablement liée au fait que notre élite se laisse souvent gagner, inconsciemment, par le raisonnement paralogique au cours de son raisonnement voulu scientifique.
C'est le cas, par exemple, de Abdelhak Lamiri lorsqu'il a, dans le forum de Liberté, averti que «si l'Algérie rate le cap du développement entre 2014 et 2020, elle sera éternellement un pays sous-développé»(3). Il est clair que ce glissement a comme origine des règles de raisonnement relevant du parascientifique, plus précisément du domaine de la religion, qui se sont installées dans le domaine de la réflexion scientifique par la faute du système éducatif qui n'incite pas à réaliser des ruptures avec les idées du sens commun.
En effet, cela ressemble au postulat suivant : si vous ne respectez pas les préceptes de la religion dans la vie, vous serez condamné éternellement à l'enfer dans l'au-delà.
Or, en sciences sociales, il n'y a pas d'irréversibilité et une posture scientifique à partir de la maîtrise des dynamiques historiques ne peuvent que nous faire comprendre que, comme par le passé, l'Etat-nation n'a pas toujours existé, dans le futur, rien ne prédit qu'il y aura toujours un monde fait de pays développés et de pays sous-développés (un Etat mondial et un monde fait de petits territoires autonomes sont aussi des options possibles).
Les idées préétablies prises pour des vérités partout établies
La troisième faille se rapporte à l'option de notre élite, par la recherche de facilités, pour la démarche consistant à expliquer le contexte local par le moyen des idées préétablies.
Dans l'analyse du docteur Boudaren Mahmoud sur le phénomène de gangs dans la société algérienne, à titre illustratif, l'analyste avance des idées préconçues expliquant d'autres contextes, les Etats-Unis et l'Europe, marqués par ce même phénomène. En résumé, d'après cet analyste, en Algérie «les gangs se livrent la guerre pour contrôler des territoires»(4) et ces gangs sont là parce que, les conditions sociales aidant, «l'ordre républicain a reculé face à l'exercice de la violence... (dans un pays où) en réalité le pouvoir a peur de son peuple»(5).
Si les conditions sociales et d'urbanisation devaient suffire pour que la violence sociale se manifeste, on aurait une situation de violence généralisée parce que partout dans le pays l'aménagement et l'urbanisation entretiennent un climat de tension permanent. Et si le pouvoir avait peur de son peuple et l'ordre républicain avait reculé, on aurait pu voir les initiatives de contestation pacifique de la part des chômeurs, par exemple, aboutir.
En vérité, le pouvoir ne peut pas avoir peur de l'inorganisé et du non-pensé, bien au contraire, les révoltes qui ne peuvent, pour paraphraser Hugo, que mal conclure, ne peuvent que le renforcer.
Si nous voyons de nouvelles formes de violences apparaître facilement dans la société, et de l'autre côté nous voyons l'Etat résister fermement aux actions de contestations légitimes et pacifiques, c'est que, c'est une nouvelle hypothèse, dans ce premier cas l'Etat délègue une partie de son droit de pratiquer la violence illégitime à des groupuscules formés pour et par les crimes. L'utilité de cette stratégie est d'effrayer encore plus le peuple toujours malmené pour qu'il se mette à demander plus d'Etat malgré les injustices de l'Etat.
Le paternalisme plutôt que le relativisme
La plus substantielle des synthèses données récemment, par le moyen de la presse écrite, par l'élite algérienne nous vient de Rachid Tlemçani, savoir qu'en Algérie il y a actuellement des «jeunes sans jeunesse»(6). Cependant, la cause n'est pas, comme l'auteur le soutient, que l'Etat fait de la manipulation et de la répression, elle est que la vieille élite adopte une attitude paternaliste.
En effet, l'élite, c'est universel, est la grandeur. C'est universel aussi parce que, pour paraphraser Jean d'Ormesson, la grandeur naît, grandit et vieillit. Dans le contexte algérien, la vieille élite essaye toujours et vainement de se rajeunir pour se montrer jeune, et la jeune élite ne veut pas grandir de peur de la grandeur.
Le cas du domaine intellectuel est plus ravageur, comme nous le montrent bien Bachelard et Jean
Genet : le deuxième dit qu'on n'est scientifiquement bon que dans la mesure où on se considère dépassable et, par conséquent, on forme une relève pour laquelle on cède la place volontiers.
Le premier, quant à lui, avertit utilement que les intellectuels à un certain âge, comme les antiquaires, finissent par ne faire que s'attacher à l'acquis, les vieilles idées, qui, bien sûr, justifient l'ordre établi et le statu quo, alors que les nouvelles idées, les nouvelles dynamiques et les nouvelles organisations nécessitent «la jeune méthode, la méthode des jeunes».
Conclusion
En Algérie, le train du changement est prêt, mais il est incapable d'avancer ; il est incapable de bouger parce que les wagons sont arrimés sur les rails et attendent (c'est la société civile qui s'organise difficilement), mais le moteur (l'élite) est bloqué(e), parce que les vieilles pièces sont rouillées et les nouvelles sont mal formées. Ce qui nous permet de conclure justement que les blocages sont moins dans les institutions que dans les facultés de réflexion.
Pour dépasser cet écueil, il nous semble nécessaire que l'élite algérienne comprenne que, comme l'erreur, la vérité est toujours partagée, parce que liée à des phénomènes qui sont, comme dirait Alain, comme une boîte aux multiples facettes : économique, sociologique, historique, etc.
Ce qui fait que pour la saisir dans sa totalité, à ce que Michel Renault a appelé le voyage conversationnel doit s'ajouter une écoute mutuelle. Le premier permet de cerner le sujet autant que possible et de l'épuiser par la discussion. La deuxième, comme une mère, permet la fécondation d'idées par des échanges constructifs de points de vue.


Renvois :
1) Voir El Watan du 26-11-2013, p 2
2) Voir «L'Algérie de 2014, entre incertitudes et espoir», in Liberté du 02-01-2014.
3) Voir Liberté du 8 janvier 2014
4) Voir Liberté du 12-01-2014, p. Il
5) Ibid.
6) Voir El Watan du 23-01-2014, p 2
Z. M.-A.
(*) Enseignant -chercheur


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