Qui a dit «La culture, c'est la meilleure réponse à la crise» ? Une idée que nous avons toujours défendue ici, bien avant que le baril de pétrole n'emprunte les escaliers de secours de l'immeuble Algérie. Avez-vous remarqué d'ailleurs que lorsqu'on parle de «crise», sans plus de précision, tout le monde entend «crise économique», comme s'il s'agissait de la seule possible ? Il en existe pourtant de tous genres et toutes interpellent la culture. Là-dedans, se trouve l'esthétique, qualifiée par Hegel de «philosophie de l'art». C'est ce domaine justement que se proposent de défricher les Journées d'études sur «la production esthétique dans les sociétés en crise» (25 au 27 février), organisées par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et conçues par l'excellente revue Naqd dirigée par l'historien Daho Djerbal. Une initiative formidable quand le champ culturel manque cruellement d'éclairage. Faute de recherches, de réflexions et de controverses, il reste assez largement méconnu, laissant la part belle aux lieux communs, aux préjugés et aux sentiments. Par exemple : le mythe persistant d'une production artistique abondante durant les années soixante-dix. Aujourd'hui, il y a dix, voire cent fois plus d'œuvres produites. Mais nombreux sont ceux qui pensent encore sincèrement le contraire, sans doute aveuglés par la nostalgie. La confusion viendrait du fait que dans la période évoquée, en dépit des limites alors imposées à l'expression, cependant moins rigides dans la culture – d'où la croyance répandue d'une sorte de soupape voulue par l'autorité –, une seule œuvre donnait lieu à d'intenses et longues discussions. Elle était retournée dans tous les sens, fouillée, décortiquée, puis vilipendée ou adulée. Ce n'était pas la production qui était importante, mais sa réception par la société et les milieux intellectuels. Le monde de l'université était impliqué dans la vie culturelle. Il existait une communauté des gens de l'esprit et de l'art et un bouillonnement ininterrompu d'idées. Les artistes et écrivains se fréquentaient. Les passerelles et affinités étaient nombreuses. Or, de nos jours, on peut constater un certain cloisonnement avec des formes de corporatisme entre les disciplines et d'individualisme en leur sein. Espérons donc que ces Journées amorceront un retour de la pensée sur l'art. Ah oui ! La citation en début de texte est tirée du discours d'un certain Nicholas Sarkozy, lors de l'inauguration, en 2011, d'une institution culturelle. Réagissant récemment aux critiques négatives à l'encontre de son livre, il a osé le comparer à la pièce Phèdre, de Racine, grand dramaturge du XVIIe siècle. Mais les errements culturels de ce personnage n'enlèvent en rien à la justesse de cette phrase sur la capacité de la culture à répondre aux crises ou, du moins, d'y contribuer. Et pour qu'il y ait véritablement culture, il faut que l'art puisse être discuté et réfléchi car le Sens est la racine du Beau.