Vendredi soir, Karim Ziad est venu avec ses amis pour animer le premier concert du 13e Festival international du jazz de Constantine (Dimajazz 2015) à la salle Ahmed Bey (Zénith). Le batteur, chanteur et compositeur algérien a invité, entre autres, le guitariste et compositeur franco-vietnamien, N'Guyen Lê, le pianiste serbe Bojan Z., le saxophoniste et bassiste français Julien Lourau, et Michel Alibo, ainsi que le joueur de gumbri et chanteur marocain, Hassan Boussou, pour un spectacle unique, en hommage à Aziz Djemam, un des fondateurs du Dimajazz. «Je connaissais Aziz depuis longtemps. Il était batteur et venait souvent avec moi en tournée. La dernière fois, c'était en Tunisie lors d'une tournée avec cheb Mami. Nous avons passé quinze jours ensemble. Deux ou trois ans après, il a créé avec d'autres amis le Dimajazz. J'ai une histoire d'amitié avec ce festival», a déclaré Karim Ziad, lors d'une conférence de presse après un concert de plus de deux heures. La veille du départ vers Alger, le maâlem marocain du gnaoui, Hamid El Kasri, qui devait faire le déplacement à Constantine, a eu un accident de la circulation sur l'autoroute entre Casablanca et Rabat. L'artiste est hospitalisé à l'hôpital Cheikh Zaïd, à Rabat. Il a été remplacé à la dernière minute par le musicien marocain Hassan Boussou. «Hassan est arrivé directement de l'aéroport et est monté sur scène. Nous avons joué le morceau Aïcha. Je connais Hassan depuis longtemps. Je connaissais également son défunt père, Hmida Boussou, l'un des plus grands maâlim du gnaoui marocain. Hassan a cette faculté d'entendre et de comprendre ce qui se passe autour de lui. Il a l'habitude de jouer avec des musiciens modernes», a expliqué Karim Ziad. L'artiste a choisi d'interpréter des morceaux composés par ses amis, comme Zig Zag, de N'Guyen Lê, ou The jocker et Ziven, de Bojan Z. Il a soigneusement changé le titre d'un morceau connu de Julien Lourau et retenu : «Un demi-agneau et deux caisses de Hamoud.» (Extrait de l'album Bozilo live sorti en 2009)... Karim Ziad a entamé le concert avec Insraf, un extrait d'un de ses albums, comme il a repris Wine N'sibek, un titre de son dernier disque, Jdid (sorti fin 2013), sans doute l'album le plus jazzy de l'artiste algérien. «Je ne suis ni Américain ni Européen. J'ai ma propre identité. Il ne s'agit pas de faire du jazz comme Chick Corea ou Keith Jarret ou tout autre artiste américain. J'essaie d'utiliser le langage harmonique du jazz en le fusionnant avec des rythmes propres à nous. Il faut qu'on reconnaisse l'empreinte algérienne et maghrébine dans mes compositions», a relevé Karim Ziad. Même si Bojan Z. était quelque peu gêné faute de jouer sur un piano acoustique, la fusion entre tous les musiciens était totale. Des musiciens qui travaillent ensemble depuis des années se connaissent parfaitement donc. La touche finale du spectacle ? Des chants aïssaoua. «C'est une idée de Zoheir Bouzid (commissaire du festival). J'ai tout de suite dit oui. On s'est vus cinq minutes avant de monter sur scène. On s'est à peine entendus sur ce qu'on allait faire. Nous n'avons pas fait de répétition. Il faut dire qu'il existe une différence rythmique entre les Aïssaoua de Constantine et ceux d'Alger», a confié Karim Ziad. Le public a vite adhéré aux chants et aux rythmes aïssaoua mêlés à des petites sonorités jazz. Selon Karim Ziad, tous les musiciens sollicités pour assister à l'ouverture du Dimajazz 2015 ont accepté l'offre. «Il n'y a eu aucune réticence de la part des artistes. Qui refuse de faire un spectacle devant un bon public comme celui de Constantine ? J'ai senti le public attentif. Nous lui avons donné des choses à écouter et à comprendre», a-t-il affirmé. Le programme de Karim Ziad est chargé pour les prochains mois. Il accompagne actuellement beaucoup d'artistes en tant que batteur. «Je commence à peine la conception d'un nouvel album qui va beaucoup ressembler à mes premiers disques. Je vais essayer de chanter encore, même si je n'aime pas trop ma voix ! Cela va donc être plus de la trempe des albums ‘Ifrikya (2001) ou Chabiba (2004). Il y a encore des morceaux à composer. L'album sera prêt à la fin de l'année prochaine. Dans mes albums, j'essaie toujours de trouver de nouvelles couleurs, de ne pas me répéter. Je vais faire de la musique un peu simple, compréhensible par tout le monde, pas de la pop. Ça sera de la fusion Maghreb-musique du monde», a souligné Karim Ziad. Il travaille actuellement sur le prochain album de Hamid El Kasri aux senteurs gnaouies et aïssaoua. «Il y aura aussi un peu de pop, mais sans dénaturer la profondeur de la musique. J'ai fait quelques compositions. Hamid en fait de même. Il y aura de nouvelles couleurs musicales que nous n'avons pas encore entendues. Ce qui m'intéresse, c'est de chercher des choses qui n'ont pas encore été faites dans les harmonies et les arrangements», a-t-il soutenu. L'album avec Hamid El Kasri est en phase finale de conception. «J'ai fait tous les arrangements et assuré la production. Nous allons enregistrer les 18 et 19 décembre prochain. L'album, qui sera prêt l'année prochaine, sera plus abordable que Yobadi (sorti en 2010)», a-t-il précisé. Karim Ziad n'a pas écarté l'idée de jouer dans le futur avec des Aïssaoua, notamment tunisiens, et d'introduire des sonorités targuies dans sa musique. «J'aime beaucoup la musique du Sahara, je me sens chez moi», a-t-il confié. Karim Ziad animera des master class à la demande des organisateurs du Dimajazz. Le public du Dimajazz a été quelque peu gêné, vendredi soir, par les mesures de sécurité appliquées par les gendarmes avec un certain zèle. Des gendarmes qui se sont mis à contrôler les spectateurs et voir s'ils avaient des tickets. Est-ce leur rôle ? De plus, des gendarmes qui circulent à l'intérieur même de la salle de spectacles, ça ne peut pas contribuer à apaiser les présents. Les activités du Dimajazz 2015, qui n'ont pas été organisé aux dates habituelles, font partie cette année de l'agenda de Constantine, capitale de la culture arabe 2015. Parmi les invités du festival, la Marocaine Oum, le Palestinien Tamer Abu Ghazaleh, les Belges Aka Moon, l'Américaine China Moses, les Italiens Radiodervish, les Français Diagonal Nights in Tunisia, l'Ivoirien Alpha Blondy et les Britanniques Incognito. Tous les concerts se déroulent à partir de 19h à la salle Ahmed Bey. L'équipe de Zoheir Bouzid a prévu un abonnement de 1000 DA pour toute la durée du festival et pour tous les concerts. Un geste à saluer.
