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Gouvernance et défis du développement durable
Responsabilité sociétale des PME algériennes
Publié dans El Watan le 11 - 06 - 2007

La responsabilité sociale ou sociétale des entreprises (RSE) exprime l'étroite interdépendance entre le monde des affaires, la communauté dans son ensemble et l'environnement. C'est devenu un thème récurrent dans la réflexion sur plusieurs sujets d'actualité comme le développement durable, la globalisation des marchés, le management stratégique, la gouvernance d'entreprise, la sous-traitance et son implication sur la responsabilité en chaîne...
La gouvernance d'entreprise n'en serait donc qu'un aspect, en ce sens que cette dernière focalise sur l'aspect politique. Il y a "bonne" gouvernance en cas de transparence de l'équilibre des pouvoirs entre dirigeants et actionnaires, y compris minoritaires et, dans un sens large, partage du pouvoir économique avec la société en général(1). En adoptant une stratégie RSE, l'entreprise intègre, dans un but d'amélioration durable de ses performances économiques, des préoccupations sociales et environnementales à ses activités commerciales et à ses relations avec ses parties prenantes. La notion de parties prenantes couvre tout groupe ou individu, interne ou externe à l'entreprise, qui peut influencer/être influencé par la réalisation des objectifs de l'entreprise, quelle que soit la taille de cette dernière(2). C'est le contexte national et international de l'entreprise qui influencera la manière avec laquelle elle pourra relever les défis de la RSE. Pour qu'elle puisse avoir l'impact le plus efficace en Algérie, la RSE concernera le secteur privé tant individuellement qu'en association avec les entreprises du secteur public. Mais pour que cela puisse concerner aussi les PME, l'Etat a un rôle crucial à jouer. L'adoption d'une stratégie RSE par les entreprises des deux secteurs leur donnera l'occasion d'améliorer leurs performances et de jouer un rôle significatif face aux défis du développement durable du pays. Pour générer des emplois, réduire la pauvreté, améliorer la qualité de la vie, réduire les déséquilibres du développement régional, rationaliser l'utilisation des ressources..., le gouvernement n'a eu de cesse d'en appeler à l'implication du secteur privé, lequel représente 86% du PIB hors hydrocarbures, 40% des industries manufacturières, 95% de l'agriculture, 72% des services et un million de salariés déclarés. Or, l'appel aux seuls bon vouloir et patriotisme restera sans écho. Certes, l'Etat a juxtaposé un grand nombre de mesures pour faciliter l'efficacité des entreprises. Mais ces mesures ne pourront suffire sans une stratégie RSE comme on le verra. De son côté, le milieu des affaires est globalement conscient de ces défis. Donner à la société n'est d'ailleurs pas nouveau pour les Algériens et leurs entreprises, qui ont une grande tradition de générosité et une expérience pratique de soutien social. Il est essentiel de souligner à cet égard que la position des chefs de file algériens du secteur privé des affaires est positive sur l'importance de la RSE pour la santé des affaires et de la société. M. Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises, lequel regroupe de grandes et petites entreprises publiques et privées, nous l'a formellement confirmé lors d'un entretien. Il s'est exprimé plus récemment(3) pour réaffirmer le rôle des "valeurs ancestrales de notre société en matière de solidarité". Cependant, ni l'appel des pouvoirs publics ni la conscience et la conviction des entreprises de la nécessité d'un effort en direction de la société et du milieu naturel ne sont suffisants. Ils doivent atteindre ensemble une étape supérieure. Relever les défis de développement durable exige de l'Etat et des entreprises l'adoption d'une approche intégrée au développement humain et à la conservation de nos capitaux environnementaux et culturels. Or, nous soutenons que la RSE traduira les activités entrepreneuriales en stratégie systématique de développement et les rendra plus utiles, plus concrètes, plus efficaces, plus durables et bénéfiques à un plus grand nombre, par la création d'avantages significatifs tant pour les entreprises que pour la société(4). Cette stratégie RSE ne pourra pleinement réussir que si elle est fondée sur nos valeurs(5), ainsi que sur les enseignements de ce qui s'est fait et se fait actuellement ailleurs.
