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Le passé en création
Critique . L'histoire dans les arts et littératures africaines
Publié dans El Watan le 21 - 05 - 2016

ABDELKADER DJEMAÏ, AUTEUR DE NOMBREUX ROMANS, REJOINT CALIXTHE BEYALA DANS SON ANALYSE : «JE NE SUIS NI HISTORIEN, NI ESSAYISTE, NI UNIVERSITAIRE/ J'AI ETE JOURNALISTE…» POUR LUI, L'ECRITURE EST D'ABORD UNE PRATIQUE ET UNE REALITE/ «ON PEUT THEORISER, MAIS LE TERRAIN DE L'ECRITURE VOUS APPRENDRA BEAUCOUP…»
Comment l'histoire est représentée dans les arts et les littératures africaines ?
Benaouda Lebdaï, spécialiste des littératures coloniales et post-coloniales, a invité les 14, 15 et 16 mai des universitaires, des chercheurs, des écrivains et des artistes pour en débattre lors d'un colloque international organisé avec l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) à la Bibliothèque nationale du Hamma à Alger. «Il y a eu des colloques sur l'histoire et sur la sociologie de l'Afrique.
Mais ce colloque tente de comprendre comment l'histoire a été reprise par les ex-colonisés, par les Africains. (…) Nous voulons montrer que tous les écrivains, depuis Kateb Yacine et Chinua Achebe, ont intégré l'histoire dans leur écriture afin de démontrer que l'Afrique, ses régions, ses villages, ses tribus ont une histoire», a expliqué Benouada Lebdai, qui vient de publier Autobiography as a writing strategy in postcolonial litterature (Cambridge Scholars Publishing, Royaume-Uni). «Nous évoquons également l'esthétique. Les historiens parlent de faits, donnent des noms de lieux, des dates...
Nous venons analyser comment les écrivains ont utilisé l'histoire pour raconter des histoires, comment l'histoire a infiltré les écrits de fiction. Au-delà de la littérature, nous menons le même travail sur le cinéma, la photographie, la peinture...», note-t-il avant d'ajouter : «Dans le roman africain, l'humain a été placé au centre du récit narratif.
La littérature ne peut pas se substituer à l'historiographie mais elle joue un rôle déterminant dans la perception de l'histoire. L'histoire concerne l'écriture de la réalité du passé, alors que la littérature concerne l'écriture de l'imaginaire. La problématique posée est comment l'histoire s'intègre-t-elle dans la fiction et pourquoi cet intérêt des littératures africaines pour l'histoire ?» Selon lui, «les coups traumatisants que l'Afrique a reçus depuis la Traite des esclaves font que ce continent à une relation perturbante et déstabilisante avec l'histoire», a-t-il noté.
Par réaction, par souci de se défendre et par dignité, les écrivains africains ont, d'après lui, puisé dans la littérature pour prouver que l'Afrique existe et qu'elle n'est pas «un vaste monde tumultueux» comme l'avait prétendu le philosophe allemand Friedrich Hegel.
Pour Azzeddine Mihoubi, ministre de la Culture, l'Afrique n'a toujours pas été découverte sur le plan culturel. «L'Afrique, territoire du premier homme et de la première langue, est toujours ignorée. Plus le monde découvre l'Afrique, son héritage, sa civilisation, plus il pourra produire une nouvelle culture humaine», a-t-il affirmé. Il a évoqué le célèbre romain de l'américain Alex Haley, Roots (Racines, publié en 1976) qui a dévoilé un pan de ce que fut l'esclavage et ses souffrances.
«En Afrique, une nouvelle génération de romanciers, de poètes et d'artistes œuvrent pour se réapproprier leur histoire et évoquer les souffrances des Africains sur plusieurs générations à cause des répressions coloniales. Il serait donc vain de tenter d'embellir l'image du colonialisme», a souligné Azzedine Mihoubi. Il a annoncé qu'un film sur le séjour de Nelson Mandela en Algérie (entraînement militaire au début des années 1960 après l'interdiction de l'ANC par le régime de l'apartheid) sera bientôt projeté à Alger. Ce long métrage est une coproduction entre l'Algérie, l'Afrique du Sud et la Grande-Bretagne.
«L'art de raconter des histoires dans l'histoire», c'est l'idée développée par la romancière camerounaise Calixthe Beyala, une des invités de marque du colloque : «Je ne fais pas une captation directe de l'histoire. Je suis avant tout romancière. Il m'arrive d'utiliser l'histoire au carrefour d'une narration, pour adoucir un personnage ou pour situer mon lectorat dans l'espace-temps. Mais je n'écris pas l'histoire, je ne suis ni historienne ni politologue.» Comment justement échapper à l'écriture coloniale de l'histoire et à l'écriture officielle de l'histoire ? D'après elle, l'histoire sert souvent de prétexte, de toile de fond ou d'épaulement pour une œuvre romanesque. «Je n'ai pas de comptes à rendre à l'histoire et l'histoire n'a pas de comptes à me rendre. Ceci étant, je n'échappe pas à l'histoire puisque nous sommes tous ‘ramassés' par cette histoire. Un écrivain s'attache à décrire des petites choses qui finalement disent l'histoire !», a appuyé l'auteure de Les arbres en parlent encore.
