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« La faim, arme de destruction massive… »
Jean Ziegler. Rapporteur de l' 'ONU pour le droit à l'alimentation
Publié dans El Watan le 24 - 05 - 2007

« Un homme d'Etat pense aux générations futures, un politicien à la prochaine élection. »
Freeman Clarcke
Cent mille personnes meurent de faim ou de ses suites immédiates tous les jours. Pourtant, la FAO indique que l'agriculture mondiale, dans l'état actuel de ses forces de production, pourrait nourrir sans problème 12 milliards d'êtres humains, soit le double de la population actuelle.
Conclusion : tout enfant qui meurt de faim est assassiné. Il n'existe aucune fatalité. L'avenir est sinistre. Tel est le constat dressé par Jean Ziegler, sociologue et rapporteur des Nations unies pour le droit à l'alimentation. Mais Ziegler ne se limite pas à ces affirmations, en partant en guerre contre les sociétés transcontinentales privées, accusées d'entretenir la famine, de détruire la nature et de subvertir la démocratie. Cette prise de position a été consignée dans un livre, l'Empire de la honte, où l'auteur fustige l'ordre meurtrier du monde « qui provoque la honte non seulement chez ses victimes, mais aussi chez nous Occidentaux, dominateurs qui sommes complices de cette hécatombe, conscients, informés et pourtant silencieux, lâches et paralysés ». En fait, il désigne l'empire des entreprises transcontinentales privées dirigées par les cosmocrates. Les 500 plus puissantes d'entre elles ont contrôlé, en 2004, 52% du produit mondial brut, c'est-à-dire de toutes les richesses produites sur la planète. Jean Ziegler est connu pour être un agitateur patenté. Suisse, essayiste, rapporteur de l'ONU pour le droit à l'alimentation, bête noire des Américains et grand admirateur des philosophes des Lumières, il pourfend, depuis 30 ans, l'ordre mondial. Même l'ONU pour laquelle il travaille n'échappe pas à ses critiques. « L'Organisation est, aujourd'hui, à terre. Le Secrétaire général est paralysé. Les Américains dictent leurs lois. On redéfinit la torture, qui ne sera plus synonyme de douleur mais sera réduite au concept de mutilation permanente, on rend possible la guerre préventive en redéfinissant l'article 51, l'aide au développement n'est plus une obligation internationale, puisqu'on efface toute référence au fameux 0,7% du produit intérieur brut, et elle est laissée entre les mains de l'humanitaire. Le programme alimentaire mondial a vu son budget réduit de 30% entre 2003 et 2005. Sur des points essentiels, les droits de l'homme, la sécurité collective et l'aide au développement l'ONU a perdu ».
Révolutionnaire ou révolté
Subversif, franchement provocateur, excessif, Ziegler tient-il ce comportement de sa jeunesse bourgeoise, influencé aussi par l'abbé Pierre qu'il connut à la fin des années 1950 à Paris ?. « Dès la première conversation, il m'a impressionné profondément. Pour la vie. L'homme est d'une formidable intelligence, d'une rayonnante chaleur humaine. C'est un des très rares chrétiens dignes de ce nom que j'ai connus. » A 20 ans, il se disait allergique à toute contrainte imposée par une hiérarchie et que toute forme d'obéissance lui hérissait le poil. Et puis, il y a eu l'influence de la révolution cubaine à laquelle il souscrivait et qui a certainement influé sur ses comportements futurs. « J'ai connu le Che à Cuba. Et lorsque, une dernière fois, de passage à Genève où il a séjourné, j'ai été le voir en lui demandant la permission d'émigrer à Cuba. il m'a alors, du haut de la colline du grand Sconnex, montré la ville de Genève. Il m'a dit : « Tu vois cette ville ? C'est ici le cerveau du monstre, c'est ici que tu dois te battre ». J'étais évidemment vexé ! Je croyais que le Che me prenait pour un petit bourgeois dont la révolution cubaine n'avait pas besoin. Mais aujourd'hui, je sais que le Che avait raison. Qu'il m'a opposé un refus de sa voix ironique, chaleureuse par amitié et par juste connaissance de la stratégie du combat. » Sur un autre plan, Ziegler confie que le