Constats
Du côté des entreprises on remarque actuellement :
qu'elles sont engagées dans les questions sociales davantage que ce qui est rapporté ou révélé par les médias, ce qui a d'ailleurs conduit à les négliger dans les études internationales et les index de repère, donnant l'impression qu'elles ne sont que des bureaux d'import/import (problèmes de visibilité et de confiance) alors qu'elles sont présentes dans tous les secteurs sociaux prioritaires (logement, alimentation, bois et papier, agriculture, communication, bâtiments et travaux publics, commerce, santé...). Il y a donc un déficit informationnel à combler ;
qu'il y a absence de corrélation entre les activités sociales du milieu des affaires, réalisées hors de procédés structurés par une stratégie d'ensemble, et la variété des défis sociaux. Même les plus grandes EPE se contentent d'actions ponctuelles dans le domaine de la philanthropie(6), fondées sur le bon vouloir, ce qui limite leurs effets sociaux d'entraînement et les maintient dans la sphère des investissements improductifs aléatoires. La philanthropie traditionnelle devra donc être plus intelligente, disons rentable, pour s'inscrire dans une politique concurrentielle moderne adéquate ;
que ces activités sociales ne sont pas coordonnées ; elles ne font pas partie d'une stratégie d'ensemble, ce qui limite leur portée malgré l'effort louable de quelques entreprises, qui ont mis en place des systèmes de normes ISO d'autorégulation fragmentée, pesant davantage sur l'environnement que sur le social, sans reporting, sans contrôle externe et sans ambition extra-marketing. Quant à l'Etat, on constate :
qu'il a dopé l'économie par le plan de consolidation de la croissance (140 milliards $ sur 5 ans) et a engagé de nombreuses réformes : relation de travail contractualisée ; baisse de l'impôt sur les sociétés (pas encore sur l'IRG), etc. Néanmoins, d'une part, ces mesures ne sont pas intégrées, elles sont seulement juxtaposées et, d'autre part, elles sont limitées au domaine économique. Par ailleurs, ces mesures se traduisent ainsi : les projets les plus importants sont confiés à des sociétés étrangères sans exiger, sur les cahiers des charges, l'association des entreprises locales afin de permettre l'accumulation de l'apprentissage, de l'expertise et du savoir. Les sociétés étrangères ont donc la main libre pour sous-traiter à l'étranger ce qui peut se faire sur place. Et l'entreprise étrangère qui termine son contrat s'en va, et nos PME restent au même stade. De plus, l'Etat reste insensible au fait que les capacités des entreprises locales restent atrophiées par un marché où les paramètres compétitifs sont faussés : secteur informel, contrefaçon, dé-qualification professionnelle, méthodes bureaucratiques de l'administration, laquelle offre de multiples résistances au changement, rétention d'information, avantages discriminants au profit de l'investissement étranger, incertitude juridique, corruption, archaïsme de l'appareil judiciaire... Il ne s'agit surtout pas de ''légiférer'', il y a déjà un encombrement de textes épars, contradictoires et sans idées générales de synthèse ;
