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Un procès, une condamnation et des interrogations
Les événements de Ghardaïa
Publié dans El Watan le 27 - 05 - 2017

C'est le procès tant attendu pour la grande explication sur les événements qui ont secoué la vallée du M'zab, dont le tribunal criminel de Médéa en a été le théâtre mercredi passé.
Un moment pour tenter de lever le voile sur la période trouble et troublante. Kamel Eddine Fekhar à qui on a endossé l'entière responsabilité de la «discorde», avec son coaccusé Benabdellah Abdellah face à de lourdes charges. «Incitation la haine et à la violence», «atteinte aux symboles de la nation», «atteinte à la sûreté de l'Etat», «atteinte à la souveraineté et l'unité nationale»,...
Un paquet d'accusations qui conduirait les deux accusés à l'échafaud dans le cas où leur culpabilité est reconnue. Après une lecture longue et ennuyeuse de l'arrêté de renvoi à un point où le président du tribunal voulait l'écourter, ce dernier appelle à la barre, en premier, Benabdellah Abdellah et inaugure ainsi les débats qui souvent prennent une tournure absurde. Originaire de Berriane, l'homme est accusé pour des faits extrêmement graves sur la base de trois banals «tracts» trouvés dans son domicile, suite à une perquisition de la police. Des documents publics rédigés par le docteur Fekhar en 2013 appelant les autorités à intervenir pour stopper la violence à Ghardaïa et dans lesquels il accuse la «complicité de la police» dans les actes de vandalisme, notamment un cimetière mozabite. Face au juge, il nie tout lien avec les événements qui ont ensanglanté la vallée du M'zab. «Je travaille à Illizi, je rentre chez moi une fois tous les quatre mois.
En rentrant, je passe chez le docteur Fekhar pour me soigner. Je lui ai demandé ce qui se passe dans le pays (Ghardaïa), il m'a remis un article que mes enfants m'ont lu une fois chez moi…» Le juge l'interrompt : «Tu détiens des tracts qui portent atteinte à la sûreté nationale et aux symboles de la nation…
Pourquoi tu les as cachés dans l'armoire, si tu estimes qu'ils ne sont pas compromettants ?» Objection de Mokrane Aït Larbi : «Combien d'exemplaires étaient en sa possession ?» Un seul. Donc pas destiné à la diffusion. Les débats s'enlisent dans un échange totalement absurde, quand le procureur général prend la parole pour interroger l'accusé.
«Tu es riche ou pauvre, pourquoi tu te soignes chez Fekhar ? Travaille-t-il dans une clinique privée ou publique ? Tu habites à Berriane, mais tu vas à Ghardaïa pour te soigner ; il y a une grande clinique à Ghardaïa, pourquoi vas-tu chez Fekhar ? Pourquoi tu lui demandes ce qui se passe dans le pays ? Tu ne sais pas lire, mais tu as gardé des tracts chez toi, tu es militant du FFS...» Une série de questions pour le moins humiliantes qui ont fini par excéder, y compris le juge qui fait à chaque fois des grimaces pour «désapprouver» l'attitude du représentant du ministère public. Visiblement désabusé par les questions, Benabdellah lui répond simplement : «Je ne comprends pas ce que vous dites.»

À la barre, un Fekhar mordant
Quand le juge appelle à la barre celui que désignaient Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia «le cerveau de la discorde», le silence plane sur la salle d'audience. Après 22 mois de détention et une grève de la faim de plus de 100 jours, il a défrayé la chronique, tenu en haleine l'opinion, mais surtout mis dans l'embarras les autorités politiques du pays. Les séquelles de la grève ne sont pas visibles, cependant l'homme est affaibli, il demande une chaise pour pouvoir tenir. Mais face aux questions du juge, le «héros du M'zab» est dans une superbe forme intellectuelle. Mordant, il n'a rien perdu de sa grinta, encore moins de ses convictions. Ses réponses au juge sont immédiates, cinglantes et non sans repartie. «Je suis journaliste, indépendant, militant des droits de l'homme. J'écris des articles, j'interviens dans les journaux, les télés nationales et étrangères, j'exerce mon droit de citoyen à la liberté d'expression garanti par la Constitution dans un pays libre…», enchaîne-t-il. Le juge ne parvient pas à l'interrompre, mais il lui reproche que «les tracts contiennent des accusations contre les services de sécurité».
