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Une langue aménagée est essentiellement un artefact
Journée d'étude sur l'aménagement des langues nationales et étrangères en Algérie
Publié dans El Watan le 08 - 06 - 2016

Toute la politique linguistique de l'Etat algérien s'est construite sur le déni de la réalité.
On a tout réduit à l'un : unicité de la langue, de la nation, du parti, du gouvernement,etc.», l'entame de l'intervention du Dr Abderrezak Dourari, lors de la journée d'étude sur l'aménagement des langues nationales et étrangères, organisée le 02 juin par le département de français à l'université Alger 2, est sans équivoque.
«On (les décideurs) était un peu d'accord avec Paul Ricœur, qui voulait absolument l'existence d'un «un» sans présence définitoire de l'autre», poursuit le directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (Cnplet). Le professeur des sciences du langage et de traductologie à l'université Alger 2 et docteur de l'université de la Sorbonne (France) qualifie cette imposition d'une doctrine unique de «contre-nature». «Vous ne pouvez pas vous définir sans qu'il y ait l'autre, car c'est l'autre qui vous définit.
Or, toute la politique linguistique (algérienne) a été établie en faisant abstraction de ce que vous êtes et de ce que pensent les autres de vous», note-t-il en indiquant que parler en langue française ne fait pas de l'être un Français, «Vous êtes francophone et on vous accepte sans aucun problème», poursuit-il.
Dourari, qui a traité dans certains de ses ouvrages la question du multiculturalisme, note que ce qui caractérise d'abord le pays n'est pas la pluralité des langues, mais plus le multiculturalisme de la société dans tous les domaines, y compris religieux. «Notre société n'est pas uniquement musulmane et l'islam n'est pas un, car il y a plusieurs tendances (sunnite, chiite). Il y a aussi des Algériens chrétiens, qui sont à l'aise dans leur christianisme, et des Algériens juifs, qui sont très mal à l'aise dans notre société.
Ce n'est pas par rapport à leur judaïté qu'ils sont mal à l'aise, mais c'est notre société qui n'accepte pas cette religion et qui est devenue intolérante», argue-t-il. Dans ce qu'il appelle le foisonnement culturel et linguistique algérien, Abderezzak Dourari met en relief l'existence des langues qui relèvent du patrimoine national, en se focalisant sur «une langue, une identité, une culture millénaire» qui est la culture tamazight. Il regrette que ce foisonnement ait été mis sous une espèce d'unicisme dominant presque «monothéiste». «On a voulu que tous soient un. On a voulu tailler un costume à une taille particulière.
Et malheureusement, ce costume n'allait à personne en Algérie», assène-t-il. Et c'est de ce contexte de domination que serait née, selon le linguiste la «revendication de tamazight comme langue et culture, comme histoire de notre pays». Cette volonté de casser l'unique dominant s'est faite dans la confrontation, imposant ainsi un discours passionnel au détriment de celui rationnel. «La raison pouvait sérier un ensemble d'arguments, de discours rationnels pour dire telle ou telle réalité identitaire, linguistique, etc.
Mais elle était tout le temps confrontée à une posture idéologique et politique basée sur l'unique. Il était donc normal qu'il y ait beaucoup de passion», développe-t-il en rappelant que dans les années 70-90, le pays est passé par une phase qui risquait de faire éclater carrément la nation algérienne, car selon son analyse, il était pris sur des positions antagonistes et des positions de confrontation et d'affrontement. En fin orateur, A. Dourari explique que la mise en place d'un décor historique, culturel, sociologique et anthropologique était plus que nécessaire pour l'approche linguistique, sociolinguistique et pour l'approche de l'aménagement linguistique.
«On ne peut pas aller à l'aménagement linguistique en s'asseyant dans son bureau, dans un laboratoire complètement isolé de ce qui se passe dans la réalité et d'invoquer X ou Y comme autorité en la matière et ensuite commencer à légiférer en matière de langue.
C'est faux. Si on n'est pas imprégné de la situation historique, culturelle, sociale… il n'est pas possible de faire de l'aménagement conforté, mais un aménagement à côté de la plaque», assène le linguiste. Allant plus loin dans son analyse, le professeur relève l'installation de deux postures intellectuelles fondamentales. Il s'agit d'abord de la posture apologétique, qui serait «celle d'une partie de l'élite algérienne qui s'est cru obligée de devoir soutenir la politique officielle de l'Etat algérien en disant que si l'on n'applique pas cette politique monolingue et monoculturelle, il y'aura un risque d'éclatement».
