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Mystères d'un langage
Art rupeste. Beauté et sens
Publié dans El Watan le 01 - 03 - 2007

Au Tassili comme dans d'autres régions d'Algérie et du monde, les premières formes d'expression artistique passionnent les chercheurs qui y voient la représentation d'un monde mais aussi un prélude à l'écriture.
Dans son Histoire du Livre (1), Albert Labarre souligne que « l'apparition du livre est liée aux supports de l'écriture ». Parmi ces supports, précise-t-il, « le plus ancien semble être la pierre, depuis les pictographies rupestres jusqu'aux stèles et inscriptions de l'ancien Orient et de l'antiquité classique (…) ». L'étude de ces « textes », revêtant une valeur documentaire évidente, a suscité la discipline de l'épigraphie qui, en étudiant les textes présents sur des matières imputrescibles, a permis d'explorer des univers artistico-culturels inconnus jusqu'ici... Dans le cas de l'Algérie, l'immense plateau du Tassili N'Ajjer est à ce jour, entre autres sites, le témoin précieux d'un monde ancestral à travers les formes anciennes d'un discours émotionnel « artistico-littéraire ». En effet, ses parois rocheuses abondent d'éléments de la communication artistique et spirituelle que constitue l'art protohistorique. Ce majestueux musée préhistorique, à ciel ouvert, comme le qualifia Henri Lhote, en découvrant ses innombrables gravures rupestres, motifs constellés et fresques diverses, exprime à sa manière, en un riche langage iconographique, hautement coloré et élaboré, toute la panoplie des croyances, préoccupations, modes de vie et de pensée de ses créateurs, nous suggérant leur univers concret mais aussi émotionnel et spirituel. Comme le souligne Julia Kristeva, à propos du graphisme primitif en général, cet art pariétal est incontestablement porteur de sens langagier. Sa réflexion sur ce plan est si importante qu'elle mérite cette longue citation : « (…) Pour nous, sujets appartenant à une zone culturelle dans laquelle l'écriture est phonétique et reproduit à la lettre le langage phonétique, il est difficile d'imaginer qu'un type de langage - une écriture - ait pu exister et existe aujourd'hui pour de nombreux peuples, qui fonctionne indépendamment de la chaîne parlée, qui soit par conséquent non pas linéaire (comme l'est l'émission de la voix), mais spatiale et qui enregistre ainsi un dispositif de différences où chaque marque obtient une valeur d'après sa place dans l'ensemble tracé. Ainsi, dans les grottes de Lascaux, on peut remarquer les rapports topographiques constants entre les figures des animaux représentés (…) D'après Leroi-Gourhan : « Une part importante de l'art figuré relève de la picto-idéographie, manière synthétique de marquage qui, tout en représentant des images (latin : pictus, peint, représenté), transmet une conceptualisation ou plutôt une différenciation et une systématisation irreprésentables (idée). Ce type d'écriture n'est pas une simple transposition du phonétisme et peut être même construit de façon tout à fait indépendante de lui, mais elle ne constitue pas moins un langage » (…). De tels dispositifs spatiaux semblent constituer le support graphique matériel, et par conséquent durable et transmissible, de tout un système mythique ou cosmique propre à une société donnée, on pourrait dire que ces graphismes, mi-écriture, mi-représentation « artistique », magique ou religieuse, sont des « mythogrammes ». D'autre part « la multi dimensionnalité » de ces graphismes s'observe dans nombre d'écritures non alphabétiques, comme en Egypte, en Chine, chez les Aztèques ou les Mayas. Les éléments de ces écritures (…) peuvent être considérés comme des pictogrammes ou des idéogrammes simplifiés, dont certains obtiennent une valeur phonétique constante (….). Telle est l'écriture hiéroglyphique égyptienne, dans laquelle chaque pictogramme a une portée phonétique (…) » (2) On peut citer également en guise d'exemple de ces « écritures ancestrales », celle des Australiens Churingas qui traçaient de façon abstraite le corps de leurs ancêtres et leurs divers environnements. D'autres trouvailles paléontologiques confirment la thèse selon laquelle les premières écritures marquaient le rythme et non la forme d'un