que les mesures prises sont handicapées par l'absence de leur pendant social. Or, la quasi totalité de la trentaine de conventions internationales ratifiées ces dernières vingt années obligent l'Etat à les respecter : conventions sur les droits de l'homme, conventions sur la biodiversité et la protection de l'environnement, conventions économiques, y compris celles contre la corruption, le blanchiment, l'association avec l'Union européenne... Or, dans leur totalité, ces conventions traitent directement ou indirectement de la RSE sans que l'Etat ne les ait traduites à l'usage du monde des affaires, du moins dans leur aspect social ;
que la vision des pouvoirs publics, bien qu'elle ait favorablement évolué en faveur de la promotion et du développement de la PME, notamment avec les facilitations administratives en faveur des PME(7) par la création d'organismes, n'est pas à longue portée en l'absence de l'intégration d'une RSE nationale à différentes facettes. De plus, les PME ne sont pas suffisamment ciblées par les fonds sectoriels (développement agricole et rural, environnement, énergie, emploi, formation professionnelle, recherche et développement technologique) et ceux ayant vocation proactive, comme le fonds national pour la maîtrise de l'énergie, qui accorde des prêts non rémunérés aux investissements ayant une efficacité énergétique ou le fonds pour la formation professionnelle continue et l'apprentissage. Ces constats ne sont pas nécessairement des critiques. Ils illustrent plutôt l'argumentation selon laquelle, dans le contexte algérien, l'engagement du milieu des affaires pour la RSE et la dynamique le conduisant ne prendront nécessairement appui - à l'inverse des entreprises des économies développées - ni sur l'argument purement volontariste de l'auto-régulation par des codes de bonne conduite et des chartes éthiques, ni sur celui de la pression de la société civile nationale et internationale. Et s'il est heureux de constater qu'il n'y a pas, comme c'est le cas dans d'autres pays, de mouvement conflictuel entre la société et le monde des affaires, il faut reconnaître que la conscience de leur interdépendance n'est pas mise suffisamment en avant. D'autre part, en réalité, la majorité des chefs de PME est plus contrainte, nonobstant sa conviction sur le bien fondé de la RSE, aux reflexes de survie que motivée par les besoins de développement. Par conséquent, le succès d'une stratégie RSE est tributaire, là aussi, de l'implication concrète et ciblée d'autres acteurs, et principalement de l'Etat par tous ses organes : législatif, exécutif et judiciaire. Cela ne signifie pas que l'Etat devra imposer un "modèle" unique de RSE, ni même qu'un tel modèle soit possible ou souhaitable. L'Etat devrait plutôt libérer en priorité l'initiative RSE dans les milieux d'affaires par l'adoption d'une position pragmatique de réduction systématique des incertitudes et des obstacles. Certains de ces obstacles sont liés à l'outil du travail, comme par exemple celui du foncier où il ne s'agit pas de "vendre des terrains au dinar symbolique", ce qui ne ferait l'affaire que des spéculateurs. Il s'agit par contre de produire des zones industrielles viabilisée et... viables (aménagements, routes d'accès, VRD, électricité, transport, eau, espaces verts...). Le terrain industriel n'existe pas dans la nature : on le produit. De plus, son usage n'est pas tributaire de la propriété, et l'Etat peut utiliser la location, le co-investissement, la cession pour des projets d'utilité publique. L'Etat devra innover dans la chasse et l'élimination des éléments d'incertitudes et des obstacles au développement.
