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Cheikh Salah, le maître d'école providentiel
Il a enseigné à Bouzeguène de 1951 à 1954
Publié dans El Watan le 24 - 11 - 2016

Cheikh Salah, aujourd'hui âgé de 89 ans, originaire du village de Cheurfa N'bahloul à Azazga, dans la wilaya de Tizi Ouzou, a laissé beaucoup de souvenirs impérissables, gravés dans la mémoire de ses anciens élèves, au village Ahrik de Bouzeguène, où il a passé 3 ans, de 1951 à 1954. Tous ses anciens élèves, âgés aujourd'hui entre 60 et 75 ans, ne tarissent pas d'éloges sur sa personne, notamment sur sa manière de dispenser le savoir et le changement qu'il a apportés au village. Grâce à lui, une génération complète d'enfants du village a appris à lire et à écrire.
C'est lui qui nous a tirés de l'obscurité et de l'illettrisme. Son arrivée au village a été un salut pour nous tous, surtout pour les filles qui n'avaient pas la chance, auparavant, de fréquenter les bancs de l'école. Salah Salah est un héros d'une vie ordinaire et qui a donné beaucoup de lui-même pour nous instruire et nous éveiller. En tant qu'adulte, je me rappellerai toujours de cet enseignant qui a changé ma vie quand j'étais petit et à qui, aujourd'hui, en tant que retraité, je dirais merci», nous raconte Hadj Moussa, un septuagénaire qui deviendra, plus tard, journaliste de presse écrite.
Un groupe de villageois du village Ahrik, dont certains sont ses anciens élèves, lui ont rendu visite, dernièrement, à son domicile, à Bouzaréah (Alger). Le rendez-vous, minutieusement préparé, a été un moment émouvant de retrouvailles. Accueillis, à l'entrée de la demeure par son gendre, un ancien étudiant aux USA, et sa fille, retraitée de l'éducation, les visiteurs se sont retrouvés face à leur ancien maître d'école après plus de 60 ans de séparation. L'émotion était à son comble. Les présentations des uns et des autres ont révélé la grande fraîcheur mentale du vieux maître d'école. Il a pris connaissance de tous ses visiteurs.
Cheikh Salah racontera, parfois avec beaucoup d'humour, tout son passage au village Ahrik. Un séjour de trois ans, empreint de moments inoubliables avec les villageois, mais aussi des ennuis avec l'administration coloniale, alors que la guerre n'avait même pas commencé. Il ne connaissait pas bien la région, mais il se savait utile pour le village et pour ces enfants qui avaient besoin d'instruction. Il parlait de tout, de conviction, de sincérité, d'enfance innocente, de transmission du savoir, etc., on sentait en lui l'odeur de la craie, de l'ardoise et des cahiers. C'est ce qui fera remonter des souvenirs à ses anciens élèves venus lui rendre hommage.
Introduction de l'enseignement pour les filles
Affecté par l'Association des oulémas, cheikh Salah fut accueilli au village avec beaucoup d'espoir. Il apportera du nouveau au sein de l'école et du village, grâce à son enseignement varié et tourné vers l'avenir. Il y enseignait la tolérance, la sagesse au même titre que la langue arabe, la science, la géographie, l'histoire et les mathématiques. Il s'évertuait, chaque jour, à aider ses élèves en difficulté afin de leur donner confiance et une chance de réussite. «Quand je suis arrivé, il y avait un seul local avec des tables en bois. Il y avait trois niveaux dans une même salle, des petits et des grands, tous des garçons et pas une seule fille.
Il y avait trois tableaux, un pour chaque niveau. J'enseignais à un niveau et je les laisse écrire, puis je passe à un autre niveau, jusqu'au troisième. Ce n'était pas facile, c'était fatigant. Les élèves écoutaient et apprenaient. Ils étaient pauvres mais avides d'apprendre, de s'instruire. Je sentais que les parents les préparaient pour l'école», raconte Cheikh Salah, qui ne désespérait pas de faire venir les filles à l'école. Il entama une campagne de sensibilisation auprès des villageois d'Ahrik et même dans les villages d'Aït Salah et de Takoucht, pour les sensibiliser sur le rôle extrêmement important de l'instruction de la femme.
Il ne cessait de leur répéter que l'instruction des enfants, plus particulièrement de la fille, est un avantage matériel sûr. Ce n'était pas facile, car des résistances se manifestaient ici et là. Cependant, la majorité des villageois n'était pas opposée à l'enseignement des filles et après une longue concertation, les réticents finirent par accepter. Durant la première année, tous les élèves étaient regroupés dans la même salle de classe.
