Avec sa réédition, l'ouvrage de notre confrère et aîné, Hocine Mezali, Alger, 32 ans d'histoire* a pris du volume si l'on peut dire avec une facture graphique plus cossue qui le destine à durer davantage. Ce faisant, il n'a pas pris une ride depuis 1999, conservant toute la fraîcheur et la vigueur d'un récit au long cours qui va chercher son ouverture avant le premier millénaire, du côté des Beni Mezghrana, tribu amazighe qui vivait dans la région et des premiers Phéniciens qui accostèrent dans la célèbre baie, pour se poursuivre jusqu'à l'indépendance du pays et aux années suivantes. A travers ce parcours riche en rebondissements, nulle part son auteur ne se targue d'une compétence académique. Se refusant de chasser sur les terres des historiens, il se contente de poser des questions ou d'émettre des hypothèses lorsque les faits manquent de clarté. Mezali se pose plutôt comme un conteur érudit de la ville à laquelle il a consacré de longues recherches, mais plus avec le souci de raconter et d'éveiller que de produire un semblant de thèse. C'est à l'évidence le livre d'un passionné, amoureux de sa ville à laquelle le rattachent des liens profonds, aussi personnels que citoyens, dont le moindre n'est pas que son grand-père fut décapité en 1905 sur l'actuelle Place des Martyrs. Mais c'est aussi le livre d'un journaliste, et même d'un pionnier de la profession. Né en 1938 à Bordj Menaïel, il a débuté dans L'Ouvrier Algérien, organe des syndicats algériens dans les années 50', avant de poursuivre une longue carrière dans de nombreux titres. Aussi, il n'est pas étonnant qu'Alger, 32 ans d'histoire se présente comme une sorte de reportage à travers les siècles avec toute la saveur du genre, capable de mêler analyses de fond et observations passagères, grands faits d'histoire et anecdotes croustillantes. Il aurait pu être sous-titré «De notre envoyé spécial dans le passé». C'est ce qui fait l'originalité d'une stratégie rédactionnelle non dénuée de fils conducteurs, lesquels transparaissent au long des périodes décrites pour s'éclaircir à la fin. Hocine Mezali affirme entre autres : «Partout dans le monde occidental, le musulman trouve des lieux pour prier ; pourquoi la réciproque n'est-elle pas vraie en Algérie ? Alger est une ville qui a pourtant évolué depuis trois millénaires. Sommes-nous certains qu'en lui ajoutant quelques buildings de verre et d'acier, elle nous rendrait plus tolérants ? Il est des principes aujourd'hui universels auxquels toute ville qui prétend accéder à la renommée planétaire se doit de tenir compte : la tolérance en fait partie, mais elle est prioritaire». Et d'ajouter, non loin du point final : «Que faire pour sortir d'une crise de gestion de la ville d'Alger et pouvoir en faire une véritable métropole où tous les citoyens du monde trouveraient matière à inspiration en la visitant. De la volonté politique ? Certainement ! Mais aussi des hommes capables de gouverner. Des vrais !». CQFD : à Alger comme ailleurs, le passé interpelle toujours le présent.A. Ferhani * «Alger, 32 siècles d'histoire» de Hocine Mezali. Ed. ENAG, 2015. 298 p. Edité avec le soutien du ministère de la Culture et de «Constantine, capitale de la culture arabe 2015».