Actions concrètes
L'action concrète de l'Etat contre ces différents obstacles se fonde sur la compréhension de la légitimité des motivations du dirigeant-propriétaire d'entreprise, forme prédominante dans le secteur privé algérien. Pourquoi l'opérateur privé algérien est enclin à se concentrer sur les risques à court terme pesant sur son patrimoine ? Non seulement le propriétaire-dirigeant-entrepreneur d'entreprise risque son propre argent, mais, en tant qu'acteur du changement, il est contraint à la paralysie sociale. Il est obligé de diriger son énergie sur les performances économiques à court terme. Et si en raison des limites de ses moyens de compétitivité il licencie, ou réduit les coût salariaux et fiscaux, l'explication est simple. Dans le processus décisionnel entrepreneurial, la relation entrepreneur/parties prenantes est moins une relation de partenariat qu'une relation de dépendance à l'égard des ressources. En effet, les actions et performances de l'entreprise sont jugées et appréciées selon des critères définis par des acteurs externes prépondérants (administration donneuse d'ordre ou régulatrice, banques, créanciers, fournisseurs exigeants...). Ceux-ci ne sont d'ailleurs pas souvent les destinataires finaux des produits et des services offerts par son entreprise. La vulnérabilité de la PME est le besoin en ressources. L'information étatique en est une. Dans le contexte algérien, les PME les plus importantes manquent de chiffres et de statistiques crédibles, ainsi que d'analyses sérieuses utilisables dans leurs affaires, notamment en ce qui concerne le contexte social et environnemental. En l'absence des évaluations et des études sérieuses de la situation, toujours mouvante en raison de la transition, il est difficile de faire de la prévoyance, ce qui handicape la portée de l'intégration de la RSE dans une formulation de stratégies d'entreprise. Il y a également une instabilité juridique chronique avec son impact multiforme. D'ailleurs, le processus de production normative n'a pas été critiqué comme il le mérite(8), et reste sous-estimé parmi les défis du développement. La dépendance des entreprises vis-à-vis des ressources au sens général explique la nécessité, pour leurs managers, de fixer en permanence leurs actions sur le très court terme afin d'ajuster le tir, et réduire ainsi les incertitudes qui les entourent et les ligotent. Le chef de PME est donc contraint de garder les yeux rivés sur le guidon tant que les pistes cyclables sont exclusivement réservées aux investisseurs étrangers et aux entreprises de l'Etat.
Une vision stratégique
C'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de donner une cohérence générale au développement tous secteurs confondus, et selon une vision holistique. Le contexte et les conditions courantes du marché algérien rendent les PME ingérables autrement que sur le court terme. Par conséquent, il y va de la responsabilité étatique de mettre en oeuvre les conditions de l'épanouissement des entreprises. Ce n'est pas une invitation à l'interventionnisme. En effet, l'entreprise doit évoluer dorénavant dans un monde aux acteurs multiples ; le mode de relations tripartites où l'entreprise devait discuter avec seulement les représentants des travailleurs et le gouvernement c'est du passé. La qualité intrinsèque de ces relations multiples peut être appréhendée à travers l'exemple de la relation entre les entreprises et le gouvernement. La croissance du nombre des entreprises coïncide avec la tendance générale du retrait du gouvernement de la sphère économique. Le gouvernement privatise et se tient de plus en plus en retrait par rapport à son rôle initial dans l'économie. Ceci a une double implication : les gouvernements sont tenus de penser à des directives visant à assurer la bonne conduite (citoyenne) de l'entreprise ; et les entreprises ont besoin d'identifier et d'évaluer l'importance de l'influence qu'ils ont sur leurs environnements social et naturel et en tirer les conséquences, afin de limiter les risques et maximiser les avantages par une gestion durable efficace. Pour le patronat, les travailleurs ne sont pas les gens d'en face, mais une ressources et, en tant que telle, le partenaire privilégié pour un pacte durable où toutes les parties trouvent leur compte. L'Algérie a donc besoin d'une vision étatique stratégique de la RSE au triple plan : économique, social et environnemental. La RSE est un critère de création efficace et durable de richesses, et constitue l'investissement le plus vital au développement durable. L'Etat a un rôle de facilitateur important à jouer. Le gouvernement et les services publics devront créer de meilleures conditions pour favoriser, encadrer et encourager des initiatives de la RSE. Le message des chefs d'entreprises privées et