processus où s'engendre la symbolisation, sans devenir pour autant une représentation. Autrement dit, ces « représentations humaines » qui perdent leur caractère réaliste et deviennent « abstraites », construites à l'aide de figures géométriques de base (triangles, carrés, lignes, points…), comme sur les parois du Tassili ou des grottes de Lascaux, constituent l'ébauche d'un langage iconographique pré-structuré. Abondant dans ce sens, le chercheur suédois en arts dramaturgiques, George Cristea, écrira à propos des gravures rupestres du Tassili : « Chaque rocher gravé et chaque paroi de grès peinte représente une page d'un ouvrage où des maîtres de la préhistoire inconnus ont inscrit, en l'absence de l'alphabet, par des images, la chronique souvent bouleversante de leur vie quotidienne » (3). Ce qui semble évident, c'est l'utilisation de ces images, motifs, signes et figures symboliques, comme éléments langagiers, voire supports pédagogiques, servant à des cérémonies de chasse (pratique de la simulation tel qu'on simule de nos jours une action virtuelle sur un ordinateur ?) ou à des rituels religieux, ou des initiations éducatives, y compris sexuelles, comme le suggère la présence de points de scarifications sur des figures féminines (site de Aourent). D'autres corpus de motifs suggèrent des cérémonies magiques ou même des festivités organisées de mains de maître, à la manière de grands spectacles
Chorégraphiques modernes !
Nous disposons probablement d'un exemple similaire de ces peintures rupestres dans le Wezda du Zimbabwe, à propos desquelles la chercheuse Jacqueline Roumeguere-Eberhardt note : « (…) Les animaux si abondants sur cette paroi représentent les groupes totémiques et la morphologie, connotant tous les grands événements historiques tels que batailles, alliances (véritable apprentissage de récits d'événements à lire…) à travers cette sténographie symbolique, support d'un savoir détenu par les gardiens des traditions et que possède également l'instructeur spécialisé dans l'enseignement de cette histoire » (4).
Une forme d'écriture
Cette analyse semble confirmer que le graphisme imagé, ou les motifs, figures ou toutes autres formes d'expression symbolique ou idéographique, étaient utilisés dès l'aube de l'humanité, lors des cérémonies d'initiations dans les sanctuaires consacrés, à des fins pédagogiques, socio-rituelles, magico-religieuses, etc. On pourrait également rapprocher de la forme d'écriture tassilienne, l'écriture africaine ancestrale « n'sibidi » ou celle aztèque des Mayas ou encore d'autres formes hiéroglyphiques surgies par la suite qui narraient le vécu complexe de nos ancêtres « primordiaux » (convient-il de dire et non pas primitifs, car ayant été les grands initiateurs de la civilisation souvent ignorés), tout comme on pourrait évoquer le legs culturel de ce langage séculaire du tatouage corporel qu'on retrouve un peu partout à travers le globe et dont les signes ou motifs singuliers identificatoires, picotés sur les corps, témoignaient vraisemblablement du symbole totémique d'appartenance tribale, clanique, patrilinéaire ou matrilinéaire… Ainsi, le motif-signe servait de la sorte de moyen de repère et d'identification, de balisage du tissu social, c'est-à-dire de moyen langagier ouvert éventuellement à d'autres formes d'expression et de communication. « Bien avant l'apparition de l'écriture, l'art visuel véhiculait la mémoire de l'homme ; et il en est toujours le dépositaire », écrit Emmanuel Anati, (un des meilleurs spécialistes mondiaux dans ce domaine), dans un récent ouvrage consacré aux origines de l'art. (5) Cet auteur observe, par ailleurs, que l'art qui préexistait à l'apparition de l'écriture a engendré celle-ci, puis a accompagné les développements du langage et de la technique jusqu'à nos jours. Et il en conclut que « l'art révèle l'essence des processus cognitifs de l'esprit humain. Le comprendre, c'est comprendre la société qui l'a produit, et plus encore l'homme ». C'est à partir de trois catégories de signes repérés dans les arts abstraits et figuratifs de l'homme préhistorique et tribal - les pictogrammes, les idéogrammes et les psycho-grammes - que les scientifiques décryptent généralement ces « processus cognitifs ».
