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Dramaturge « Le théâtre n'est pas la réalitédans le sens d'un reflet sur glace »
Richard Demarcy.
Publié dans El Watan le 14 - 10 - 2004

Professeur de théâtre à la Sorbonne, ethnologue, dramaturge, essayiste et écrivain, Richard Demarcy nous livre, dans l'entretien qui suit, sa lecture du quatrième art.
Quelle appréciation faites-vous des nouvelles expériences artistiques menées ici et là au nom du théâtre expérimental ?
Le mot expérience est riche de belles surprises. Il faut souligner qu'il sera toujours nécessaire de produire des œuvres artistiques à partir d'« expériences » nouvelles, mais en même temps à partir d'un authentique besoin d'inventer d'autres formes, différentes de celles des formes antérieures. Le mot expérimental est comme on dit polysémique. Il faut préciser, cependant, qu'il n'existe pas de critères précis pour définir l'expérience au théâtre. Selon moi, l'expérimental qui est un mot peu poétique, connoté de gravité et de sérieux peut être drôle, donc au double sens, étrange et faire rire et sourire et même gai, proposant l'humour (qualité des hommes toujours à expérimenter n'est-ce pas ? Et défense humaine contre l'horreur aussi offrant une approche poétique d'un monde proposé, un monde qui peut être mystérieux et fort de sensations surtout pour moi car ne l'oublions pas non plus celle-là nous fait aimer la vie. Et au théâtre d'inventer un « langage scénique » comme ont dit qui nous étonne, marquant des ruptures avec l'ancien (ce qui ne veut pas du tout dire rejet radical de l'ancien et de ses acquis), aboutissant à une modification des perceptions les plus diverses de l'homme, lui fabriquant de nouvelles sensibilités, lui offrant de nouvelles idées aussi, car le théâtre est l'art le plus porteur d'idées sur le monde, l'homme depuis très longtemps, ce qui n'empêche par du tout d'être ému, « émotionné ».
Qu'est-ce que le théâtre ?
Le théâtre est un art complet sachant intégrer les autres arts et les multiples techniques, que ce soit celle, de la machine ou du corps, un art en expérimentation perpétuelle parce que avide de performances diverses de l'homme qui lui aussi s'invente au cours du temps, se réinvente avec le temps, se change en lui-même et avec les autres dans l'à-venir comme dit bien le mot. Le théâtre est interculturel parce qu'il mêle le chant la danse, la musique, la marionnette, l'art du cirque, etc. Le théâtre n'est pas la réalité dans le sens d'un reflet sur glace. Le théâtre n'est pas un reflet mais une transformation, une inspiration du monde. En tant que metteur en scène et écrivain, je pose toujours la question : quels sont les gestes philosophiques, poétiques et donc politiques qu'amène le théâtre au monde ?
Le théâtre peut-il faire bouger l'homme ?
Il peut faire bouger l'homme. Faire bouger ses perceptions, ses sensibilités, sa vie sensorielle, ses idées sur lui et sur le monde qui l'entoure. Oui avec le théâtre on peut dire qu'il y a évolution même révolution, subversion pacifique des formes car le théâtre n'est pas violence même s'il la met sur le plateau. La violence, elle, est dans le terrible théâtre du monde et le théâtre acte pacifique par excellence (car la culture est paix) s'y oppose.
Il y a aussi le mot international auquel je crois vous êtes très sensible...
Déterminant. Au 16e Festival du théâtre expérimental du Caire, nous avons assisté à un authentique festival international avec au moins 3 continents Asie, Europe, Afrique du Nord qui participent, présents aussi bien avec des pièces qu'avec des personnalités d'envergure dans le jury. Cependant, un petit regret personnel, pour moi personnellement, la difficulté actuelle d'une troupe africaine à venir jusqu'ici pour participer à cette rencontre culturelle mondiale. Sans l'Afrique, sans l'Amérique latine, l'Asie... l'Europe sans les autres, c'est étriqué, dangereux même, par l'exclusion informelle induite. Le théâtre ne peut suivre cette ligne au fond comme la « pente naturelle » d'aujourd'hui. C'est bien notre (?) Europe à construire : à combien, quelles limites. Et le continent d'en face avec de si riches liens, de longue d'amitié et de tant de choses que nous portons ensemble « Europe blanche » ? Je m'interroge parfois, c'est absolument nécessaire de s'ouvrir sur l'Afrique et sur les autres continents.
Le théâtre, les théâtres, les programmes de théâtre ont leur place et leur responsabilité dans ce débat...