L'autre posture, toujours selon l'orateur, est celle critique. «Quand on est dans une posture rationnelle, l'on est nécessairement dans une posture critique. Donc, il y a une latitude qui consiste à déconstruire les discours officiels et institutionnels et éventuellement à être sur une position de construction d'un discours différent», enseigne-t-il, en rappelant le contexte algérien dominé par les deux grandes postures épistémologiques qui ont caractérisé les élites algériennes : arabisants contre francisants. «Je ne suis pas favorable à cette division.
A l'époque, ces élites étaient divisées entre arabisants conservateurs et francisants modernistes. Et cela est complètement faux», martèle-t-il en expliquant que cette lutte passionnelle et émotionnelle a laissé à la marge le côté rationnel : la raison. A cette dichotomie, est venue par réaction la question de la reconnaissance de tamazight comme une demande de pluralité. Celle de la reconnaissance non seulement d'une langue mais d'un pluralisme et d'un multiculturalisme.
«Cette demande exige, face à un système politique essentiellement basé sur l'idéologie du «un», qu'il y ait un accouchement au forceps. C'est ce qu'il y a eu», explique-t-il, en relevant que maintenant que la langue a été reconnue officielle, un regard a posteriori révèle que la langue dont l'oralité est déterminante a subi un travail d'aménagement. «Mais comment sauvegarder cette oralité dans un monde ou les sociétés sont mondialisées grâce à la communication, à l'internet et au contact des langues et des cultures. Ce n'est pas facile de sauvegarder cette langue.
Donc on est obligé de faire un travail d'aménagement qui a été fait essentiellement à partir d'une posture de passion et non une posture de raison», déplore-t-il. Ce qui fait qu'aujourd'hui, explique encore Dourari, qu'avec les académies, on continue de rencontrer des problèmes d'aménagement établis sur des bases rationnelles. Face à cet état de fait, le directeur du Cnplet évoque le travail souvent préconisé en la matière par Karl Popper, épistémologue connu, qui consiste à adopter le «peacemeal engineering», c'est-à-dire l'évolution à petits pas. «Car l'autre type d'évolution est brutal.
Donc il risque de créer une rupture dans la société qui est très dommageable à la cohésion sociale. Repenser la totalité de l'aménagement, c'est-à-dire la grammatisation, la naissance de l'orthographe, le passage à l'écrit de cette langue est un vrai problème. Il y a une multiplicité des attentes.
Et cette multiplicité fait partie de notre réalité et il faut la prendre en charge et non pas l'ignorer», prône-t-il, en dénonçant certains «discours qui répètent exactement les mêmes schémas intellectuels engagés par l'Etat algérien depuis l'indépendance. C'est-à-dire on voudrait encore reconduire l'unique, l'unicité, ne pas reconnaître la variation ni les différences de points de vue et imposer. Exactement comme la politique linguistique d'arabisation l'a fait, prendre un modèle de langue qui est totalement artificiel et l'imposer», enfonce-t-il, en décrétant que la question de la normalisation de la langue tamazight est face au même problème que celui de la langue arabe institutionnelle. «On (la société) connaît plusieurs langues.
On ne peut pas faire abstraction de toutes les connaissances, de tout l'univers sémantique et encyclopédique qui existe dans ces langues que le locuteur connaît et qui n'est pas accessible aux autres personnes. On a donc toujours ce besoin de traduire. Mais la traduction est dans la plupart du temps fautive et ne réussit pas parce que le monde de connaissances qu'il y a dans ces langues- là n'existe pas dans les langues vers lesquelles on veut traduire.
Donc, on ne peut pas traduire facilement le sens du langage vers l'arabe ou vers tamazigh», explique Dourari, qui regrette les tentatives malheureuses qui se font à l'université de Béjaia et de Tizi Ouzou, où «des gens décident qu'ils sont des grands spécialistes de la sémantique et de la grammaire générative. Il faut dire qu'on est en train de créer une langue artificielle. Et il faut savoir qu'une langue aménagée est essentiellement un artefact. Mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, parce que si la langue est totalement artificielle, cela signifie qu'elle est coupée de son vivier, de ce qui fait sa vivacité et sa raison d'être», tranche-t-il.
De ce fait, Abderrezak Dourari préconise l'adoption de la position de Peacemeal engineering dans l'aménagement de la langue en ne négligeant pas ce qu'il est nécessaire de faire par la traduction et la recherche sur les corpus, comme le font les langues anglaise et française aujourd'hui.


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