publiques au gouvernement pourrait être le suivant : les incitations du marché ne sont pas encore là pour encourager des stratégies RSE proactives, et les obstacles bureaucratiques existent toujours pour empêcher l'action volontaire qui contribuerait à la solution de certaines questions sociales et/ou environnementales. L'option pour la solution proactive de questions sociales encoure des coûts sans récompense à court terme, tant de la part du marché - tel qu'il fonctionne actuellement - que du gouvernement. L'environnement est mieux loti bien qu'il reste beaucoup à faire. Pourquoi la politique gouvernementale des marchés publics de travaux et fournitures n'aiderait-elle pas à prendre la bonne direction en décrétant un critère RSE de priorité d'attribution ? A court terme, et puisque le gouvernement a l'opportunité de légiférer très souvent par lois de finances, la politique fiscale devrait innover par des incitations à la RSE. Elle le fait déjà pour l'environnement. Les politiques sociale et économique peuvent certainement trouver le moyen de favoriser la RSE, notamment en encourageant les relations PME/universités et centres de formation professionnelle. C'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de créer des synergies. En fait, cela nécessite que le gouvernement ait lui-même une politique de responsabilité sociétale concrète, c'est-à-dire qui ne se limite pas aux discours (sur le NEPAD par exemple). Le gouvernement peut toujours commencer par aider à fournir la cohérence nationale à un ordre du jour de RSE en soutenant forums, conférences, colloques et plateformes dans tout le pays, et en favorisant la circulation de l'information et l'échange des idées et des expériences sur ce plan. Le séminaire en projet de l'université de Tlemcen sur la Corporate Governance et la responsabilité sociale des entreprises est à saluer, et à multiplier. Sur un autre plan, le manque d'attention gouvernementale aux questions liées à la RSE est aggravé par l'absence de pressions organisées de la société civile dans ce domaine, celle des médias, celle des consommateurs et des travailleurs contrairement à d'autres pays et marchés, où les consommateurs en particulier, et les citoyens en général, ont été les conducteurs principaux du changement de la conduite sociale et environnementale de l'Etat et de l'entreprise. Les médias, syndicats, associations et universités algériens ont donc un important rôle à jouer. Si l'Etat libère les entreprises des grandes entraves et crée le contexte favorable, et si les médias s'intéressent davantage et de facon critique aux aspects sociaux et environnementaux de la vie économique, si les universités s'impliquent par la recherche et la publication de monographies et d'enquêtes de secteurs, les managers des PME et leurs cadres éclairés seraient alors davantage enclins à - nous dirions libérés pour - opter pour une approche RSE proactive. En dépit de ces limites objectives et subjectives, les entreprises algériennes publiques et privées sont en bonne position pour conduire leur RSE dans la bonne direction et assumer, avec leurs devancières, un rôle de premier plan. La responsabilité de l'Etat est de faire en sorte que des managers de PME sortent des leaders. Une PME qui survit dans le contexte algérien est sans aucun doute dirigée par un bon manager. Comment l'aider à devenir un leader ? Le management aide à produire des biens et services selon l'attente des clients, jour après jour, semaine après semaine et mois après mois. Le manager doit avoir une discipline, car pour faire qu'un système fonctionne bien il est nécessaire de lui assigner une discipline, laquelle requiert l'autodiscipline. Cela requiert une grande habilité à solutionner des problèmes concrets complexes. Cela nécessite la gestion de processus pouvant inclure la planification, le calcul de budgets, la création d'une organisation, la mesure, le test, l'investissement, l'exécution sur plans et les recouvrements... Plus il y a de gens impliqués et plus il devient difficile de réaliser ces tâches efficacement. Ce n'est pas donné à tout le monde d'être un bon manager en Algérie. Il faut avoir la capacité de penser logiquement et systématiquement dans une voie linéaire structurée, mais dans un contexte plein d'embûches et d'incertitudes. Le leadership en est différent, car il est fondamentalement tourné vers le changement et n'est pas contraint à se fixer sur l'actuel. Cela demande la capacité de voir loin et de se concevoir dans ce lointain. Les leaders créent les systèmes et les organisations dont les managers ont besoin et, éventuellement, les engagent vers un niveau supérieur, ou mieux les aident à modifier certaines modalités fondamentales d'action afin de bénéficier de nouvelles opportunités. Plus fondamentalement, le leadership