Malgré tout, soyons optimistes et œuvrons à ce que les chemins s'élargissent, et les carrefours s'agrandissent. Osons dire dans la lancée, notre désapprobation totale à l'encontre des partisans des replis frileux, les chauvinismes de tout ordre violents, ou mesquins... En France, nous n'avons plus de grands regroupements d'artistes venus d'horizons différents. Le festival international de théâtre de Nancy lancé par Jack Lang et une bande de jeunes qui y croyaient dur, fut pendant des années, un immense lieu de formation, un émerveillement de découvertes, de tous pays et continents. Il a disparu... et n'a pas été remplacé : le bouillonnement s'est tari. Aujourd'hui, j'ouvre un nouveau théâtre à Paris pour que le théâtre ait une identité plurielle, élargie, tolérante, fraternelle, une internationalité à travers une rencontre de troupes mais aussi une internationalité au cœur du théâtre comme les sociétés d'aujourd'hui. Le monde est multiculturel. Nous ne pouvons parler de choc de cultures ou de civilisations. Le choc existe seulement entre George Bush et une partie du monde.
Revenons, si vous le voulez bien, au concept du théâtre « expérimental » ?
Expérimental peut signifier « recherche » (s'affirmer comme « théâtre de recherche »), inventivité, modernité bien sûr et même transformations de l'ancien en nouveau. Et sur le plateau, au théâtre aujourd'hui : Je crois en ce théâtre, profondément, par la musique, la danse, le chant, les spectacles vivants, le vidéo théâtre, la technologie des images projetées (filmées), l'ancien et le présent mêlés, je crois en la combinaison des arts dans le théâtre.... Sans oublier les autres mariages possibles avec les autres arts, art du cirque et de la piste, et même de la rue avec le « théâtre de rue » qui invente et bouge beaucoup. Et encore : quels traitements nouveaux de l'espace théâtre, de la relation spatiale avec les spectateurs, en face, autour, dedans, avec déambulation... Je crois, cependant, que mettre un ordinateur à vue sur un plateau et se suffire de le faire travailler sans qu'il y ait vraiment urgence n'est pas signe d'un théâtre expérimental ; Maintenant SVP je dis qu'il faut placer la barre plus haut pour étonner et éblouir par l'invention dépasser ce que les autres ont produit et inventé. Attention à l'épate. Il y a aussi des résultats merveilleux avec un vrai contrôle de cette intégration : la clef, c'est que l'acteur reste toujours le cœur battant du plateau, seul ou avec des partenaires et qu'il ait quand même quelque chose de profond à « dire » sur lui-même, sur le monde, la vie intime ou celle des sociétés des groupes humains (famille...). Et comment intégrer le texte (les mots, cette richesse poétique de l'homme... et du théâtre) ? Sortir le texte, les mots, ce n'est pas plus moderne qu'autre chose, de toute façon il entrera par la fenêtre ou la lucarne du grenier de la cave...
Y a-t-il d'autres techniques ?
Oui, celles du « travail de l'acteur », la recherche sur le corps, l'intensité de jeu, l'énergie ou le sens du collectif et l'engagement dans un acte collectif... L'écriture peut-elle être expérimental ? Au fait, l'expérience est une phase permanente. Le mot expérience existe depuis 16 ans au festival du Caire et c'est important au niveau du bouillonnement des idées. L'artiste amène la grande notion de formes. Le langage gestuel et le langage scénique sont des langues importantes au théâtre.
Y a-t-il autre chose ?
Bien sûr dans l'« expérimental » il y a aussi les relations toujours nouvelles dans l'espace théâtral avec les spectateurs dont j'ai parlé. Je reviens dessus. En ce domaine le mot « scénographie » est très important. C'est un mot-clef, un mot qui a d'ailleurs effacé le mot « décor et accessoires ». J'ajoute même qu'il faut parler de scénographie active, c'est-à-dire mobile, se développant avec le jeu des acteurs et l'action. Et c'est toujours merveilleux alors de voir de très anciennes formes narratives se renouveler avec l'invention, les inventions modernes et multiples des acteurs d'aujourd'hui. La musique, les sons liés aux objets, bien qu'à une époque, l'objet fût accessoire. Aujourd'hui, je parle d'objet de scène avec toute la force et la réalité du mot objet. L'objet qui peuple notre vie quotidienne, les gestes des hommes. Précisons néanmoins que l'acteur reste le premier élément du théâtre, le jeu de l'acteur reste le cœur du théâtre. Le théâtre est l'art du corps par excellence : outre la technologie très utile et la technique de l'acteur son énergie corporelle dépensée sur le plateau sont aussi primordiales. Le mot expérience est riche de belles surprises car le théâtre est un art complet et avide des performances diverses des hommes, de l'homme qui s'invente sur scène et ailleurs, se réinvente, se change en lui-même, et avec les autres dans l'« a-venir » comme dit bien le mot. Alors le théâtre peut aider à bouger l'homme, ses perceptions, ses sensibilités, sa vie sensorielle (ses idées sur lui et sur le monde aussi bien sûr). Alors oui on peut dire qu'il y a ici ou là « évolution », « révolution », subversion pacifique des formes (car le théâtre est un art complet et avide des performances diverses des hommes).