Sexe, espace et aliments
Les thèmes les plus souvent privilégiés dans ces modes d'expression qu'on retrouve un peu partout à travers les sites de gravures rupestres du globe, concernent les préoccupations liées à la nourriture, au territoire et à la sexualité. Ces représentations véhiculent incontestablement des « messages », nous dit Annati et, en plus des préoccupations matérielles, des « révélations spirituelles » comme le témoignerait, vraisemblablement la grotte de Lascaux que d'aucuns ont qualifiée de « chapelle Sixtine de la préhistoire » où les détails témoignant de l'existence d'une riche mythologie du plateau du Tassili N'Ajjer d'Algérie. Notons également ce qu'écrit Albert Labarre à propos des origines du livre, en rappelant notamment que c'est seulement « entre le IVe et le IXe millénaires avant notre ère que l'écriture s'est constituée. On peut considérer comme une démarche préliminaire l'art rupestre des hommes de l'époque glaciaire, dans lequel l'image devient peu à peu signe de la schématisation. Puis cette image-signe évolue ; de la pictographie naissent tous les vieux systèmes d'écriture : cunéiformes sumériens, puis mésopotamiens, hiéroglyphes égyptiens, créto-minoens, hittites, caractères chinois : c'est le stade des idéogrammes où les représentations ne suggèrent plus seulement des objets, mais aussi des idées abstraites. Dans une étape postérieure, l'écriture s'accorde peu à peu au langage pour aboutir aux signes phonétiques qui sont des symboles de sons : il y a d'abord les systèmes où chaque son correspond à un signe (aux Indes par exemple), puis des systèmes syllabiques, enfin des écritures consonantiques qui se développent à travers le Moyen-Orient pour aboutir à l'alphabet, en Phénicie, peut-être dès le XVIe ou le XVe siècles avant J-C. Au IXe siècle avant J-C, les Grecs adoptent l'alphabet phénicien, y ajoutent les voyelles et ordonnent l'écriture de la gauche vers la droite : c'est de cet alphabet que sont issus l'alphabet latin et les alphabets modernes » (déjà cité). Cette « écriture pictographique » reflétait ainsi, à sa façon, selon son mode d'expression spécifique recourant au signe iconographique, pictographique ou idéographique, divers aspects du vécu de nos ancêtres dont des recherches suivies permettront, un jour peut-être, de dévoiler l'extraordinaire richesse enfouie en ce vaste patrimoine culturel et artistique préhistorique, notamment le symbolisme ayant trait au totémisme qui y prévalait comme le laissent suggérer nombre de figures pariétales. Ce qui permettra également de mieux identifier les premiers ancêtres. Ceux-ci seraient d'aspect négroïde, selon les anthropologues ou la préhistorienne algérienne Malika Hachid dont les recherches méritoires évoquent ces héros civilisateurs du Maghreb d'origine subsaharienne, issus d'une brillante civilisation africaine au Sahara, 5000 ans avant les pyramides ! A ces autochtones négroïdes primordiaux, attestés par des scientifiques, ont succédé les Berbères, et c'est surtout avec ces derniers que le Maghreb est entré dans l'histoire, dans la grande épopée du monde antique, médiéval et au-delà, pour voir se féconder l'africanité, l'amazighité, l'arabité, l'islamité et la méditerranéité, paramètres identitaires constitutifs de l'algérianité.
(1) Histoire du Livre. Ed. PUF, collection Que sais-je ? Paris 1970. Ed. Dahlab, Alger 1994.
(2) Le langage cet inconnu. Julia Kristeva. Ed. Seuil, Paris 1974.
(3) Eléments de manifestation dramatiques dans le Sahara mésolithique et néolithique. Editions ILVE, Université d'Oran, 1990.
(4) Le signe du début de Zimbabwe. Ed. Publisud, Paris 1980.
(5) Aux origines de l'art. Ed. Fayard, Paris 2004.


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