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«C'est une industrie mondiale de la dissimulation et de l'opacité financières qui est dévoilée»
Christian Chavagneux. Economiste et journaliste spécialisé
Publié dans El Watan le 09 - 04 - 2016

Christian Chavagneux est économiste et journaliste-éditorialiste au journal français Alternatives économiques, à la radio France Inter ou encore sur la chaîne de télévision BFM Business.
Ancien enseignant à Sciences Po et à l'université Paris IX Dauphine, il a notamment coécrit un livre sur les paradis fiscaux, l'un de ses sujets de prédilection. Dans cet entretien, nous revenons avec lui sur les dessous du scandale mondial Panama Papers.

D'où est parti ce nouveau scandale financier international Panama Papers ?
Le Consurtium international des journalistes d'investigation (ICIJ) a pu récupérer des fichiers d'un lanceur d'alerte dont l'identité n'a pas été dévoilée. Cette fois-ci, la protection du lanceur d'alerte est privilégiée. Il a d'abord pris contact avec un journal allemand, mais vu l'importance des données, ce dernier a jugé qu'il ne pouvait pas les traiter seul.
Il a donc fait appel au consortium qui a, à son tour, mobilisé une centaine de rédactions au niveau mondial, chacune d'entre elles réalisant une partie du travail d'enquête et d'investigation. Les documents montrent que des milliers de sociétés-écrans ont été créées par un cabinet d'avocats panaméen. Ces sociétés servent généralement à constituer des sources d'opacité permettant de dissimuler des circuits de capitaux financiers internationaux d'argent sale, mais aussi d'évasion fiscale.
Vu le travail de fond que vous venez de résumer, il n'y aurait donc aucun doute sur la véracité des informations dévoilées ?
Tout à fait. A priori, il n'y a aucun doute sur ce point.
Quel serait le total des capitaux placés concernés par cette affaire ?
Par contre, cela, l'enquête Panama Papers ne permet pas de le savoir. On sait que des milliers de sociétés-écrans ont dissimulé des sommes colossales d'argent. Pour une seule société, il est déjà difficile d'estimer les sommes. Chacune d'elles a une utilisation différente en fonction du fait que vous souhaitiez échapper au fisc, éviter de perdre de l'argent au moment d'un divorce, etc. Donc, c'est assez difficile à dire. Les estimations générales dont on dispose, au-delà de Panama Papers, sont de l'ordre de 20 à 25 000 milliards de dollars qui concernent uniquement les particuliers.
Justement, quelle est la différence entre un paradis fiscal à part entière et un pays qui attire les évasés fiscaux par sa fiscalité avantageuse ?
Il faut dire qu'il n'y a pas vraiment de différence.
En fait, nous savons que la fraude et l'évasion fiscales sont des activités de proximité. Par exemple, si vous êtes français et que vous voulez échapper au fisc, on vous retrouvera généralement en Suisse ou au Luxembourg si vous êtes un particulier ; au Luxembourg, aux Pays-Bas ou en Irlande si vous êtes une société. Ensuite, les intermédiaires auxquels vous vous adressez - qui sont souvent des banques -, eux-mêmes vont vous proposer des produits d'opacité financière. Et ils vont faire appel aux paradis fiscaux.
C'est-à-dire comme la création d'une société-écran. Dans Panama Papers, on découvre que le cabinet Mossack Fonseca, certes situé au Panama, a créé ses services dans 21 paradis fiscaux et utilise plus de 14 000 intermédiaires. C'est une industrie mondiale de la dissimulation et de l'opacité financières qui est dévoilée.
Donc, finalement, l'argent placé ne bénéficie pas qu'aux particuliers et aux entreprises qui le dissimulent ?
Effectivement, il bénéficie un peu à tout le monde, tous ceux qui participent à cette dissimulation. Lorsque l'on dit que l'argent est en Suisse, au Panama ou ailleurs, en fait ce n'est pas vrai. L'argent est uniquement enregistré juridiquement dans ces pays. Leurs autorités fiscales vont pouvoir le contrôler et le taxer.
Mais l'argent est concrètement utilisé sur les marchés financiers internationaux. Il peut servir à acheter des dettes publiques, des dettes de particuliers ou d'entreprises ; à financer des entreprises et n'importe quel business au niveau international.
D'où le soupçon qui pèse souvent sur l'origine de l'argent placé dans les paradis fiscaux...
Il peut y avoir effectivement de l'argent sale qui vient d'activités illégales. Mais je pense honnêtement que ce n'est pas la partie la plus importante des flux financiers qui circulent dans les paradis fiscaux. La majorité de cet argent a deux autres provenances : l'évasion fiscale (revenus, salaires, stock-options, etc.) et l'argent des fonds spéculatifs. Ce dernier point concerne les activités des établissements de la finance internationale qui veulent prendre des risques très importants, tout en voulant rester cachés.
Les proches de notre ministre de l'Industrie, cité dans cette affaire, prennent sa défense en parlant d'une société-écran inactive. Quelle est la différence entre une société-écran active et une inactive ?
On constitue une société-écran, car on a besoin de le faire à un moment donné pour des raisons particulières. Du coup, on peut toujours retrouver les traces comme quoi cette société a été créée. Mais elle peut être absolument inactive. Comme l'indique Panama Papers, le cabinet panaméen crée beaucoup de sociétés-écrans mais en détruit aussi beaucoup. Une société active est une société par laquelle des activités commerciales et financières internationales peuvent se produire.
