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Conjurer la mort
La chronique africaine de Benaouda Lebdaï
Publié dans El Watan le 07 - 10 - 2017

C'est le second roman de Kamel Daoud qui se libère là d'Albert Camus. Zabor ou les psaumes confirme le conteur, le romancier dans la mesure où ce texte de fiction est d'une grande densité, intense, fort, déjanté ; un texte qui bouscule les certitudes, qui dit l'indicible, entre réalité et fantasmagorie, entre rêve et plancher des vaches, entre délire et raison, entre le spirituel et le concret. Kamel Daoud navigue sans nul doute entre autofiction et fiction pure. Il laisse déborder son imaginaire et son imagination débordante à la manière des Mille et Une Nuits ou, comme dit son personnage, les mille et un jours qu'il narre sans retenue, sans filet et sans tabou.
Le texte est écrit en didascalie, avec des incursions typographiques en italiques qui dialoguent avec le texte en caractères droits, instillant une information, un point de vue ou une réflexion sur le reste du texte. Ainsi, les deux formes de lettres se toisent, se parlent, se disent des vérités à ne pas cacher et chaque incursion en italique devient une conscience qui éclaire sur ce qui se dit dans le texte principal.
Le lecteur peut être dérouté au premier abord, mais il faut tenir bon car le texte est puissant, soutenu et il faut maintenir le cap, se concentrer pour rentrer dans le monde et la légende de Smaïl qui ne répond jamais à ce prénom mais à celui de Zabor, dit «Eddah elbabor», comme le moquent les enfants du village.
Zabor n'est pas un enfant comme les autres, il est possédé par un pouvoir, celui d'éloigner la mort qui approche les gens du village, y compris son grand-père ou même son père qui a répudié sa mère et avec laquelle il s'est retrouvé abandonné, répudié comme elle. Elle en meurt, il en souffre et cette souffrance est le fil rouge du roman. Zabor se remémore les «pleurs d'adultes» et les «lamentations après la répudiation». Pris en charge par sa tante Hadjer qui le surprotège, il décide de prendre sa liberté et de vivre ses fantasmes, ses élucubrations en dehors du temps et de l'espace.
Dès son jeune âge, Zabor est connecté au Livre Sacré, le Coran, qu'il apprend par cœur, d'où cette connaissance des psaumes qui sauveraient des vies, éloigneraient la mort, cette faucheuse qui arrive au moment où on l'attend le moins. Zabor a ce pouvoir qui le met au ban du village, il devient taciturne et se crée un monde fantasmagorique, celui de son imagination, de son imaginaire, de ses fantasmes qu'il exprime enfin par l'écriture et la création, car Zabor «veut écrire le grand roman à contre-courant du Livre Sacré».
Le roman de Kamel Daoud est rédigé en dialogue avec d'autres textes de la littérature universelle, à commencer par la fable de Robinson Crusoé et du perroquet Poll auquel il redonne toute son importance car il est celui qui répercute la parole. Il est Vendredi et il est Shéhérazade des Mille et Une Nuits, il dialogue avec de grands romans Lumière d'août ; Villes de sel ; Vol de nuit ; Vingt mille lieues sous les mers ; Les chemins qui montent et tant d'autres. L'intertextualité inonde ce texte de tous les possibles et cette donnée le sauve du dogmatisme.
Le roman distille au fil des pages l'évolution de l'état d'esprit de Zabor et raconte sa volonté à se prendre en charge en termes de pensées et de réflexions personnelles, individuelles, au-delà de la parole déjà écrite car la force de Zabor est qu'il veut écrire aussi. De la lecture et de l'apprentissage du Livre Sacré, il décide qu'il doit produire son ‘‘Livre'', ne plus être dépendant du seul Livre qui dicte tout et le moindre geste et ainsi il fait feu de tout bois et il apprend alors à lire dans l'autre langue tout ce qui lui tombe sous la main, lire et relire, imaginer ensuite des histoires à partir de titres, à partir de début de phrases et ainsi il réécrit dans sa tête les livres qu'il ne pouvait pas avoir, il s'ouvre au monde, d'où sa délivrance : «Je lisais d'un coup tout ce que je pouvais trouver sur les dieux, les notices de machines, les prescriptions de médicaments pour l'oreille attentive de ma famille illettrée…
Je lisais les journaux rares et décryptais les vieilles plaques en français datant de la période coloniale.» Zabor a eu un apprentissage de la langue comme une bataille menée et gagnée «contre la pauvreté du monde». Zabor/Kamel s'est lancé un défi, celui d'écrire ces vies qui disparaissent sans laisser de traces dans son village natal d'Aboukir. Il conjure tous les sorts comme celui de lutter contre la mort, de lire d'autres livres pour s'inonder de lumière, la sienne et pas celle dictée à l'avance, il veut laisser une trace de son passage sur terre ainsi que le passage des gens de sa village qui ne l'ont pas fait, et donc Zabor reconstitue l'histoire de sa tribu.
Il veut vivre à fond sa vie ici et maintenant, car Zabor c'est l'éveil des sens et une histoire d'amour avec Djemila qu'il rejoint chez elle en fin de roman et d'où il est ressorti «courbaturé». Kamel Daoud écrit pour conjurer la mort, il ruse ave elle, il crée pour vivre. Pour libérer Djemila, il faut à Zabor une liberté plus grande afin de la «partager avec elle» enfin. Le roman de Kamel Daoud est un hymne pour le partage et la liberté d'être, loin de tout ce qui se dit et qui n'a rien à voir avec la création de ce fils incontestable de l'Algérie.
Zabor ou le psaumes, un roman écrit entre Oran, Perugia et Tunis, un roman dédié à l'Afrique.
Kamel Daoud, «Zabor ou les psaumes», Ed. Barzakh (Alger) et Actes Sud (Arles), 2017.


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