Les écritures peuvent-elles être expérimentales, elles aussi ?
Le texte peut être très « expérimental », novateur, abandonnant (ou faisant semblant d'abandonner) l'histoire racontée, les personnages, le déroulement linéaire avec dénouement, il peut trouver d'autres modes d'organisation des mots (et de la poétique des mots, ce qui est essentiel et sans doute toujours indispensable) comme le puzzle, la partition, la narration éclatée, « étoilée », etc.
Au fond, vous évoquez ici la fonction éternelle du théâtre...
Oui, la grande question qui reste toujours est bien celle des multiples fonctions de l'art théâtral. On ne doit pas oublier que c'est un art qui se joue sur l'instant intense avec/devant un autre homme (le spectateur), un ensemble d'hommes (le public) qui aura toujours besoin d'être touché, de se découvrir et de découvrir (le beau mot n'est-ce pas aussi, « découverte »...). L'imagination est la reine des arts, la vraie, qui produira alors pour l'homme et les sociétés un imaginaire vivant, une ouverture au monde et non une sclérose...
Vous êtes un artiste plus intéressé par les expériences du Sud que celles du Nord. Si vous nous disiez en quelques mots le pourquoi de ce penchant ?
Les liens Nord-Sud m'intéressent profondément, et surtout leurs liens toujours à approfondir et construire. C'est aujourd'hui, je crois, un vrai besoin de notre planète, un grand enjeu d'approfondir ces liens, de les construire. Chaque pierre est alors essentielle. On construit l'Europe avec l'axe Est-Ouest mais n'oublions pas les chemins Nord/Sud et vice-versa. il y a déjà tant d'acquis humains, de langue qui nous rapproche. Fertilisons-les.
Des projets en cours ?
Petit scoop : nous allons ouvrir un nouveau théâtre dans le 18e (le « parquet de bal »), dans le 18e il y a plus de 70 nationalités. Pour la première fois, je me poserai avec la compagnie et le statut d'artiste associé. Le théâtre en ce sens y prendra de la couleur, des couleurs... Le monde est multiculturel et il faut donc sauvegarder cette vitrine multiculturelle au théâtre. Aujourd'hui, ce théâtre ouvert nous permettra de donner, je l'espère, une autre image du théâtre français, poursuivant la recherche de nouveaux publics et de nouvelles formes de création. Pour ma part, je pratique un théâtre, où acteurs africains, européens, maghrébins sont sur le plateau dans chaque œuvre. Au théâtre il y a une mondialité (qui s'oppose à mondialisation) et l'imaginaire est toujours la clé qui favorise la communication avec autrui. C'est essentiel aussi car en France la population est diverse et mêlée, de toutes origines. Cette diversité, cette richesse de la France n'est pas connue ou plutôt non reconnue. Il faut atteindre ces vrais publics et avancer ensemble. Et avec vous aussi je crois que la reconnaissance par un peuple de son identité plurielle,- au lieu de fantasmer une idée unique, « idéelle », le rendrait plus heureux de lui-même et de son pays, plus fier même et plus libre en lui-même...
Vous avez monté une de vos pièces Mimosas d'Algérie avec deux de nos comédiennes les plus accomplies. Que vous apporte cette expérience ?
Un parcours incroyable. Des rencontres assez inimaginables. Après Alger, la tournée à Annaba, Constantine et Oran fut un immense succès pour Sonia et Fetouma à Paris et en tournée. Et tant de choses sont nées comme des débats avec le public à Paris, à Aix ou Marseille, et bien d'autres où participaient Henri Alleg, Simone de Bollardière, Marc Bernager... (une vraie amitié est née : Simone était encore dernièrement dans une école de mon quartier pour parler avec les élèves de la guerre d'Algérie au moment où on assistait à la création d'une rue Maurice Audin-enfin- près de la faculté de xx... avec tout le monde bien sûr... et puis tant de lieux où des associations d'Algériens prenaient en main l'organisation de rencontres festives, après la pièce. Je reviens dès que je peux en Algérie. (J'ai même joué dans un film tourné en partie à Béjaïa, moi qui n'avais jamais fait vraiment l'acteur). L'important, c'est comment cela nous transforme encore les uns les autres et après tant d'années nous rappelle cette amitié, tiens, j'ai soudain en évoquant l'INAD, une pensée chaleureuse pour Boudia que je connaissais bien, et qui après la guerre d'Algérie s'est engagé dans la vie culturelle avec l'INAD. Chacun se souvient de son assassinat... Quant à d'autres collaborations avec l'Algérie, je sais très bien que des choses très concrètes naissent, je les mettrai en priorité et saurai faire les allers-retours...


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