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Le vieil homme et l'amer…
Naït Amar Mohamed Tayeb. Ancien militant de la cause nationale
Publié dans El Watan le 16 - 08 - 2007

« Le défaut du capitalisme, c'est qu'il répartit inégalement la richesse. La qualité du socialisme, c'est qu'il répartit également la misère. »
Churchill
On se demande bien pourquoi, mais l'homme qui nous fait face, nous inspire une sympathie contagieuse. La vérité est que Naït Amar Mohamed Tayeb possède une certaine présence.
Ses yeux clairs sont souriants. Volubile, refusant la langue de bois, il sort un peu des stéréotypes conventionnels dans sa manière de penser à voix haute. Il appartient à ce monde qui ne fonctionne qu'à la conviction, l'instinct et les certitudes bien établies. Il parle beaucoup plus des autres que de sa propre personne. Un trait de caractère. Et n'allez surtout pas lui tresser des lauriers pour les sacrifices endurés pendant la guerre, il n'en voudra pas en vous le faisant savoir par un brusque revers de la main. Homme de l'ombre, au regard insondable, il a toujours fui les projecteurs. D'ailleurs, même son nom de guerre, on a du mal à le saisir. Belhadj ? Tahar ? Peu importe. Le personnage, au demeurant chaleureux, est un mélange indéfinissable de familier et d'insolite. Il est né le 24 janvier 1929 à Ighil Ali mais sa famille a aussi vécu à Kalaâ des Beni Abbès. Ses parents ont quitté ces contrées quand il avait 3 ans, pour Khenchela, parce que son père Rabah avait trouvé du boulot là-bas en tant que gérant d'un magasin d'alimentation. Il commercialisait aussi les produits de broderie qu'il affectionnait, « notamment les beaux burnous portés par de notables cossus ou de fiers cavaliers ».
Un dévouement remarquable
Après des études primaires sans accrocs, il est envoyé à l'âge de 16 ans au lycée Carnot de Tunis. Parallèlement, il suit des cours de théologie dans la célèbre université de la Zitouna. « Mes responsables directs à l'époque étaient Abdelhamid Mehri, Mouloud Kacem et Belkacem Zedour. » Titulaire du baccalauréat à Tunis en 1947, il quitte la capitale tunisienne en direction de Paris pour y poursuivre des études de mathématiques. Entre-temps, ses parents quittent Khenchela pour émigrer plus à l'est, à Tébessa. A Paris, Tayeb est à la faculté des sciences. Il n'avait fait qu'une année de mathématiques, lorsque le PPA le prend en charge. « Ce qui m'a obligé à me consacrer entièrement aux activités du parti jusqu'à l'avènement de la lutte de libération en 1954. » « Avant le déclenchement de la guerre, nous avions vécu des discussions très animées en France, entre messalistes et centralistes. Nous avions pris notre parti, celui de l'action avec le groupe de Boudiaf, Chergui, Farès, Yahia, Hamida et les autres. » Le parti PPA les avait déjà prévenus contre les divisions. Ils avaient acquis une conscience politique qui les prédestinait à de hautes charges. Surtout ne pas tomber dans le jeu de l'occupant qui faisait tout pour opposer les uns aux autres dans sa politique de diviser pour régner. Ainsi, il voit dans la crise dite berbériste de 1949 une opération préfabriquée, une tentative de manipulation qui a avorté. De même pour les autres crises nourries par l'obsession du pouvoir et qui ont donné lieu à des luttes fratricides dont les acteurs ont été parfois instrumentalisés par l'ennemi, avec des dégâts humains dommageables « dans nos rangs qu'on aurait pu éviter ». Les purges, les exécutions sommaires, les faux procès, tout cela a marqué cette période où, selon notre interlocuteur, « les intellectuels n'avaient pas la part belle ». Mais ne dit-on pas que la révolution dévore ses propres enfants.