crée l'image du futur ou une vision ou encore un sens stratégique qui motive les gens à l'action responsable pour un succès durable. En aidant à l'émergence de leaders, l'Etat facilitera pour chaque manager d'entreprise l'identification des besoins de ses parties prenantes, le classement des priorités des questions à résoudre et, en même temps, à cerner les questions environnementales prioritaires. L'analyse des leaders permettra aux managers de situer le niveau actuel de leur réponse environnementale et sociale, et comment cette réponse est organisée, afin de connaître les lacunes et donc les défis où la RSE peut aider à l'efficacité des entreprises pour le développement durable. Certes, plusieurs chefs d'entreprises pensent que la RSE n'est qu'une question sur la manière de dépenser de l'argent pour des questions qui ne devraient pas être sur l'ordre du jour d'entités commerciales, dont l'objet est de fabriquer du bénéfice pour les actionnaires et autres associés. La réserve prédominante chez eux focalise sur les coûts à court terme de la RSE, même si celle-ci vise la réduction des impacts négatifs des activités sur la communauté et sur l'environnement et, à moyen et long terme, l'assurance d'un bénéfice légitime plus important. Or, il n'y a pas de doute que la santé des affaires à long terme est liée à celle de la société dans son ensemble, et il existe autant de risques à éviter que de niches d'économies à réaliser. Citons une dizaine de risques qu'une entreprise socialement responsable évite et citons aussi une douzaine d'opportunités de gains qui peuvent s'offrir à elle : Les types de risques économiques, financiers, sociaux, juridiques, environnementaux et politiques que l'entreprise ignorant sa RS peut subir peuvent être résumés en vrac comme suit : 1. accroissement des risques de procès (civils, commerciaux, administratifs, criminels) contre l'entreprise et sa direction 2. risque de perte des collaborateurs talentueux 3. perte d'investisseurs potentiels recherchant un investissement éthique 4. capitaux chers auprès des banques et polices d'assurances plus coûteuses 5. déclin de la valeur courante des parts sociales ou actions 6. perte de clients et de partenariat d'affaires 7. perte de possibilités de jouir des procédures de stimulation des commandes et donc de contrats publics et des institutions internationales (Banque mondiale, Union européenne, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, etc.) 8. perte d'associés 9. exposition aux campagnes de dénonciation et aux listes noires 10. perte de valeur de la marque.
Les types d'opportunités que les entreprises ignorant leur RS risquent de perdre sont : 1. réputation de la société, laquelle devient positive avec la RSE, ce qui augmente la valeur des parts sociales ou actions de capital 2. attrait des compétences et des talents supérieurs pour l'entreprise ayant une RS 3. obtention du statut d'associé de qualité aux yeux de toute autre entreprise 4. satisfaction des clients devenant plus fidèles à l'entreprise qui les respecte 5. amélioration de la gestion des risques (juridiques, financiers, politiques, sociaux, médiatiques, etc.) 6. augmentation de la satisfaction professionnelle des employés, et assurance donc non seulement de leur fidélité et de leur identification à l'entreprise mais aussi d'une plus grande productivité 7. accès plus favorable aux marchés monétaires et financiers nationaux et internationaux 8. réduction des primes d'assurances 9. attraction de l'investissement socialement responsable (SRI), qui s'accroît mondialement 10. établissement d'une bonne base de rapports avec les services publics et avec la communauté 11. occasion de mieux gérer ses relations publiques et son marketing 12. contribution au développement de marchés sains et plus stables.
Par conséquent, les grandes PME et les EPE peuvent, sans attendre l'Etat, prendre l'initiative en tant que leaders de leurs secteurs, les seules capables de constituer une force d'entraînement pour le développement durable. Ceci exige de leur part, outre une volonté ferme, une organisation interne sérieuse au plus haut niveau de direction, chacune à son rythme, ainsi qu'une coordination et une collaboration à l'externe dans la même filière ou à travers les différents secteurs. La raison est que certaines entreprises sont mieux placées que d'autres pour défier certaines questions. D'autres questions seront mieux approchées au niveau de tout un secteur ou à travers plusieurs secteurs. D'autres questions encore seront mieux abordées si elles sont laissées au gouvernement ou aux organisations de la société civile. En effet, la stratégie RSE permet d'identifier les besoins et les secteurs sociaux prioritaires où l'entreprise a les plus grandes possibilités d'être efficace à court terme(9).