couple Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre lui ont mis le pied à l'étrier dans le domaine de l'écriture en recevant d'eux l'armature théorique de son combat. En publiant, à son retour du Congo, son premier texte dans sa revue les Temps modernes, et en le corrigeant de sa main, Sartre lui a ouvert les portes de la grande édition parisienne. « Il m'a appris l'écriture. Grâce à lui, j'ai compris qu'un livre pouvait être une arme pour aider à changer la conscience des hommes ». Cette arme, Ziegler, le sulfureux pèlerin, l'utilise aussi à travers ses livres où il évoque souvent « l'agonie du droit », qu'il explique par la guerre préventive sans fin, l'agressivité permanente des seigneurs, l'arbitraire, la violence structurelle régnant sans entraves. La plupart des barrières du droit international s'effondrent. Les cosmocrates sont au-dessus de toute loi. Bien plus, ZIegler situe le siège décisionnel des Nations unies dans « le sous-sol de la Maison-Blanche ». Cette affirmation, qui peut paraître excessive, est revendiquée par son auteur qui s'appuie sur un long argumentaire pour la justifier. « La guerre en Irak, soutient-il, en est la plus puissante illustration. Cette guerre s'est faite en violation totale du droit international. Les grandes sociétés pétrolières texanes, dont M. Bush et son gouvernement sont la création, puisque sa fortune vient de là, que Condoleezza Rice était chez Chevron, que Dick Cheyney était le président de Halli Burton, voulaient contrôler les deuxièmes réserves pétrolières du monde. Elles ont donc organisé le hold-up contre l'Irak de mars 2003, en avançant un argument qui était un pur mensonge dès le début, même selon la CIA. C'est l'empire contre les nations, l'arrogance contre la raison, la force contre le droit. » Ce qu'il qualifie d'arme de destruction massive, c'est la famine qui touche les pays les plus pauvres. Son expérience onusienne lui a encore ouvert les yeux, puisqu'il voyage aux quatre coins du monde et a pu mesurer la grande détresse de la majorité des populations. Sur le terrain, il reconnaît l'impuissance de l'organisation mondiale pour plusieurs raisons. « Elle est menacée par sa bureaucratie, avec ses 62 000 fonctionnaires, par son inefficacité dans certaines crises majeures. Srebrenica, le génocide du Rwanda, tout cela est impardonnable. Sa charte contient les éléments essentiels de la civilisation. La sécurité collective, la justice sociale planétaire et les droits de l'homme. Or, ces trois piliers sont attaqués par l'unilatéralisme de l'actuel régime américain, qui nie la sécurité collective en Irak, envoie Wolfowitz à la Banque mondiale (avec dernièrement le scandale qui a éclaboussé cette institution) et dénonce la convention sur la torture que les Américains avaient pourtant signée. »
La suisse lave plus blanc
« En ce qui concerne la faim, si les pays industrialisés éliminaient les subventions à l'exportation de leurs produits agricoles, le dumping cesserait. Il faudrait aussi éliminer l'endettement. Les 122 pays du tiers monde, dans lesquels vivent les trois quarts de l'humanité, sont garrottés par une dette extérieure de 2100 milliards de dollars, qui empêche tout investissement social. » En 2003, Ziegler est autorisé à accéder aux territoires palestiniens sous contrôle. C'est la première fois qu'Israël donne son feu vert à un rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation. Le rapport de Ziegler est accablant pour l'Etat hébreu. Dans un opuscule de 25 pages, il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il démontre avec force exemples qu'Israël, parallèlement aux offensives militaires meurtrières, a utilisé l'arme silencieuse de la faim, de la mort douce. Que cette politique de destruction et de fermetures, qui a mis l'économie par terre, empêche les gens d'aller travailler, les paysans d'aller dans leurs champs, « est directement responsable de la lente agonie du peuple martyr de Palestine ». Les membres de la mission menée par Ziegler étaient tout autant scandalisés. « Alors que les médias vous parlent avec une régularité lancinante des assassinats ciblés, des attentas suicide, mais de cette tragédie sourde, lente, de la grave malnutrition qui détruit une grande partie du peuple palestinien, il n'est rien dit. »