Un homme réservé
La pirouette est vite avalée par un rire profond déclenché beaucoup plus comme une bouée. Qui a dit que le rire est la politesse du désespoir ? Tayeb avait déjà une idée de ce qu'allait être la résistance en adhérant au FLN en septembre 1954 à Tébessa, alors qu'il était en vacances chez ses parents. Là, il a pu rencontrer d'autres amis comme Bendjedou, Sebti, SNP Hamid, Manaâ, Hacène Dadda, Menasria… Tout ce beau monde se trouvait à Souk Ahras autour de Didouche Mourad et Badji Mokhtar. « On est restés dans la ferme de Mokhtar jusqu'au déclenchement. Didouche avait décidé de nous envoyer en France pour renforcer le FLN en perte de vitesse, en tous cas en nette infériorité par rapport au MNA prédominant dans l'Hexagone. Tayeb est parti là-bas pour une année à Nancy avec Manâa qui a été désigné à Paris. Pris entre le feu de la police française et l'acharnement des membres du MNA de le pourchasser sans cesse, Tayeb a subi les affres des uns et des autres. Il ne trouve pas les mots justes pour exprimer ses éclats de mémoire, ses moments de stupeur et de peur, ses secousses de l'histoire ! En 1956, il est envoyé à Bordeaux pour s'occuper de la section estudiantine. Boulahrouf, qui assurait l'intérim de la Fédération de France, est contacté par Boudiaf, à l'effet de relancer l'organisation démantelée. Boulahrouf me contacte à mon tour ainsi que Lacheraf et le professeur Sahli. Lacheraf et moi avons été invités à rejoindre le Maroc où nous sommes reçus par Boudiaf à Tetouan. En vérité, je ne savais pas pourquoi on était là. La réponse ne tarda pas. On devait s'occuper de la publication du journal Résistance algérienne. Comme je n'étais pas fait pour le journalisme, j'ai demandé à aller directement au maquis. La direction m'envoie chez le colonel Belmiloudi, chef de l'armée de libération marocaine, pour nous entraîner avec les djounoud marocains. » « Un jour, le colonel quitte le campement avec ses troupes pour nous le laisser. Ce centre deviendra le premier du FLN à Khemisset. C'est là que je me trouve embrigadé dans le domaine de l'armement sous la férule du Dr Gueniche qui ne devait pas y faire de vieux os, à cause d'un différend avec la direction ; laissant la place à Mansour Boudaoud, frère de Omar, futur responsable de la fédération de France. On me retire de la logistique pour passer au camp de Larache afin d'en être le premier responsable. Je n'y suis resté que 4 mois ! On m'avait désigné responsable de la ville de Tanger. »
Du PPA au FLN
Dans un temps presque immobile, il nous fait découvrir son monde. Il commence une phrase, que son ami, Aïssa Abdessmed dont la présence parmi nous est purement le fait du hasard, compagnon des bons et mauvais jours de combat, termine avec un acquiescement complice. Parfois, la mémoire de l'un vacille et c'est celle de l'autre qui la supplée. Tayeb se ressaisit et raconte entre deux silences — « car, dit-il, ma mémoire me joue parfois de mauvais tours » — les faits qui ont marqué son existence. Mais attention, l'homme n'est pas du genre à régler ses comptes via un déballage public. Trop de respect ; trop de pudeur… Il nous fera part de son rôle de médiateur à propos d'un grave problème en Espagne lorsque des Algériens avaient été arrêtés en possession d'armes. « Le parti m'a désigné pour demander à l'ambassadeur du Maroc à Madrid (ancien camarade d'université) d'intercéder en notre faveur. » Quelque temps après, il est demandé à Tayeb de « liquider » le colonel Omar Beboulaïd, frère de Mostefa. « J'étais interloqué mais résolu à ne pas faire le jeu de certains qui voulaient m'utiliser. J'ai demandé à avoir mon groupe de choc. Je ne pouvais pas laisser aussi ma famille à Tébessa exposée aux périls. Les enjeux étaient clairs. On voulait neutraliser Mostefa et prendre les rênes de la Wilaya I. » « Désigné par Abane, responsable de la fédération de France, Omar Boudaoud m'avait proposé en tant qu'adjoint, mais la direction m'avait affecté à Rome où un bureau du FLN devait être ouvert. Je me pliais à la discipline du parti en rejoignant mon poste. Un jour, un officier supérieur de l'ALN débarque à Rome avec apparemment pour mission de me ‘'corriger'', m'humilier dans l'exercice de mes fonctions. En guise de réponse, mes hommes le ligotèrent sur une chaise et il ne dut son salut qu'à l'intervention de la direction qui se rangea de son côté. Boussouf et Boudaoud me reçurent au Caire après cet incident. J'ai compris que Rome c'était fini, puisque j'étais muté en Allemagne où j'ai travaillé avec mon ami Aïssa qu'on a le plaisir d'avoir aujourd'hui à nos côtés. » Tayeb se souvient avoir de nouveau été menacé par un autre haut dirigeant de la lutte de libération qui avait prononcé la sentence de mort à son encontre.
