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La détresse des mères
El Arsa
Publié dans El Watan le 12 - 12 - 2007

Ils auront décidé d'y aller par petits groupes afin de passer inaperçus l Ils ont certainement recourus au service d'un taxi clandestin, afin que personne ne retrouve leurs traces.
La semaine dernière aura été sans doute la plus triste pour ce quartier historique de Mostaganem. En une seule nuit, il venait de perdre 5 de ses plus chers enfants. Ceux dont l'âge ne prédispose à aucune déprime, ni à aucune sorte de fatalisme. Vivant dans une insoutenable banalité, ces jeunes dont certains ne s'étaient même pas débarrassés définitivement des soubresauts de l'enfance, avaient soudainement franchi le seuil de l'intolérable mal vie qui fait tourner la tête aux plus endurcis. Habitant depuis toujours ce quartier qui a pourtant une si glorieuse histoire,- faite de bravoure et de bravades-, Nordine, Abed, Mustafa et les autres se seront fait le serment de quitter ensemble, par cette froide nuit automnale où la mer semblait si calme et si douce, le quartier de leur enfance. Ce quartier auquel ils apprendront dès leur naissance à s'identifier et à en être fier. En tout lieux et en toutes circonstances. Cette fierté à fleur de peau qui fera pâlir de jalousie le président Sarkozy lors de son séjour à Tipaza. Cette autre identité de l'Algérien, qui les rend si sympathiques et si émouvants. Car en réalité, ces enfants qui auront grandi trop vite, ne se sentaient plus très à l'aise dans ces minuscules appartement qui datent de l'époque coloniale, mais que tout Arsaoui est fier d'y avoir vécu. Car lorsque l'on naît à El Arsa, on ne la quitte plus pour le restant de ses jours. Elle vous colle à la peau comme une chemise mouillée par la promiscuité et les multiples senteurs qui émanent de ces logements qu'aucun architecte n'osera revendiquer. Avec deux de leurs voisins immédiats, parachutés du quartier d'El Hourya, qui n'est en réalité qu'une excroissance périphérique d'El Arsa, ils choisiront la journée du vendredi pour s'en aller dans une discrétion contagieuse, rejoindre la plage de Ouréah qu'ils ne connaissent que de réputation. Distante de 7 km à l'Ouest de Mostaganem, à quelques enjambées du méridien de Greenwich, il faut nécessairement disposer d'un véhicule pour s'y rendre. Afin de ne pas éveiller les soupçons, ils auront décidé d'y aller par petits groupes afin de passer inaperçus. Ils ont certainement recourus au service d'un taxi clandestin, afin que personne ne retrouve leurs traces. Une fois regroupés sur la plage, ils auront jeté un dernier regard vers cette montagne qui leur parait immense. Puis, religieusement, ils auront fait glisser la frêle embarcation vers les flots qui la font déjà tressauter. Puis, un à un, ils se mettront les uns contre les autres, parfaitement tapis sur le fond de la barque afin de ne pas se faire remarquer mais surtout pour réduire les effets de la brise qui commençait à se lever. Une fois le moteur parfaitement vissé à la poupe, c'est d'un geste vigoureux que le passeur tirera sur la corde pour le faire démarrer. Comme pour les rassurer, le moteur ne fait aucune difficulté, il démarre au quart de tour. Puis, lentement, la barque surchargée mettra le cap sur le large. Direction unique, la côte espagnole.
