Quelques mois avant son évincement du gouvernement, le plus controversé ministre de l'Industrie, Abdessalem Bouchouareb, a, lors de toutes ses sorties médiatiques répété en boucle les instructions données aux walis quant à la promotion de l'investissement et la création de zones d'activité à la faveur de la nouvelle stratégie du pouvoir en place. Plus rassurant, il affirmait que le problème du foncier industriel ne constituera plus une entrave à l'investissement et appelait à l'exploitation de toutes les assiettes disponibles pour la réalisation de 50 parcs industriels prévus dans 39 wilayas du pays. Cependant, le cas de la wilaya de Tamanrasset qu'il n'a jamais visitée en sa qualité de ministre est un peu particulier, compte tenu des difficultés rencontrées par les investisseurs et les problèmes liées à la mafia du foncier qui sévit impunément. Zakaria Moulay, doctorant au Centre universitaire de la wilaya de Tamanrasset en droit privé, spécialité protection du consommateur et de la concurrence, nous accorde cette petite entrevue, où il évoque la situation de l'investissement à Tamanrasset et les raisons qui font que ce créneau soit paralysé malgré les avantages et les mesures alléchantes accordés par l'Etat. Détourné de sa vocation, le foncier industriel fait cruellement défaut à Tamanrasset. Une situation qui s'est répercutée négativement sur la promotion de l'investissement dans la wilaya. Qu'en pensez-vous ? Ce n'est pas uniquement le foncier industriel qui est détourné de sa vocation à Tamanrasset. Celui-ci se trouve en proie à toutes les pratiques mafieuses et aux réseaux qui font main basse. Il faut savoir que le foncier industriel est le pilier de l'investissement économique, du fait qu'il offre de multiples perspectives aux entreprises. C'est un outil de développement local via l'élargissement de l'investissement à travers des projets immobiliers. Permettez-moi de rappeler que les biens concernés par la concession destinée à la réalisation de projets d'investissement regroupaient, initialement, les terrains relevant du domaine privé de l'Etat disponibles, situés à l'intérieur des secteurs urbanisables, outre les actifs immobiliers résiduels des entreprises publiques dissoutes et l'ensemble des actifs excédentaires des entreprises publiques économiques. Les lois en vigueur excluent les parcelles agricoles, les terrains situés à l'intérieur des périmètres miniers et ceux situés à l'intérieur des périmètres de recherche et d'exploitation des hydrocarbures et des périmètres de protection des ouvrages électriques et gaziers. Les parcelles de terrain destinées à la promotion immobilière et foncière bénéficiant de l'aide de l'Etat et celles situées à l'intérieur des périmètres des sites archéologiques et culturels sont également exclues du champ d'application de la réglementation régissant la concession destinée à l'investissement. Cependant, la réalité des choses est toute autre dans cette wilaya, qui enregistre de graves dépassements en matière de concession foncière. Le problème est sérieusement aggravé par la propagation illicite du béton et l'excroissance urbaine qui affecte profondément cette wilaya-continent. L'industrie peine à prendre son envol qui bute sur des dispositions inutiles et qui n'obéissent de surcroît à aucun objectif assigné aux organes chargés de la gestion des zones industrielles et d'activité et la promotion de l'investissement dans le Sud et les Hauts-Plateaux malgré les avantages accordés par l'Etat. Le foncier industriel joue un rôle stratégique dans la promotion de l'investissement et du coup permet de diversifier l'économie nationale en améliorant la productivité. D'où la nécessité de créer l'Agence nationale de l'investissement et de la régulation du foncier (Aniref) et la Commission d'assistance à la localisation et la promotion de l'investissement et la régulation du foncier (Calpiref). Vous parlez des avantages accordés par l'Etat et parallèlement on dénonce les entraves bureaucratiques et la mafia du foncier sur lesquels butent les investisseurs à Tamanrasset. Contradictoire, non ! Certes, des mécanismes ont été développés pour accompagner l'investisseur et une batterie de mesures a été mise en place pour booster ce secteur, notamment dans le Sud. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Rappelons que la concession est accordée pour une durée minimale de 33 ans renouvelable et maximale de 99 ans. Elle confère à son bénéficiaire le droit d'obtenir un permis de construire, de solliciter, auprès des institutions financières, un crédit pour le financement du projet poursuivi, de céder la propriété des constructions et le droit réel immobilier résultant de la concession, dès réalisation effective du projet d'investissement et de sa mise en service dûment constatées par les organes habilités. La concession est garantie et ne peut être annulée qu'en cas de manquement aux obligations du concessionnaire, et ce, par voie de justice. L'investisseur bénéficie également d'avantages financiers, dont la concession de terrain au dinar symbolique le m² pendant une période de quinze ans et 50 % du montant de la redevance domaniale au-delà de cette période pour les projets d'investissement implantés dans les wilayas du Grand Sud. Un abattement supplémentaire sur le montant de la redevance locative annuelle peut être accordé sur proposition du Conseil national de l'investissement et après décision du Conseil des ministres lorsqu'il s'agit de projets d'investissement revêtant une importance particulière pour l'économie nationale et soumis au régime de la convention. Lorsqu'il s'agit de projets d'investissement étrangers, ceux-ci ne peuvent être réalisés que dans le cadre d'un partenariat avec des personnes physiques ou morales de nationalité algérienne qui doivent détenir au minimum 51 % du capital social. Sauf que beaucoup de facteurs entrent en jeu et font que ce créneau reste dans une phase stationnaire en l'absence des études prospectives et des planifications à long terme laissant libre champ aux faux investisseurs. C'est pour cette raison que l'on a plaidé pour la promotion du rôle des collectivités locales dans l'accompagnement de l'investissement, notamment pour ce qui est de l'amélioration de l'offre foncière, du développement de l'agriculture et du tourisme et la simplification des mesures administratives. Quelles recommandations faites-vous pour remettre la locomotive de l'investissement sur les rails et le développement industriel de cette wilaya du Grand-Sud ? D'abord, il faut impérativement procéder à l'amélioration de l'offre foncière destinée à l'investissement. Pour ce faire, il est préconisé de réviser les textes réglementaires relatifs à la récupération des terres agricoles se trouvant dans les zones urbaines ou urbanisables, ou encore celles incluses dans les zones d'extension touristique, les nouvelles villes et les zones d'activité, en attribuant aux walis le pouvoir de les récupérer. La mise en place d'un fichier de wilaya pour les projets d'investissement et le développement d'un système informatisé pour le suivi des demandes d'investissement à l'échelle nationale sont également recommandés. A cela s'ajoute la création d'un système de géolocalisation à même de favoriser la mise en place d'une base de données locales relatives au foncier. Cette base de données permettra ainsi d'identifier les faux investisseurs, qui doivent être poursuivis en justice. Il faudra aussi penser à la promulgation d'une disposition légale, qui permettra aux autorités locales de récupérer directement les fonciers inexploités attribués dans le cadre de la concession et l'adaptation des lois régissant cette dernière aux spécificités de la wilaya de Tamanrasset.