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De l'art d'ignorer
Philosophie. Visa pour la pensée
Publié dans El Watan le 03 - 05 - 2007

Intrigante, la philosophie est censée nouspousser à nous poser des questions, qu'ellessoient essentielles, existentielles, métaphysiques ou autres, afin de nouslibérer l'esprit. Et à défaut d'y répondre, elle nous permet au moins de formuler des théories, des thèses et lancer le débat.
Aujourd'hui, elle nous amène à nous demander comment elle est appréhendée par les jeunes en particulier et par les Algériens en général. Nous sommes ainsi allés à la rencontre de libraires, lycéens et étudiants en philosophie d'Alger pour prendre « la température sociale » de cette discipline. A la librairie El Kartassia (bd Colonel Amirouche), pas le moindre ouvrage lié à la question. Le vendeur nous explique qu'il ne lui en reste plus. La demande serait-elle si grande que ces ouvrages soient épuisés en un temps record ? Non. Nous nous en doutions un peu, les importateurs n'en commandent pas en quantité, la demande étant très réduite. « Environ 4 à 5 clients par semaine m'en réclament, à défaut de livres, ils achètent le Magazine Littéraire qui traite souvent de la philosophie », nous explique le vendeur. Les acheteurs sont plutôt d'âge mûr et recherchent généralement des titres précis. Deux cents mètres plus haut, à la librairie El Ijtihad, rue Hamani , le constat n'est pas très différent. Le gérant, M. Belanteur, nous affirme que les clients ne sont pas très férus de philosophie. Seuls quelques-uns demandent des classiques, mais « ce qui est très demandé, ce sont les ouvrages de soufisme et de bouddhisme, le Dalaï Lama a beaucoup de succès ». Dans cette librairie, figurent pourtant quelques Descarte, Nietzche, Platon et Socrate, comme perdus parmi la littérature, l'histoire et les romans policiers qui trouveront plus aisément preneurs. En revanche, à la librairie Point-Virgule de Cheraga, un rayon entier est consacré à la philosophie : Kaplan, Jimenez, Hadot, Foucault, Guitton, Epicure..., sans compter ceux qui sont classés dans des présentoirs d'éditions étrangères. Des classiques aux contemporains, des ouvrages spécifiques aux généralistes qui traitent de l'histoire de la philosophie, de son anthologie ou de notions sur la question de... le choix est grand. Cependant, le gérant nous affirme que la demande se fait rare, la philosophie n'intéressant que très peu de personnes. Encore moins les étudiants pour qui ces ouvrages restent inaccessibles de par leur prix. Conclusion : les livres de philosophie sont rares, quoiqu'en se donnant du mal, on peut en trouver. Selon les libraires, leur rareté est due à celle des lecteurs. Peut-être que du côté de l'Institut de Philosophie, à la Faculté de Bouzaréah, aurons-nous plus de chance de trouver des fans... Nous nous rendons donc sur place, où les nerfs sont mis à rude épreuve par les examens. Nous ne trouverons que quelques étudiants dudit institut qui abrite les épreuves de bibliothéconomie. Une jeune étudiante en 3e année de philo affiche son manque d'enthousiasme : « Ce n'était pas mon choix après le bac et je n'ai pas réussi à faire de transfert. Honnêtement, ça ne me branche pas du tout et puis, c'est tellement difficile ! Peut être que si c'était en français, ça nous simplifierait les choses », nous confie-elle. Nous lui faisons remarquer que la langue ne devrait pas être un obstacle pour une personne qui a toujours étudié en arabe, mais elle campe sur ses positions ! Plus loin, nous trouvons un petit groupe d'étudiants en philo et le constat est quasiment le même, aucun d'entre eux n'a choisi ces études après le bac. Selon l'un d'eux, ils seraient nombreux dans cet institut à avoir atterri par le hasard des fiches de vœux formulées par les bacheliers. Difficile de confirmer cette information, les professeurs sont inaccessibles durant la période des examens. Là encore, nous émettons l'espoir de trouver des fans de philosophie un peu plus « bas » dans le cursus scolaire, c'est-à-dire, au secondaire. Nous commençons par le lycée El Idrissi. Sourire et arguments en main, nous déboulons sur un groupe de Lycéens et lycéennes à la sortie des cours. Ils sont en sciences, nous savons d'avance le problème qu'ils vont poser, puisqu'il date déjà de plusieurs années ! « C'est injuste de nous imposer une telle matière, alors que nous avons beaucoup à faire avec les sciences, la physique et la chimie », nous dit une élève. Une deuxième nous avoue le peu d'intérêt qu'elle porte à la matière. Deux jeunes hommes opinent du chef et insistent sur le problème de la langue. La philo serait plus intéressante en français. Surprenant pour des élèves arabophones ! Selon ce groupe, le fait que la matière « débarque » dans leur cursus en terminale les perturbe beaucoup. A Ben Aknoun, devant le lycée Mentouri, l'enthousiasme n'est pas plus criant face à nos