La chambre d'accusation près la cour d'Alger a rendu cette semaine sa décision concernant l'affaire du journaliste-fixeur Saïd Chitour. Elle a tout simplement confirmé l'accusation retenue contre ce dernier, en lui faisant appliquer l'article 65 du code pénal, qui prévoit la réclusion perpétuelle contre «quiconque qui, dans l'intention de les livrer à une puissance étrangère, rassemble des renseignements, objets, documents ou procédés dont la réunion et l'exploitation sont de nature à nuire à la défense nationale ou à l'économie nationale». De ce fait, elle a renvoyé l'affaire devant le tribunal criminel pour son jugement. Chitour avait été arrêté le 6 juin dernier, à l'aéroport d'Alger, après son retour d'Espagne, par les services de la sécurité militaire, puis déféré devant le tribunal de Dar El Beïda, qui l'a placé sous mandat de dépôt. Incarcéré à la prison d'El Harrach, à Alger, son état de santé s'est sérieusement détérioré ces dernières semaines, sa famille ne cesse de clamer son innocence, alors qu'une pétition pour sa libération, signée par des centaines de personnes, entre journalistes, intellectuels, avait été lancée par Reporters sans frontières, et un appel du CPJ (Comité de protection des journalistes) exhortant les autorités à abandonner la poursuite judiciaire. Pour leur part, ses avocats, Mes Khaled Bourayou et Miloud Brahimi, n'ont de cesse de dénoncer que l'accusation portée contre le journaliste «n'est pas justifiée». Durant toute l'instruction, ils ont tenté de casser l'argumentation présentée en affirmant que le journaliste «n'avait ni le statut ni la possibilité de détenir des informations de nature à porter atteinte à la défense ou à l'économie nationales». Pour l'instant et en attendant la notification de la décision de la chambre d'accusation au journaliste, les deux avocats n'ont pas encore tranché sur la question de se pourvoir en cassation contre le renvoi de l'affaire devant le tribunal criminel. Ils sont devant le risque de prolonger la détention avec une cassation qui prendra du temps et celui d'aller devant le tribunal criminel et de finir avec une lourde condamnation. «Nous allons bien expliquer à l'accusé la situation et c'est à lui de prendre la décision…», déclare Me Brahimi, qui ne manque pas de comparer la justice aux deux faces de la statue de Janus. «L'une avec ses textes de loi de modernité et d'équité et l'autre avec une pratique douloureuse de ces lois», dit-il.