Chaque entreprise sera contrainte de penser à son devenir. Va-t-elle survivre et durer ou disparaître à plus ou moins brève échéance ? Ses fournisseurs et clients lui exigeront de se déterminer, ses employés se sentiront plus engagés avec une entreprise durable, et seront donc plus productifs en s'identifiant à l'entreprise responsable et, et ce n'est pas la moindre exigence, les générations futures en dépendent ! La RSE présente des opportunités sans précédant pour développer des activités à long terme. C'est le moment pour les chefs d'entreprises de mettre la RSE sur leur agenda. Le lien entre le développement durable et l'entreprise responsable grâce à l'approche des 'parties prenantes' est une opportunité du 21e siècle. Sa traduction par la RSE a eu et continue d'avoir un succès sans précédant. La démonstration en est illustrée par une large pratique des plus grandes entreprises du monde (de 500 à 1000 firmes dont BP, Ericsson, Nokia, Shell, Volvo, Novo Nordisk, etc.) et depuis plusieurs approches, notamment celle de Global Compact des Nations unies. Elle devient l'objectif de la plupart des PME européennes, car c'est la plus efficace méthode de management en matière d'innovation, d'évitement des risques, de création d'opportunités et une source de plus-value et de profit social mutuel. Pour être efficace, l'adoption d'une stratégie RSE algérienne de la part des grandes PME et les EPE doit se baser sur les mêmes techniques de management qu'elles utilisent déjà couramment pour réaliser leur chiffre d'affaires. Elle découvriront que la RSE n'est pas autant une question de coût, de charité ou de contrainte qu'une question d'avantages financiers et sociaux garantis, d'anticipation des risques, de source d'opportunités d'affaires, d'innovation et d'avantages compétitifs. L'effet immédiat est une meilleure image de l'entreprise, ainsi que l'autorisation implicite de la société pour qu'elle fasse durablement du profit légitime. L'adoption de la RSE permet de s'assurer, en outre, le privilège du choix par le partenaire étranger tant pour vendre, pour monter une joint-venture, co-investir que pour sous-traiter. Nos PME seront incontestablement mieux armées pour affronter la rude compétitivité qui a commencé. Pour la RSE des micro-entreprises et petites PME, la première initiative néanmoins reste au gouvernement. A défaut, les perspectives de démantèlement tarifaire suite à l'ouverture économique et la concurrence des PME étrangères et des groupes industriels internationaux risquent de leur être fatales. Leur majorité est peu dotée en ressources, et aussi en connaissances techniques. L'Etat a promulgué une dizaine des lois dans le cadre du développement durable, mais seulement pour son aspect protection de l'environnement(10). La fiscalité écologique existe depuis le 1er janvier 2005(11). Mais sur le plan de la promotion de l'humain, il reste en retard. Or le développement durable repose sur une législation qui porte en même temps sur les trois piliers bien connus : profit (économie) ; population (droits humains) et planète (environnement). Et si le gouvernement a pris des initiatives louables pour l'environnement, l'initiative de développement du profit légitime reste parcellaire(12), alors que celle du développement humain demeure orpheline d'une vision stratégique.
L'auteur est : Avocat au Danemark et au barreau d'Alger
Notes
(1) La notion de ''gouvernance'' doit être prise au sens restreint. Sa dimension prescriptive au sens général occulte les conflits d'intérêts en mettant l'accent sur le consensus local, et ignore les effets de domination de la mondialisation avec la concentration des décisions économiques dans quelques capitales en favorisant le glissement de l'Etat providence vers l'Etat développeur faisant l'apologie du libéralisme.