La société inactive est sans aucune activité. Elle ne sert absolument à rien. Elle n'est propriétaire d'aucun actif, elle n'a pas de dette, elle ne fait pas de placements… Bref, c'est une société qui a le nom mais il n'y a pas d'argent qui rentre ni d'argent qui sort, son compte est vide. Après, je ne connais pas la situation particulière du ministre algérien cité. Il faut savoir à quel moment cette société a été créée car l'affaire dévoilée couvre une longue période historique allant de 1977 à 2015.
Pour approfondir ce cas particulier, il faut : connaître la date de sa création, la période de son activité, l'objectif de sa création, etc. ; il faut mener plusieurs investigations – soit des enquêtes journalistiques, soit une enquête de la justice algérienne – qui peuvent déterminer s'il y avait des comportements illégaux.
Quel est l'intérêt concret qu'apporte Panama Papers aux gouvernements dans leur lutte contre les paradis fiscaux ?
D'abord, cela prouve surtout que les gouvernements doivent mettre davantage de moyens pour la traque de ces fraudeurs fiscaux et de l'argent sale. Panama Papers, encore une fois, confirme que cela se produit d'une manière industrielle au niveau mondial. Je ne sais pas jusqu'où les informations de l'ICIJ vont aller et leur nature.
Il ne faut pas oublier que c'est un travail journalistique. Ces journalistes n'ont pas à être des supplétifs de la police où de la justice. C'est un travail d'information. Reste maintenant aux administrations fiscales qui peuvent avoir des doutes sur certains noms qui sortent de Panama Papers de mener leurs propres enquêtes.
Dans ce sens, est-ce que les gouvernements ont les moyens juridiques de faire rapatrier cet argent ?
Le plus dur pour les gouvernements dans la traque de l'évasion fiscale est de la localiser et d'avoir la liste des évadés fiscaux à cause du système financier mondialisé. Mais maintenant, ils savent où l'argent est caché. On peut tout de suite cibler les personnes concernées. Une fois que les enquêtes de justice confirment l'existence de procédés illégaux, on peut forcer le rapatriement des capiatux.
C'est-à-dire que les pays considérés comme des paradis fiscaux vont collaborer facilement ?
En réalité, cela concerne surtout les intermédiaires, les banques et les particuliers évadés eux-mêmes. Par exemple, la France a ouvert un guichet pour dire aux Français : attention, à partir de 2017-2018, la quasi totalité des paradis fiscaux vont accepter la procédure d'échange automatique d'informations fiscales.
C'est-à-dire que le fisc français sera informé qu'une telle personne a un compte, qu'elle achète de tels produits financiers dans l'ensemble des pays du monde. Donc, si la personne le fait pour des faits de dissimulation, à partir du moment où le fisc de son pays sera au courant, cela n'a aucun intérêt pour elle.
En plus, elle sera poursuivie en justice pour fraude fiscale. Donc, le fisc français propose à ceux qui sont concernés de le déclarer d'eux-mêmes. Ils pourront régler leur situation vis-à-vis des impôts sans passer par un procès. Ils payeront leurs impôts à partir de l'année du début de l'évasion fiscale, en plus d'une amende et des intérêts de retard. C'est un système qui apparemment fonctionne bien puisque la France récupère désormais près de deux milliards et demi d'euros de recettes fiscales chaque année.
En ce qui concerne la législation internationale, que fait-on pour lutter contre les paradis
fiscaux ?
Le G20 a demandé à l'OCDE de passer rapidement à la généralisation de l'échange automatique d'informations dont nous venons de parler. L'OCDE a, de son côté, proposé, en octobre 2015, un projet de quinze points pour empêcher, ou en tout cas réduire, le recours des multinationales aux paradis fiscaux en leur imposant beaucoup de contraintes.
L'un de ces points essentiels, c'est que les multinationales qui réalisent 750 millions d'euros de chiffre d'affaires par an seront obligées de faire des rapports d'activités détaillés pour leurs administrations fiscales. Ainsi, on connaîtra le montant du chiffre d'affaires pays par pays où une multinationale quelconque est implantée, le nombre d'employés, les profits réalisés, les impôts payés, etc.
Pour l'instant, il est prévu que ce genre d'informations soient disponibles uniquement pour les administrations fiscales, mais il y a un combat qui est mené par des ONG pour que ces informations soient plutôt publiques. C'est-à-dire qu'elles soient à là disposition notamment des journalistes, des citoyens, des salariés, des actionnaires et des ONG qui le souhaitent.
En attendant, est-ce qu'on peut s'attendre à ce que d'autres scandales éclatent après celui du Luxembourg et maintenant celui du Panama ?
Je suppose, voire je suis sûr, que dans les quelques années à venir, il y aura encore beaucoup plus d'affaires, car la pratique des lanceurs d'alerte se démocratise. A cause de la crise, on voit de plus en plus de pays en diffculté financière, ce qui accélère la pauvereté et la montée des inaglités.
Or, les paradis fiscaux rendent service uniquement à une petite élite globalisée et renforcent davantage ces inégalités. Par conséquent, il y a plus en plus de gens qui veulent le dénoncer, que ce soit dans les banques, les cabinets d'avocats, les sociétés de comptabilité, etc.
Ils ont décidé de ne plus cautionner ce système. Ils sont donc amenés à donner les informations auxquelles ils ont accès.


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