LE DROIT A UNE SEPULTURE
Un dernier regard vers le RN11 dont le tracé s'éclaire à peine grâce à une circulation de moins en moins intense. Puis, c'est le village de « Kosovo » et ses alignements hétéroclites. Jusque-là tout baigne. Voilà que le moteur commence à toussoter rageusement. Soudain, c'est le silence total. Le passeur tente fébrilement de le réparer. Les harraga commencent à prendre conscience que leur sort est irrémédiablement lié à celui de ce satané moteur qui refuse obstinément de redémarrer. Les vagues qui se font de plus en plus grosses, deviennent vraiment agressives. L'embarcation est en train de dériver. Dans les chaumières d'infortune, les familles qui commençaient par s'inquiéter finissent par se rendre à l'évidence que quelque chose de fâcheux était arrivée. Ce n'est que vers minuit que le bruit commence à se répandre qu'untel n'est pas encore rentré. Mais très vite c'est l'alerte ; on vient de se rendre compte qu'ils sont plusieurs. Très rapidement, l'idée de la « harga » aura gagné le quartier. Rapidement, une veille s'organise autour des familles. Les plus optimistes se mettent à surveiller la météo, frémissant au moindre souffle de vent qui ici annonce toujours la tempête. La nuit est déjà bien entamée ; les paupières commencent à se fermer les unes après les autres. Au lever du jour, tout le monde vient aux nouvelles. La matinée est difficilement bouclée. Mais à la mi-journée, les enfants devraient avoir mis pieds en terre ibérique. Pourtant, aucune sonnerie ne vient rendre un peu de gaîté dans la cité. La nuit tombe sur le quartier sans qu'aucune nouvelle ne parvienne d'Espagne, ni d'ailleurs. Le doute qui s'installe lentement dans les esprits gagne maintenant toute la cité et sa périphérie. On guette la moindre information sur les TV satellitaires. Rien de ce côté non plus. L'anxiété cède face à la panique. Les regards sont de plus en plus graves, les mines de plus en plus défaites et les discussions sur le sujet deviennent de plus en plus insupportables. Cela va durer une semaine. Dans les eaux territoriales, les gardes-côtes labourent la mer dans tous les sens. Puis une nouvelle transperce ce silence assourdissant. Une frégate vient d'annoncer le sauvetage in extremis de harraga. C'est la ruée vers le port de Mostaganem. Là, ce ne sont pas que les familles d'El Arsa, il y a également celles venues d'Arzew et de Chlef, à la recherche de leurs enfants portés disparus. A la vue des premiers rescapés, c'est la grosse déprime, ce grand gaillard enveloppé dans un emblème national, transi mais vivant, n'est pas un fils du quartier. Les gorges nouées, les regards fuyants, les cœurs serrés, les familles s'en retournent bredouilles. Pourtant, l'espoir est entretenu lorsque l'on apprendra de source fiable qu'une embarcation serait encore en train de dériver au large. Le commandant de la frégate dira sa détermination à retourner le matin pour tenter de ramener les survivants. Le lendemain, on annonce l'interception d'un zodiac avec des survivants à bord. Encore une fois, un espoir fou renaît à El Arsa. Annoncés à Mostaganem, les rescapés seront finalement débarqués à Oran. Ce n'était pas le groupe d'El Arsa. Dans la soirée, c'est une bien triste nouvelle qui fait le tour du quartier ; un navire hollandais avait fait un sauvetage au nord de Cherchell. Très rapidement, des informations très précises sont données aux familles qui sont définitivement plongées dans un insoutenable deuil. De toutes les chaumières d'El Arsa et d'El Hourya, les cris et les larmes déchirent le silence de la nuit. Le plus surpris sera certainement cet ami d'un disparu qui venait de recevoir un appel sur son portable. Il hurla le nom de son ami lorsqu'à l'autre bout du fil une voix inconnue lui fera savoir qu'il venait d'aider à l'identification de celui qui n'avait gardé que sa « puce » dans l'espoir de l'utiliser une fois arrivé en Espagne. Après une semaine d'insoutenable attente, le quartier venait de prendre conscience que ses enfants n'avaient pas survécu. Une marche spontanée a bien été organisée pour réclamer un peu d'attention de la part de la République. Leurs amis désemparés ne comprennent pas pourquoi aucun officiel n'est venu leur témoigner la moindre compassion. Depuis, la joie aura quitté ce quartier si sympathique. Jusqu'à quand ? Nul ne le sait. Il y maintenant 15 jours que ces fils du quartier sont partis. Tout semble si dérisoire du moment qu'ils n'auront même droit à une sépulture. C'est pourquoi, El Arsa éprouve tant de difficultés à oublier et à pardonner.


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