Fougueux, Kamel Eddine Fekhar, privé de sa liberté de parole, attend ce moment depuis près de deux ans pour dire sa vérité sur les événements de Ghardaïa. Il entend saisir cette «opportunité» pour rétablir les faits et surtout pour «démentir» tout ce qui a été raconté à son sujet. «Ces articles sont des cris d'alerte, des SOS pour évite le pire. Ces articles remontent à février 2013, et si on avait fait quelque chose à temps, on aurait pu éviter l'enlisement. J'aurais aimé que les autorités judiciaires, les services de sécurité me convoquent à ce moment-là. J'ai tout fait pour attirer l'attention sur la gravité de la situation, mais personne ne voulait m'entendre. J'ai été voir la gendarmerie, la réponse était : ‘Tu sors d'ici sinon je vide mon chargeur.' J'ai demandé à la police d'intervenir, mais on m'a dit : ‘Le wali nous a dit de ne pas intervenir.' J'ai tapé à toutes les portes, en vain.
Si le procureur avait ouvert une enquête on aurait découvert toute la vérité sur les événements. Je réaffirme ici, oui il y avait des agressions racistes, il y avait des officiers de police au milieu des gens cagoulés qui saccageaient des magasins, qui profanaient des tombes de ma famille….», bombarde Kamel Eddine Fekhar.
Difficile à arrêter. Au juge qui tente à chaque fois de l'interrompre pour le relancer sur d'autres questions «moins essentielles», Fekhar riposte immédiatement et réclame le droit de dire ce qu'il a sur le cœur. «J'ai le droit de parler, on m'a enfermé pendant 22 mois et vous voulez m'empêcher de m'exprimer, j'ai été agressé à l'intérieur du commissariat de police, j'ai subi des choses que je ne peux vous décrire.» Le juge acquiesce. «J'ai dénoncé des crimes et je me retrouve accusé d'incitation et d'atteinte aux symboles de la nation. J'ai demandé aux autorités de faire leur travail, je n'ai pas empêcher leurs missions et je me retrouve en prison et ma famille est dispersée.
Je suis accusé pour des faits qui mènent à la peine capitale, de quoi perdre la raison.» Envahi par une colère sourde, la gorge nouée, Fekhar craque. Il verse des larmes jetant une émotion dans la salle.
Le juge lui demande s'il veut se reposer et suspendre la séance. «Non», répond Fekhar qui reprend ses forces et repart à l'offensive. «Pourquoi la justice ne convoque pas l'ex-secrétaire général du FLN, Amar Saadani, qui avait accusé l'ex-patron des services du renseignement, le général Toufik, d'être ‘le vrai instigateur' des événements de Ghardaïa ? Comment Tiguentourine a été réglé en une journée, et la crise de Ghardaïa a duré plus de trois ans ?» balance le détenu sur un ton sec, laissant le juge pantois. Le procureur veut répondre à ces interrogations, mais le juge le dissuade et lève la séance pour reprendre l'après-midi avec le réquisitoire du procureur général et les plaidoiries de la défense.
«ON VOUS A MIS EN PRISON POUR VOUS PROTEGEZ »!
Après avoir rendu hommage aux victimes des événements de Ghardaïa, le représentant du ministère public se lance dans une longue diatribe aux relents islamo-nationalistes. «C'est une tragédie nationale qui a causé des drames, des victimes et un sentiment d'insécurité entre les deux communautés, la discorde s'est poursuivie à cause de toutes les personnes qui y ont participé de près ou de loin. Ces tracts sont une des raisons de cette tragédie. Le problème est dans ce que contiennent ces documents…. Dans le cas des deux accusés, il ne s'agit pas de relation entre un médecin et son client, mais il s'agit d'une orientation politique, d'un appel adressé (benou djildatika) à ta communauté (mozabite) et à l'étranger. Un appel à l'ingérence de la communauté internationale, mais nous sommes un pays solide grâce aux sacrifices des martyrs, estimez-vous heureux que les service de sécurité sont là pour protéger le pays. Comment osez-vous attaquer le pouvoir grâce à qui nous vivons en sûreté… Nous sommes tous des musulmans. Si Fekhar, tu es en train de détruire la nation, une communauté revient à la raison, je vous invite à revoir vos idées.» Mieux encore, le procureur lance à l'adresse de l'accusé : «On vous a mis en prison pour vous protéger, vous devriez remercier le pouvoir, l'Etat….» Il requiert dix ans de prison ferme. Imperturbables, Fekhar et son compagnon ne bronchent pas. Mais les propos du PG ont provoqué un étonnement général, y a compris le juge qui «rappelle à l'ordre» le procureur. «On ne fait de sermon !»
