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Maurice tarik maschino, bonheur et déception d'un européen
Algérien malgré tout
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

Maurice Tarik Maschino, militant de l'indépendance de l'Algérie, ancien professeur de philosophie à Alger et journaliste à la radio, consacre à cette Algérie, à laquelle il est profondément attaché, un livre de mémoires et de souvenirs, L'Algérie retrouvée, sorti le 10 mars 2004 aux éditions Fayard.
Le livre sera vraisemblablement coédité en Algérie. Il prépare un autre ouvrage de témoignages sur l'Algérie. Maurice Tarik Maschino et son épouse Fadéla M'rabet, interdits d'antenne et de presse après la publication par Fadéla M'rabet de La Femme algérienne en 1965 et Les Algériennes en 1967, quittent l'Algérie en 1971. Né à Paris, Maurice Tarik Maschino se rend au Maroc, alors qu'il a 19 ans, en 1956, où il occupe son premier poste de professeur de philosophie au lycée d'Azrou. Tout en enseignant, il poursuit ses études. A Azrou, il découvre « les réalités algériennes ». Il s'engage politiquement en écrivant sur l'Algérie et sur la guerre, à la fois dans le journal marocain Démocratie et dans Résistance algérienne. Il entre dans la cellule du FLN d'Azrou. « Le sursis militaire que j'avais m'a été retiré. J'ai été inculpé d'atteinte au moral de l'armée et à la sûreté de l'Etat. J'ai été convoqué à Oran, mais je ne m'y suis pas rendu. Le Front m'a alors envoyé à Tunis où j'ai enseigné et travaillé à la radio. En même temps, je travaillais à El Moudjahid avec Rédha Malek et Ali Boumendjel », nous dit-il. Le 4 juillet 1962, il vient en Algérie. « Je suis allé voir directement Ben Bella que j'avais connu à Tunis. Ben Bella m'avait demandé de continuer d'enseigner et m'avait envoyé voir le responsable de la RTA. J'avais une émission à la radio à laquelle était associée Fadéla que j'avais connue en 1963. Après le coup d'Etat, on a été interdits de presse. On nous accusait de corrompre la jeunesse. » Mais qu'est-ce qui t'attache à ce pays ? », me demandent souvent des amis algériens, qui n'ont qu'une hâte : obtenir un visa, s'installer en Europe. Et de m'énumérer tout ce qui les pousse à partir : l'absence de démocratie, le népotisme, la corruption, la dégradation des villes et des paysages... Sans doute. Je les écoute, les comprends, mais ne les suis pas : leur Algérie n'est pas la mienne. Ou plutôt, c'est dans un tout autre contexte que je l'ai découverte et aimée, et malgré tous les maux qui l'accablent, elle me reste chère. A cause de ce qu'elle a été, de ce qu'elle est aussi - et qui ne se réduit pas à la nature de son régime - à cause enfin de ce qu'elle m'a donné et m'offre encore. Tout commence en 1956 quand, jeune professeur à Azrou (Maroc), je découvre, en lisant la presse, en parlant avec mes collègues algériens, de quelle façon l'armée française torture et massacre un peuple qui se bat pour être libre. Scandalisé, je dénonce cette guerre dans la presse marocaine, rejoint la cellule FLN d'Azrou, collabore à Résistance algérienne, publiée à Tétouan, et qui deviendra plus tard El Moudjahid. Lorsque les autorités françaises annulent mon sursis, m'inculpent d'atteinte à la sûreté de l'Etat et m'appellent sous les drapeaux, je refuse, explique pourquoi dans la revue de Sartre Les Temps modernes et m'insoumets. Craignant que la gendarmerie militaire, encore présente au Maroc et déjà à mes trousses, ne me kidnappe, le Front m'envoie en Tunisie où, tout en enseignant, je collabore à El Moudjahid, avec Rédha Malek, Ahmed Boumendjel et Frantz Fanon et assure à la radio tunisienne une émission consacrée à l'Algérie. Juillet 1962 : jour de gloire, jour de joie. Parce que l'Algérie est libre, bien sûr, et parce que se rejoignent et se confondent, dans un même élan, un même enthousiasme, une histoire singulière et une épopée collective. Joie de se sentir participer à la construction d'une nouvelle cité, où il est évident, pour mes amis comme pour moi, que j'ai ma place. Une famille algérienne, d'ailleurs, n'est-elle pas prête à m'accueillir ? En 1963, j'épouse Fadéla - qui deviendra quelques années plus tard Fadéla M'rabet, la première féministe de son pays -, acquiert la nationalité algérienne et m'engage, plein d'ardeur, dans « la construction du socialisme ». 1962-1965 : ce sont les plus belles années de ma vie. De notre vie. Parce que nous avons le sentiment de participer activement à l'édification d'une Algérie nouvelle, moderne, ouverte sur le monde, généreuse, respectée et à la tête des luttes révolutionnaires en Afrique et en Asie. Parce que, effectivement, sur place, les choses bougent : les paysans reçoivent des terres ; des ouvriers, le dimanche, vont dans les fermes réparer les tracteurs, rejoints souvent par la jeunesse des villes ; de nombreuses femmes, à l'appel de Ben Bella, offrent leurs bijoux au pays. Nous enseignons et travaillons à la RTA, où nous sommes chargés de trois émissions : l'une, quotidienne, diffusée juste avant le journal de 13h - « Cinq minutes d'histoire africaine » -, l'autre, « Les livres et les hommes », où nous rendons compte des ouvrages qui paraissent sur l'Algérie, la troisième, enfin, « Le magazine de la jeunesse », que nous construisons, chaque semaine, à partir