Journaliste et écrivain, Hocine Mezali, est né en mars 1938 à Bordj Ménaïel. Outre sa carrière de journaliste, il a à son actif des publications dont Alger : 32 siècles d'histoire (ENAG) et Ferhat Abbas : un homme, un visionnaire. Dans son dernier livre Le seigneur des cinquante..., est un roman de témoignage historique et aussi psychologique qui explore les profondeurs de l'être humain. Edité par l'ENAG, cet ouvrage de 329 pages, revient sur une histoire qui se déroule dans les années trente à Aïn Bouharou, dans la riche plaine de Yesser où dominait la culture de la vigne et du tabac. Les colons, principalement d'origine alsacienne, possédaient l'essentiel des terres. La main-d'œuvre locale, surexploitée et sous-payée, végétait dans une misère noire, obligée de se nourrir souvent de racines et des restes alimentaires récupérés de la décharge publique. Des habitants d'Aïn Bouharou versaient dans l'alcoolisme, encouragés par les Européens qui préféraient les voir s'abrutir que de s'interroger sur les causes de leur condition. Seuls quelques "indigènes" ont pu s'en sortir, en offrant leurs services à l'administration quitte à écraser leurs "frères", ou en préservant un peu de l'héritage familial sauvé par miracle de la frénésie des dépossessions. C'est le cas de Lakhdar, "seigneur du domaine des cinquante hectares, dernier des joyaux de la couronne familiale". Il luttera de toutes ses forces contre les colons et leurs suppôts pour préserver son domaine, legs de ses ancêtres, eux-mêmes dépossédés de leurs terres dans le Hodna et contraints à l'exil à Yesser à la fin du dix-neuvième siècle. Décidément voué au combat perpétuel, Lakhdar devait affronter un autre adversaire aussi redoutable : le sort qui l'empêchait de procréer, malgré trois mariages. Djouher, sa préférée, aura tout essayé pour lui donner cet héritier susceptible de perpétuer sa descendance, d'abord en se faisant coquette pour être toujours aimée, ensuite en allant au bout d'un "parcours initiatique" chez un santon où l'on "aide" les femmes à avoir des enfants, y compris par des procédés infâmants. Djouher s'y soumit pour offrir à son mari l'héritier tant désiré. Mais entretemps, Lakhdar, accusé à tort du meurtre du commissaire Orfila, se réfugia dans la montagne et devint un bandit d'honneur, pour sauver d'abord le sien, puis celui de ses compatriotes. C'était le début de la révolte contre l'injustice coloniale. "Devenir un bandit d'honneur, c'est finalement le destin qui guette les gens de sa trempe qui, bon an mal an, ont essayé de résister aux injustices d'un système qui n'était pas de leur fait", dira l'auteur, livrant ainsi la quintessence de son œuvre. Outre la justice et la liberté, deux autres thèmes obsèdent les personnages du roman : la procréation et l'appel des origines. Hocine Mezali revisite les ancêtres des Hauts-Plateaux, gens de "grande tente". Malgré la perte de ses richesses, la famille exilée à Yesser a essayé de mener une vie normale mais la nature de la colonisation ne variait pas, d'où les malheurs de Lakhdar et des siens à Aïn Bouharou, leur terre d'accueil. Au-delà du goût des subtilités excessives et des erreurs de grammaire et de syntaxe qu'une relecture suffisante aurait permis d'éviter, Le seigneur des cinquante... invite le lecteur à plonger dans la vie de l'Algérie profonde du milieu des années trente.
Le seigneur des cinquante... roman de Hocine Mezali Editions ENAG, 2015, 329 pages