« Oran mérite d'avoir son grand festival international de musique. » C'est la conclusion à laquelle est arrivée Hadj Méliani, commissaire du Festival national de la chanson raï, qui revient sur cette 17e édition, la deuxième à être organisée sous le sceau de l'institutionnalisation. Une demande va être formulée dans ce sens car, pour lui, il est temps de passer à une étape supérieure, ce qui suppose un budget plus conséquent, des moyens logistiques et une structure lourde de gestion (une boîte de communication professionnelle, par exemple) avec, concernant les jeunes talents (à ne pas confondre avec les amateurs), un travail de prospection plus large qu'il ne l'est en ce moment. Comme arguments, il avance d'abord l'idée que le festival, tel qu'il est, est déjà sollicité et est le seul en Algérie à faire partie d'un réseau méditerranéen, par ailleurs, invité à Barcelone en septembre. Ensuite, il remarque que le Festival du raï de la ville de Oujda, nettement moins ancien que celui d'Oran, est déjà international et, selon les témoignages des chanteurs qui y ont participé comme Zahouania, il serait de haute facture. « On peut très bien concilier l'idée d'une manifestation qui garde son cachet populaire avec un fonctionnement ambitieux », note-t-il au sujet du dernier aspect. Cependant, ce n'est pas l'idée de ramener des stars qui est mise en avant ici car, au-delà du fait exprimé qu'« on aurait aimé ramener Mami », un festival ne peut fonctionner éternellement avec les mêmes têtes d'affiche. L'an dernier, il y a eu effectivement plus d'éclat avec Khaled et, lors du gala de solidarité avec le Liban, Bilal, mais c'est là une exception. Ce qui est considéré comme absurde est, par contre, l'attitude des autorités locales qui, selon le même responsable qui relève le fait que l'APC a cédé le Théâtre de Verdure à titre gracieux, hésitent toujours à s'impliquer dans un événement important pour la population locale. « Dans les textes régissant la manifestation, il est précisé que les instances centrales contribuent à une certaine hauteur (60% contre 40%) dans le financement du festival et le reste devant être pris en charge par les sponsors et les collectivités locales du lieu de son déroulement », précise-t-il, en allant même jusqu'à suggérer que « si cela pose un problème, on n'a qu'à formuler une demande au ministère de la Culture pour sa délocalisation ». Pourtant, son souhait est que l'APC devienne un partenaire réel du festival en proposant plus d'aménagement du Théâtre de Verdure (gradins, stands d'animation, 2e scène au stade Sepsou, etc). Pour revenir à cette édition qui s'est achevée vendredi, M. Méliani cite, parmi les faits marquants, le séminaire organisé en parallèle au festival et qui a réuni 5 chercheurs importants. « L'idée générale est d'installer la réflexion et si cette année on s'est intéressé aux patrimoines musicaux nationaux dans lesquels le raï a puisé, l'an prochain on prévoit de s'intéresser aux patrimoines internationaux », explique-t-il en annonçant, par la même occasion, qu'une brochure portant sur les travaux du séminaire mais aussi sur l'histoire du festival sera éditée dans les prochains jours. L'autre point soulevé concerne le concours qui a eu lieu cette année pendant le festival, contrairement à l'année dernière où il a été organisé hors champs, c'est-à-dire juste avant même le déroulement de la manifestation. « Il reste maintenant, conformément à l'esprit de l'institutionnalisation de l'événement, à aller encore plus loin et de manière plus large dans la prospection en lançant des concours de présélection par wilaya », prévoit-il en précisant que le concours concerne les jeunes talents et non pas les amateurs comme le seraient ceux de Alhane ouachabab. L'autre nouveauté attendue pour la 18e édition sera la « thématisation » comme par exemple les duos, le raï ambiance, le raï trab, etc. Cette année, par un heureux hasard, le thème des passerelles entre générations s'est presque imposé de lui-même avec la participation des chanteurs qu'on peut considérer comme parmi les pionniers du genre. La maladie de Nasro, directeur du festival, a quelque peu perturbé le déroulement de cette édition si ce n'est l'aide apportée par cheb Yazid à la direction artistique. Le chanteur s'est effectivement impliqué dans l'organisation en plus des deux prestations qu'il a assurées en tant que participant. Au sujet de sa qualité de spécialiste du domaine, Hadj Méliani s'est dit être étonné par la prestation des lauréats au concours tant par la qualité que la maturité et constate une véritable présence sur scène, de vrais textes comme chez Houari Baba où la singularité vocale chez Faïza. Le retour au texte par opposition aux « onomatopées » qui caractérisent le raï ambiance développé à une certaine époque est une donnée non négligeable en plus de l'intérêt accordé au show lui-même. « Un certain professionnalisme commence à être adopté dans les prestations des chanteurs qui ont appris à alterner les morceaux, à introduire des tonalités différentes pour garder le public en haleine », explique-t-il en suggérant que des concerts soient organisés à longueur d'année même dans des petites salles pour mieux faire connaître les jeunes. Cette familiarité avec la scène pourrait également avoir des retombées autant sur la qualité des textes que sur l'orchestration. Au sujet de ce dernier aspect, il rappelle que comme beaucoup de chanteurs, Houari Dauphin a beaucoup évolué depuis qu'il ne se produit plus dans les cabarets au profit de la scène. Hormis le fait que le raï reste de son temps s'intéressant aux thèmes du jour, l'autre remarque avancée est l'aspect jeune (15-18 ans) qui caractérise une bonne partie du public qui ont appris (un acte citoyen) à acheter leur billet d'entrée fixé à 100 DA, un choix délibéré. « Ces jeunes que j'ai vu très réceptifs m'ont étonné quand j'ai constaté qu'ils ont appris par cœur plusieurs textes », fait-il remarquer pour introduire le retour de la dimension de l'écoute qui n'est pas incompatible avec l'aspect ambiance et loisir, le but recherché.