L'année suivante, les villageois décidèrent de construire une deuxième salle de classe pour les filles qui venaient très nombreuses, ainsi qu'une habitation pour le maître d'école. Cheikh Salah nous raconta qu'à la naissance de sa fille, Samia, qui vit en France actuellement, il avait tiré plusieurs coups de feu pour manifester sa joie. «Les villageois étaient étonnés, car ils savaient que c'était une fille qui était née», nous dira-t-il avec humour. Pour Salah, c'était une façon de dire que la fille est l'égale du garçon.
Le conseiller des villageois
Les choses allaient de mieux en mieux et Cheikh Salah, de par sa grande culture, devint le conseiller de tous les villageois. Comme partout, le maître d'école enseignait, mais les villageois lui faisaient confiance en tout. Ses anciens élèves racontent que c'était lui qui avait planté les oliviers dans un terrain du village. Il pouvait faire le maçon à l'école, le soignant des enfants, on s'informait auprès de lui sur ce qu'il fallait faire pour des animaux domestiques malades, intervenait positivement dans des conflits dans de nombreux villages, etc. Il apporta beaucoup de «fraîcheur» et de bien-être au sein du village. Il devint un des leurs et leur incontournable conseiller.
Sa présence dans le village ne se passait pas sans ennuis avec l'administration coloniale, alors que la guerre n'avait pas encore éclaté. Le commissariat d'Azazga est régulièrement informé des faits et gestes du maître d'école. «Un jour, le commissaire d'Azazga, lui-même, vint au village. Il me demanda ce que je faisais. Je lui répondis, regardez vous-même. Après vérification et ne trouvant rien d'anormal, il me salua et partit.» Un jour, Cheikh Salah se fit arrêter.
Il était accusé d'enseigner sans autorisation. «Au tribunal d'Azazga, le juge me condamna pour exercice illégal de la profession avec paiement d'une amende. J'ai cassé le jugement à Tizi Ouzou, mais la sentence fut reconduite. Mon avocat, Ali Boumendjel, me demanda de payer l'amende pour qu'il puisse plaider publiquement contre le mépris de la justice à l'égard des Algériens et faire passer le message sur les injustices que la France commettait à l'égard des musulmans. Evidemment, ce sont les villageois d'Ahrik qui payèrent l'amende».
La présence de Cheikh Salah à Ahrik tire à sa fin après trois années passées dans le village. «Je reçus une convocation de l'Association des oulémas pour rejoindre une école à El Biar (Alger). Quand j'annonçai aux villageois que je quittais le village, c'était comme si le ciel leur tombait sur la tête. Je fus, moi aussi, tout aussi peiné et attristé qu'eux». Avant d'arriver au village Ahrik, l'ancien maître d'école a suivi un itinéraire sans égal. Né en 1927 à Cheurfa N'bahloul, dans la commune d'Azazga, Salah n'avait pas la possibilité d'aller étudier. Il s'occupait, très petit, de garder les chèvres de la famille.
Elève de la Zitouna
Avant d'atterrir au village d'Ahrik, Cheikh Salah a été recruté, très jeune, par la Forestière de liège d'Azazga. Mais lui, étant jeune, voulait s'instruire et apprendre les langues, l'histoire, le Coran, la science, etc. Il dut s'excuser auprès du patron pour quitter son travail. On lui remit son solde et il partit. Avec cet argent, il s'acheta des vêtements et des souliers. Le lendemain, il s'inscrivit pour des cours du soir à la zaouïa de Cheurfa N'bahloul.
En 1946, âgé seulement de 19 ans, il décida de partir pour Djamaâ Zitouna. On l'avait informé que c'était le seul endroit où il pouvait réellement s'instruire et apprendre ce qu'il voulait. Il mit tous les moyens de son côté pour rejoindre la Tunisie. Un bon matin, il prit la route en priant Dieu de l'aider à y arriver. Il parviendra, au bout de plusieurs jours de route, à la célèbre Djamaâ Zitouna, (Mosquée Zitouna) qui deviendra par la suite Djamiaat Zitouna (université Zitouna), en Tunisie. Il y demeurera pendant quatre ans jusqu'à l'obtention de son diplôme.
De retour de Tunisie, fraîchement diplômé, après quatre années d'études, il fut affecté au village Ahrik où il passa trois ans. Il partit de son gré à El Biar pour poursuivre son travail d'enseignant. Cheikh Salah fut détaché à l'Ecole normale de Bouzaréah pour une formation dans le corps des enseignants. Sorti diplômé, il enseigna dans les établissements de l'éducation nationale avant de partir en retraite en 1986. Après le décès de son épouse en 2004, il vit, aujourd'hui, avec sa fille, à Bouzaréah.


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