Pourfendeur de Bush
Les autorités israéliennes n'ont pas accepté, évidemment, le contenu, le jugeant « politiquement biaisé », accusant Ziegler de s'être livré à une attaque politique qui ne mène nulle part. United Nations Watch, proche des thèses sionistes, accuse Ziegler d'avoir agi sur des critères non objectifs qui n'auraient pas de rapport avec les termes de son mandat et de s'être servi de sa position aux Nations unies comme d'une tribune politique pour attaquer Israël. Cette association ne demande ni plus ni moins au secrétaire général de l'ONU et du haut-commissaire aux droits de l'homme, Louise Arbour, de mettre fin au mandat de Ziegler. United Nations Watch est une ONG basée à Genève qui se dit concernée « par la juste application de la charte des Nations unies ». Elle est gouvernée par un conseil d'administration composé de représentants du congrès juif mondial et d'anciens représentants du gouvernement des Etats-Unis. Ziegler plaide aussi pour l'établissement du droit à l'eau qui soit inclus dans le droit à l'alimentation. Dans son livre, la Suisse lave plus blanc, Ziegler dénonce l'hypocrisie des dirigeants, et notamment suisses, qui ont durci les lois sur les étrangers et le droit d'asile. « La Suisse est une honte absolue. C'est très grave aussi pour l'Europe qu'une telle loi puisse passer. Qu'une République comme celle-là puisse voter une loi fasciste. C'est que quelque chose s'est détraquée dans la conscience collective », résume-t-il. L'Europe, ajoute-t-il, est devenue une forteresse hostile pour les peuples du tiers-monde en réduisant massivement le droit des requérants d'asile. On viole la convention de 1951 de l'ONU sur les réfugiés, mais personne ne lève le petit doigt ! Evoquant le terrorisme, il déclare que le terrorisme d'Etat est aussi détestable que le terrorisme groupusculaire du Djihad islamique ou d'autres fous sanguinaires de ce type. « Ce sont les deux faces d'une même barbarie, elles sont bien réelles l'une et l'autre puisque Bush tue et que Ben Laden tue. » Au journaliste qui lui demandait qu'il pouvait se suffire de son métier de professeur sans s'adonner à cette agitation qui vise des gens qui luttent pour survivre, alors qu'il baigne dans l'opulence, il a répondu qu'il aimait relever les défis. A la suite de la levée de son immunité parlementaire : « J'ai beaucoup de procès sur le dos. Des financiers internationaux, des spéculateurs, des trafiquants, des avocats véreux me réclament des sommes colossales. Je m'endette, j'essaie de résister et je continue d'écrire. L'issue de ces batailles est incertaine. J'ai connu des défaites dangereuses. Des trahisons. Mais aussi beaucoup de solidarité qui me réchauffe le cœur et me donne du courage. ».
PARCOURS
Né le 19 avril 1934 en Suisse, son père exerçait le métier de juge. Après des études à Berne, il obtient sa maturité. En 1953, il quitte la Suisse pour s'installer à Paris où il s'inscrit à l'Institut d'études politiques et à la faculté de droit. Il écrit son premier livre à l'âge de 29 ans. Son titre La Contre-révolution en Afrique. En 1990, il publie La Suisse lave plus blanc. Personnalité de gauche, ses prises de position et sa volonté d'informer (ou de désinformer, selon certains) sur des sujets sensibles lui valent de nombreuses critiques. Ses écrits lui occasionnent de nombreux procès en diffamation. Le Bonheur d'être Suisse est le quatrième ouvrage de Jean Ziegler et le plus personnel. Parmi les livres qu'il a écrits, on citera Sociologie et contestation (1969), Main basse sur l'Afrique (1978), La Victoire des Vaincus, oppression et résistance culturelle (1988), La Faim dans le monde expliquée à mon fils (2000), Les Nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent (2002) et, enfin, L'Empire de la honte (2005).


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