(2) R. E. Freeman, Strategic Management : a stakeholder approach, 1984, Marshall, M.A. Pitman.
(3) Editorial de la Lettre du Forum des Chefs d'Entreprises n° 68, avril 2007.
(4) Les théories de la RSE fournissent plusieurs grilles de lecture : l'approche juridique place l'entreprise au cœur d'un ensemble de contrats avec ses parties prenantes ; l'approche du management stratégique focalise sur ses réponses aux pressions subies et les facteurs de son adaptation ; l'approche sociologique situe l'entreprise encastrée dans un réseau d'acteurs... Voir quelques-uns de nos articles sur la RSE au website www.lawhouse.biz
(5) Les multinationales adoptent généralement la Déclaration universelle des droits de l'homme comme fondement normatif international à leur politique de RSE. Il n'y a pas de contradiction fondamentale entre cette déclaration et notre sain Qur'an : voir www.lawhouse.biz (lire en particulier notre article : Banques islamiques : l'oeuvre inachevée).
(6) Ce qui étonne le plus est que les EPE qui sont concernées par les questions environnementales, celles opérant dans les secteurs à risque plus élevé, n'ont pas de stratégie RSE mais seulement des velléités sociales.
(7) Fonds de garantie des prêts bancaires accordés aux PME ; Centre d'études et de recherches de la PME pour la gestion de l'information économique des PME ; Caisse de garantie des crédits d'investissements à la PME (Décret présidentiel n° 04-134 du 19 avril 2004) et des mécanismes d'aide et de soutien aux PME et pour la sous-traitance ; Fonds de promotion de compétitivité industrielle dédié à la mise à niveau des PME existant depuis au moins 3 années et employant plus de 20 salariés.
(8) L'inflation législative se fait en vase clos, hors des intéressés directs et sans débats, avec un décalage grandissant entre son volume et son application (incertaine), entre ses énoncés et ses contradictions internes du fait qu'aucun audit ne précède le débat parlementaire.
(9) Il y a en effet des secteurs où les entreprises doivent prêter une plus grande attention à certains aspects plus qu'à d'autres.
(10) Loi 11-99 du 23 décembre 1999 portant loi de finances 2000 et décret-exécutif 192-00 du 16 juillet 2000 fixant les modalités de fonctionnement du compte d'affectation spéciale destiné au fonds de promotion de la compétitivité industrielle (JO 43 du 19 juillet 2000) ; loi 01-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets ; loi 01-20 du 12 décembre 2001 relative à l'aménagement du territoire dans le cadre du développement durable ; loi 02-02 du 5 février 2002 relative à la protection et à la valorisation du littoral ; loi 10-03 du 19 juillet 2003 relative à la protection de l'environnement dans le cadre du développement durable ; loi 20-04 du 25 décembre 2004 relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable ; loi 03-04 du 23 juin 2004 relative à la protection des zones de montagne dans le cadre du développement durable ; loi 09-04 du 14 août 2004 relative à la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable, etc.
(11) Taxe de 24.000 da/tonne de déchets liés aux activités de soin des hôpitaux et cliniques et de 10.500 da/tonne de déchets industriels dangereux stockés. D'autres dispositions fiscales existent depuis les lois de finances de 2000, 2002, 2003 et 2004.
(12) Selon la loi n° 01-18 du 12 décembre 2001 d'orientation sur la promotion de la PME, il y a par exemple des mesures réglementaires qui sont prévues mais qui à notre connaissance n'ont pas encore vu le jour (article 17 pour la passation des marchés publics, qui oblige les services concernés de l'Etat à soumettre une proportion des marchés à une concurrence inter-PME et article 18, qui, dans le cadre de l'habilitation des PME, prévoit des programmes de développement de leur compétitivité conformément aux normes internationales).


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