des lettres et des demandes de nos auditeurs. Très vite, le « Magazine » devient une tribune où des jeunes filles, des jeunes femmes dénoncent les rigueurs de leur condition. C'en est trop : dès le coup d'Etat du 19 juin 1965, la réaction, qui jusque-là complotait dans l'ombre, se démasque et impose sa loi : nos émissions sont supprimées. Mais Fadéla ne désarme pas et, deux ans après La Femme algérienne, publie chez Maspero Les Algériennes. La presse aux ordres se déchaîne et la couvre d'injures et de calomnies. Sur ordre d'Ahmed Taleb, alors ministre de l'Education nationale, elle est d'abord radiée, puis suspendue pour six mois. C'en est fini de « la fête algérienne ». Pour nous, comme pour tous ceux qui croyaient construire un monde meilleur. Prise en mains par des démagogues qui, sous le couvert de l'idéologie arabo-islamique, la mettent en coupe réglée dans leur seul intérêt, l'Algérie perd la chance historique que son peuple en armes lui avait donnée : accéder, sans autre révolution, à la démocratie, édifier une société juste et égalitaire. Toute espérance trahie, elle rejoint sans gloire la cohorte de ces pays où, sous prétexte de « socialisme spécifique » et de « retour aux sources », une minorité d'exploiteurs ne songe qu'à multiplier ses sources de revenus, accapare les richesses du pays et tient le peuple, bâillonné, sous sa coupe. Mise à l'écart des cadres les plus valables, emprisonnement des militants les plus « dangereux », parti unique, pensée unique : interdits de journalisme, sanctionnés comme enseignants, puis tout juste tolérés, nous décidons, comme tant d'autres, de partir. Mais nous ne coupons pas, pour autant, avec l'Algérie. Dès le lendemain de notre arrivée à Paris, nous allons nous faire immatriculer au consulat... Visites fréquentes de parents, d'amis, d'anciens élèves devenus des amis, tels Mahieddine ou Hassen qui, à chaque voyage, nous apportent des dattes et maintiennent le lien avec beaucoup d'autres, des séjours dans la famille de Fadéla : l'Algérie reste présente - vivante - dans nos pensées et nos cœurs. Pour ma part, journaliste au Monde diplomatique et auteur d'un certain nombre de livres-enquêtes, je mentionne toujours le prénom que j'ai choisi en épousant Fadéla, Tarik, symbole à la fois d'un engagement sentimental, d'un choix politique et de mon appartenance à la communauté algérienne. Lorsqu'en décembre 2002 Le Monde diplomatique me propose d'aller en Algérie faire une enquête sur la politique française des visas, je saisis avec joie cette proposition, et, retrouvant Alger, Bordj El Kiffan, où nous avons vécu, et de nombreux amis, je réalise à quel point l'Algérie m'a manqué. L'Algérie, c'est-à-dire, pour moi, les Algériens. Avec qui je parle le même langage, ai les mêmes souvenirs et partage, sur l'essentiel, la même sensibilité : de mère russe et élevé dans une famille russe, je n'ai jamais eu besoin de m'adapter au Maghreb. Et j'ai retrouvé, chez les Algériens, des façons d'être, de sentir et de réagir que j'ai connues autrefois dans ma famille : chez les uns et les autres, la même spontanéité, la même chaleur humaine, le primat des affects sur la froide rationalité, les mêmes accès de colère et les mêmes explosions de joie, l'absence de cette froideur, de ce maniérisme, de cette distance à l'égard de l'Autre, si caractéristiques de la société française. Une société dont je partage la culture, certes, mais où je ne me suis jamais pleinement intégré. A la différence, précisément, de la société algérienne, où je me sens vraiment parmi les miens. Ce sentiment d'appartenance, je le dois aussi à l'absence de racisme de la société algérienne. On m'a toujours accepté tel que je suis ; mon « origine », mon nom n'ont jamais fait problème (ce qui n'est pas le cas, en France, pour les étrangers naturalisés) ; et après le coup d'Etat de 1965, c'est pour des raisons politiques que des portes se sont fermées - jamais pour une question de « race » ou de provenance. Opposé au totalitarisme de Boumediène, j'ai subi le sort de bien d'autres Algériens. Preuve supplémentaire, si l'on peut dire, que j'étais des leurs. C'est pourquoi, sans doute, le lien qui m'attache à l'Algérie ne se rompra jamais : il est beaucoup plus existentiel que politique ou intellectuel, il tient à ce je-ne-sais-quoi qui nous attache indéfectiblement à un être, même si son comportement est parfois décevant, stupéfiant ou insupportable. Depuis deux ans, j'ai le sentiment que ma vie, notre vie, se recentre. Et que l'Algérie y tiendra une plus grande place encore. Invitée aux deux derniers Salons du livre - publiée par Balland, Une enfance singulière a été également éditée par l'ANEP -, Fadéla est enfin réhabilitée et reconnue. Quant à moi, dont le dernier livre, L'Algérie retrouvée, a également été publié par Fayard, puis par l'ANEP, je compte bien réserver à l'ANEP l'exclusivité du prochain : sans l'avoir délibérément voulu, je me suis aperçu, en le terminant, que je l'avais d'abord écrit pour un public algérien. Reste à inventer maintenant d'autres façons, plus régulières, plus actives, de renforcer le lien qui m'unit à l'Algérie. De quelle façon, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que notre histoire continue.

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