Le collectif de la défense, composé d'avocats chevronnés, conduit par Mokrane Aït Larbi, Mustapha Bouhachi, Salah Debouz et d'autres du barreau de Tizi Ouzou, était d'une extrême vigilance dans le déroulement des débats.

«Un procès politique »
Prenant la parole en premier, Me Debouz a frappé fort : «Je suis devant un procureur du pouvoir et non pas un procureur général.» «Nous sommes sommés de trouver des preuves de l'innocence des deux accusés, parce que l'instruction n'a pas pu trouver de preuves de leur culpabilité», accuse-t-il.
Remonté, il répond au procureur : «Mettez-nous tous en prison alors pour nous protéger !» «La vrai question qui vaille, c'est de savoir qui a tué à Ghardaïa, il y a une volonté d'instrumenter la justice pour réduire au silence les voix qui s'élèvent.» Serein, d'une voix basse mais ferme, Mokrane Aït Larbi taille en pièces le réquisitoire du PG. «Le procureur n'a pas le droit de présenter des condoléances au nom du peuple. Nous sommes en train de juger un citoyen algérien et non pas un homme qui appartient à telle ou telle doctrine religieuse. Ce qui a été dit durant l'audience laisse croire que nous sommes en présence d'un procès politique.
Comment monsieur le juge trois feuilles peuvent mettre en danger les fondements de l'Etat algérien ?» assène Me Ait Larbi, poussant le procureur dans ses derniers retranchements.
Figure du barreau, militant des droits de l'homme qui a séjourné par le passé dans le sinistre pénitencier de Berrouaghia après avoir été condamné à mort par le tribunal de Médéa (toujours Médéa), Me Aït Larbi rappelle à dessein l'épisode de 1985 : «J'étais avocat, lorsque j'ai été condamné devant la Cour de sûreté de l'Etat, dans cette ville, pour avoir créé avec d'autres militants la première Ligue des droits de l'homme. Nous étions accusés d'avoir porté atteinte à la sûreté de l'Etat.»
Les temps ont changé, mais les pratiques non. Un autre avocat reprend et s'étonne : «Pourquoi avoir attendu cinq ans pour juger ces deux personnes ? Ces documents remontent à 2013.» Me Bouchachi, lui, intervient en dernier pour clore les plaidoiries ; il hausse le ton pour déclarer à la face du tribunal que «ceux qui touchent à la souveraineté du pays sont ceux qui ont ordonné des poursuites contre Fekhar. Le procureur a fait un réquisitoire politique et parle d'un contrat entre le peuple et le système».
«Ce n'était pas opportun d'engager des poursuites contre Fekhar, ce n'est pas judicieux de les condamner, si l'on veut réellement ramener le calme à Ghardaïa, d'autant que le dossier est vide», peste-t-il. Fin des plaidoiries laissant planer un sentiment de confiance quant à l'issue du procès. Le tribunal se retire pour délibérer. Au bout d'une heure et demie, le juge, visage ferme et froid, regagne sa place et prononce la sentence.
A la surprise générale, il condamne les deux accusés, Kamel Eddine Fekhar à cinq ans de prison, dont dix-huit mois ferme, et Benabdellah Abdellah à trois ans de prison, dont dix-huit ferme.
Abattement général. Grosse déception. Prison ferme pour trois feuilles volantes. Et ce n'est pas fini pour Kamel Eddine Fekhar. Il est jugé pour une seconde affaire dès le lendemain en compagnie d'une trentaine d'accusés. Le procès se poursuit depuis jeudi. «C'est un acharnement judiciaire contre Fekhar, parce que c'est un homme libre qui ne courbe pas l'échine.
Il est notre voix», enrage un Mozabite à la sortie du tribunal. Le procès se termine sans rien révéler sur les tenants et les aboutissants des événements de la vallée du M'zab.


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