Marie-Françoise Chitour, maîtresse de conférences en littérature francophone à l'université d'Angers (France), a relevé que beaucoup d'auteurs africains mettent des «avertissements» dans leurs œuvres pour éviter le rapprochement avec des faits réels. Elle a cité l'exemple du livre de l'Ivoirien Ahmadou Kourouma, Les soleils des indépendances (Montréal, 1968). «Les écrivains africains d'expression française sont parfois porteurs d'une ironie douloureuse puisqu'ils insistent sur le caractère imaginaire des faits rapportés, alors qu'ils savent bien, et les lecteurs aussi, qu'ils font partie d'une réalité sordide et cruelle», a-t-elle analysé. Selon elle, les romanciers africains post-indépendance se sont écartés des codes du réalisme, donnant plus de place à l'imaginaire et aux «dérives oniriques». Les écrivains de la troisième génération (à partir des années 1980), eux, sont revenus à l'interpellation de l'histoire. «Les écarts entre la réalité et la fiction passent dans le roman par le brouillage des références temporelles. Les récits de l'indépendance et des lendemains de l'indépendance dans les pays africains pourraient être considérés, dans un premier temps, comme des romans historiques», a expliqué l'intervenante, précisant que les auteurs ont souvent tendance à ne pas respecter la chronologie des faits historiques.
Selon Afifa Bererhi, professeure de littérature à l'université Benkhedda d'Alger, l'historiographie des lettres algériennes révèle le lien étroit entre histoire et littérature de la période coloniale à aujourd'hui. Après l'indépendance de l'Algérie, les récits de guerre étaient, selon elle, dominants comme ceux de Yamina Mechakra. Elle a relevé que dans ce genre de récits, le témoignage et l'autobiographie sont privilégiés. «Ces écrits se poursuivent jusqu'à nos jours comme pour répondre à un besoin d'assouvissement de la parole enfin libérée mais aussi comme geste impératif répondant à la nécessité pressante d'écrire sa propre histoire. Dans pareils contextes, les mémoires en tant que genre se multiplient et persistent. Durant les années 1970, c'est le triomphe du réalisme socialiste dicté par l'orientation politique adoptée à l'époque.
Ce réalisme fut vite abandonné, laissant la voie à l'émergence d'une autre littérature porteuse de contestation. Cette fois-ci, la contestation est tournée vers soi, contre les archaïsmes de la société. La littérature des années 1990 convoque de nouveau le témoignage par le biais de la fiction qui accomplit ici son rôle pédagogique», a souligné Afifa Bererhi, précisant que la littérature a donné sens à cette période trouble de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Dans les années 2000, la littérature s'est, d'après elle, intéressée à la détérioration du climat social dans le pays à travers plusieurs scénographies du mal-être et une description détaillée des milieux urbains.
«C'est le triomphe du roman sociologique. L'écrivain est témoin de son vécu…», a-t-elle souligné. «Si l'on rassemblait toutes les formes esthétiques qui ont contribué à la représentation de la littérature algérienne depuis les années 1950 et jusqu'à nos jours, ce qui se dessine, de mon point de vue, c'est une étrange et originale mosaïque où se juxtapose une pluralité d'expressions sans jamais faire école. Une mosaïque qui reste cimentée à la plate-forme du dire sociopolitique et historique», a noté Afifa Bererhi.
Abdelkader Djemaï, auteur de nombreux romans et récits, dont La dernière nuit de l'Emir, rejoint Calixthe Beyala dans son analyse : «Je ne suis ni historien, ni essayiste, ni universitaire. J'ai été journaliste…» Pour lui, l'écriture est, d'abord, une pratique et une réalité. «On peut théoriser, mais le terrain de l'écriture vous apprendra beaucoup de choses. Un romancier raconte des histoires et, par hasard, par accident, il rencontre l'histoire. Comment tisser des faits, des événements en mettant tout cela dans un cadre plus large... L'écriture est un chantier infini», a-t-il appuyé. Abdelkader Djemaï a confié avoir eu beaucoup de plaisir à se documenter avant l'écriture du récit sur l'Emir Abdelkader (paru en 2013). «Il y a un plaisir de savoir dans l'écriture. Le romancier est comme le Petit Poucet.
A chaque fois, il sème des cailloux. Par exemple, on trouve le personnage de l'Emir Abdelkader dans plusieurs de mes romans. J'ai été poussé par la nécessité pour écrire le récit sur l'Emir. J'ai eu l'impression que si je n'écrivais pas ce texte, j'aurais failli quelque part dans ce que je fais. Après avoir pris des notes sur cet homme, il me fallait écrire, installer une atmosphère, créer des personnages, imaginer des choses qui donneraient une cohérence au livre.», a confié l'écrivain.


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