questions. Pourtant, ce sont des élèves en lettres et sciences humaines où la philosophie est la matière essentielle. Ils s'en passeraient volontiers. Encore plus surprenant, après deux années d'étude de philosophie, ils sont incapables de donner une définition, même approximative, de cette discipline. C'est dire tout l'intérêt qu'elle suscite. Toujours à Ben Aknoun, mais du côté des lycées El Mokrani et Amara Rachid, nous croisons d'autres lycéens au discours similaire, grandissant toujoursà l'argument de la langue. A croire que la morosité est contagieuse, ils affichent la même moue et ont la même réaction de désintérêt. Qu'ils soient en lettres ou en sciences, la philosophie ne suscite pas même un soupçon de curiosité chez eux. Une seule élève nous avoue que certains cours peuvent être intéressants dans la mesure où « ils nous apprennent des choses sur nous, comme celui de la personnalité... Quelque peu déçus et imaginant la surprise ou l'inquiétude de bien des philosophes d'antan et d'aujourd'hui, nous décidons, en « ultime recours », d'aller vers des anonymes. C'est donc au hasard des rues et des quartiers que nous allons aborder des jeunes et des moins jeunes, à la recherche de « sagesse ». A El Biar, sur la grande avenue, beaucoup prennent nos questions pour une plaisanterie. Certains reprennent leur chemin sans mot dire, d'autres nous écoutent attentivement avant d'oser une réponse, d'abord évasive, puis détaillée. Un retraité affiche un sourire rêveur avant de nous dire : « ça me rappelle ma jeunesse ! » Et de poursuivre : « Je dévorais tout ce qui me tombait sous la main. On se passait des livres entre copains et un jour je me suis retrouvé avec Zadig ou la destinée de Voltaire, et ce fut une grande découverte. Je crois que je me refusais de me poser des questions essentielles auparavant. Et là, j'en ai pris conscience et j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à la philosophie. C'est une discipline passionnante qui mène autant à la religion qu'au néant. » Trois mètres plus loin, c'est un autre homme entre deux âges que nous abordons. Pour lui, la philosophie devrait être réservée à certaines personnes capables de lui apporter un plus : « À quoi nous servirait de philosopher si on n'a ni le niveau ni les capacités de mener à terme des raisonnements ? Et les bons penseurs ne viennent pas de nulle part. Avant de l'être, ce sont des gens comme vous et moi, qui ont peut-être plus de dispositions, mais surtout qui ont eu la chance de trouver sur leur chemin les bons livres, les bons profs et les bons cours ! » Selon ce monsieur, le désintérêt de certains lycéens d'aujourd'hui s'explique par le fait que l'école ne leur ouvre aucune perspective de raisonnement : « Le niveau est bas et le programme inapproprié, on se retrouve avec de jeunes adultes intellectuellement immatures ! » À Alger-centre, non loin de la faculté,un autre panel, des étudiants en médecine, pharmacie, en traduction, littérature arabe... tous réunis dans un lieu qui, à une autre époque, déversait ce qui allait former l'élite algérienne. Nous approchons plusieurs étudiants et ils ne semblent pas plus que les lycéens s'émouvoir devant la philosophie. « C'est pas mon truc », nous répond un étudiant en médecine. « Moi, ce sont les sciences naturelles qui me passionnent, le reste... », dit-il avant, de continuer son chemin, laissant sa phrase en suspens. Une jeune étudiante nous confie : « Dans l'absolu, ça a l'air d'être très intéressant, mais il faut avoir de la patience pour se pencher de près sur la philosophie. Et puis, je ne vois pas trop à quoi ça nous sert de l'étudier au lycée alors que le programme est élaboré de sorte à ne pas heurter les sensibilités ! Nos profs évitaient totalement la question des croyances religieuses vues par les philosophes. Le programme aussi. » Mais a-t-elle fait l'effort d'éclaircir ces questions en dehors des cours ? « Non, j'avoue que je ne me suis jamais donné le temps ! », nous répond-elle. Sur le trottoir d'en face, nous abordons un jeune homme. Il s'avère qu'il n'est pas un étudiant. « La philosophie suscitait en moi beaucoup de curiosité dès le lycée. Plus tard, cette curiosité s'est transformée en nécessité, j'avais besoin de trouver des réponses à un tas de questions qui me turlupinaient le cerveau et seuls des philosophes pouvaient me donner des explications ou, du moins, un début de réponse », nous explique-t-il. « Philosopher, c'est chercher l'essentiel inaperçu », écrivait Alphonse Gratry, peut-être beaucoup ne s'en rendent pas compte encore. Dans le langage courant, pour de nombre d'Algériens, « philosopher » est utilisé avec le sens de « déblatérer », « radoter », « déraisonner », voire même parler de choses qu'on ignore totalement. En parler serait déjà un bon début si ce n'est que le terme de de philosophie reste assez péjoratif...

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