L'indépendance confisquée
Marquant son attachement indéfectible aux principes, Tayeb ne veut céder la moindre parcelle. Il use parfois de pirouettes avalées par des rires contagieux comme par exemple, « au lendemain de l'indépendance où il a bourlingué sans savoir précisément où il allait ». En 1963, il est au parti en qualité de responsable des relations extérieures. « Je n'y suis pas resté longtemps. Les gens qui rôdaient autour de Ben Bella ne m'intéressaient pas. J'ai profité d'une mission, en fait une invitation de mon homologue pour partir en France et y rester 4 mois. A mon retour, Ben Bella me confie la direction des affaires africaines à la présidence. Je n'ai tenu que 2 mois. Le climat de l'époque ne me plaisait pas alors j'ai préféré tout simplement reprendre ma liberté. » Loin de la politique, Tayeb se retrouve employé chez Fiat Algérie, pendant 3 ans, avant de rejoindre son frère Larbi, chargé de la sécurité aéronautique. Il y restera 2 ans. Puis, c'est le départ pour Oran où il travaillera dans l'import-export avec un ami commandant. « Les affaires ne marchaient pas très bien. J'ai dû revenir à Alger. Depuis quelques années, je me contente de ma petite retraite. » Des regrets ? « Pourquoi donc… quand l'amour de la patrie vous prend aux tripes à l'âge de 15 ans, quand vous savez ce que militance veut dire, la lutte pour la liberté et la justice, vous ne vous posez plus de questions ! C'était une époque, un contexte et une cause juste à défendre. On l'a fait sans regrets et sans état d'âme », tranche-t-il. Mais tout ce militantisme, tous ces sacrifices ont-ils ouvert des portes ? « Sincèrement, je ne m'attendais pas à ce que la trajectoire soit celle qu'on a suivie, malgré nous, depuis l'indépendance. Celui qui avait écrit, je crois que c'est Ferhat Abbas L'indépendance confisquée, n'avait vraiment pas tort. Pourtant, dans ma prime jeunesse, je ne portais pas dans mon cœur cet homme qui ne défendait que mollement l'indépendance de l'Algérie. Par la suite, j'ai eu le privilège de le connaître. C'est un grand homme, un visionnaire qui avait entièrement raison. » Puis, Tayeb de replonger dans son monde. Pas la peine de s'attendre à des révélations. Et en plus, il nous avertit : « Tout ce qui a été dit, gardez-le pour vous. »
PARCOURS
Naït Amar Mohamed Tayeb dit Belhadj est né le 24 janvier 1929 à Ighil Ali, dans la Petite Kabylie. Elève studieux, il fera le lycée Carnot de Tunis avant de poursuivre ses études de mathématiques à Paris dès 1948. Bon bilingue, il a des connaissances très poussées en théologie, résultat de son passage à la fameuse université Zitouna de Tunis. Bachelier en 1947, il est vite repéré par le PPA qui l'engage et le forme. En 1953, il participe au Festival de la jeunesse et des étudiants à Bucarest en Roumanie. C'est un cadre accompli qui s'engagera dans la lutte, dans les différents postes où il a été désigné notamment au Maroc, en Italie et en Allemagne. A l'indépendance, Tayeb ne restera pas longtemps dans le giron de la politique, « domaine de croche-pieds et des intrigues ». Il n'a aucun regret et se dit prêt à refaire le même itinéraire s'il en était besoin. Cela ne l'empêche pas d'avoir un regard critique sur l'Algérie de 2007 qui « aurait certainement mérité mieux ».


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