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Parution. Une anthologie -événement
L'aventure des sens
Publié dans El Watan le 28 - 02 - 2008

Le bilan éditorial de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe reste à établir. Mais ne convient-il pas déjà d'y distinguer dans ses nombreuses productions de rares initiatives ouvrant des perspectives critiques sur l'histoire littéraire algérienne de langue arabe ?
La réédition par l'écrivain et universitaire Abdallah Hammadi (1) de l'anthologie de Poètes algériens de la période contemporaine de Mohamed El Hadi Zahiri Senoussi (1900-1974), publiée en 1926-1927, devra sans doute recentrer les débats de spécialistes sur la poéticité arabe et sur ses rapports à la modernité. Cette anthologie s'inscrit dans un contexte historique de définition d'un nouvel objet littéraire arabo-berbére-musulman. En 1907-1909, Belqacem Hafnaoui, brillant érudit et interprète principal du gouvernement général, qui cultivait une intelligente proximité intellectuelle avec le gouverneur Célestin-Charles Jonnart, proposait la toute première synthèse de la pensée indigène en langue arabe. Sa Biographie des savants musulmans de l'Algérie, du IVe siècle de l'Hégire à nos jours, publiée à Alger par l'éditeur-imprimeur Fontana, reste impressionnante par le nombre d'auteurs qu'elle recense : pas moins de quatre cent, et pas seulement dans le domaine encombré de la glose religieuse ! L'événement était à saluer. Cette ébauche d'une « mémoire algérienne » appelait sans doute et encourageait un « quant-à-soi indigène » devant les multiples incantations coloniales sur la tabula rasa, délégitimant la langue et les expressions scripturaires arabes. Engageait-elle aussi à de salutaires mises en perspectives dans le champ intellectuel musulman ? La somme poétique réunie par Zahiri Senoussi répondait de cette ambition. La période des années vingt n'était-elle pas dévolue aux synthèses constitutives dans le champ littéraire éclaté de l'Algérie ? A quelques foulées d'un siècle colonial qui charriait les cadavres et les décombres, Louis Lecoq prenait l'initiative, en 1921, de regrouper sous les auspices de l'Association des écrivains algériens treize poètes algériens, introduits dans une stricte obédience algérianiste par Robert Randau, et, en 1925, Notre Afrique, anthologie de conteurs africains (Paris, Monde moderne) était préfacée sans équivoque par Louis Bertrand au bénéfice d'un génie latin qui tirait dans cette ultime entreprise ses dernières salves. La réponse algérienne tardait-elle ? Elle était portée par un jeune homme de vingt-six ans, venu des confins sahariens, de Liana, dans le ressort administratif de Biskra précisément. Des photographies aux trames presque passées le représentent serré dans un étroit paletot de serge brune, une cravate damassée étranglant son col de chemise. À la mode de ces étranges dandys indigènes que le mufti Benelmouhoub ne finissait pas d'accabler de sa sainte fureur.
Un sens audacieux de l'histoire
En partant pour Tunis, avec pour tout bagage un manuscrit de poèmes pieusement recueillis auprès de jeunes hommes de sa classe d'âge et de quelques aînés particulièrement ombrageux, Mohamed El Hadi Zahiri Senoussi ne savait pas qu'il s'apprêtait à écrire la plus belle page de l'histoire littéraire algérienne. Sous son impulsion, la littérature moderne algérienne de langue arabe naissait. Elle pouvait revendiquer non seulement des noms aux parcours bientôt prestigieux, mais surtout une éthique littéraire. Vingt et un poètes figurent dans l'anthologie de Senoussi. Il se dégage de leur parcours dans la vie et dans la poésie, qui étaient chez eux d'une commune mesure, ce sulfureux parfum de l'aventure des sens, de tous les sens. Et au premier plan, un sens audacieux de l'histoire coloniale. Osons un classement, par simple commodité, car les destinées et les productions de ces auteurs restent singulièrement sinueuses. Dans cette recension, deux noms restent résolument atypiques qui appellent d'autres références socio-historiques et culturelles : Mohamed El Mouhoub Benelmouhoub (1863-1935), Mohamed El Ghazali Kateb (1873-1943), appartiennent davantage par leurs itinéraires à l'intelligentsia du tournant des XIXe et XXe siècles, proches d'Abdelhalim Ben Siam, Ibnou-Zekri, Mustapha-Kamel Belkhodja, Abdelkader Medjaoui, Mohamed Bencheneb, Abou-Bekr Abdesslam, animateurs d'une première nahda algérienne, aux aspirations foncièrement universelles. Ils viennent de cette génération qui fait dans la dernière décennie du siècle, dans ce moment encore propitiatoire de la pause politique, le difficultueux apprentissage de la prise de parole dans la cité coloniale, et, qui entendait négocier des positions reconnues. Leur expérience littéraire rejoint-elle par de semblables questionnements sur l'« être indigène » celle d'Omar Ben Kaddour (1886-1932), curieusement absent dans l'anthologie de Zahiri Senoussi ? Dans le groupe des aînés, retenons aussi les noms d'Ibrahim Abou Yaqdan (1888-1973), Tayeb El Oqbi (1890-1960) et Lamine Lamoudi (1891-1957). Ils sont mieux connus aujourd'hui par leur militantisme politique que par leurs œuvres poétiques aux accents surannés. Leur originalité, il faut la rechercher dans ce qu'exprimaient alors clairement leurs créations : que peut la littérature au regard de la question de l'identité et de la nation ? Ils se font connaître dans l'entre-deux-guerres, à l'enseigne d'un farouche engagement politique. Le gros de cette classe de poètes arabophones regroupés par Zahiri Senoussi, nés au début du XXe siècle, constitue une seconde génération. Il y a certainement chez eux des traits communs. Ils sont presque tous passés par le magistère sourcilleux du cheikh Abdelhamid Ben Badis et de son séminaire à la Mosquée Verte, à Constantine, et ne récuseraient point l'appellation générique de poètes du réformisme musulman. Ahmed Lanasri a remarquablement dit ce qu'étaient leurs héritages littéraires(2). Ces poètes réformateurs gardaient scrupuleusement les acquis de la poésie arabe classique, entre une observance sévèrement contrôlée du maître khalilien et une révérence - quasi idolâtre - à Chawqi et à l'imam Rafi'i. Il n'y a rien dans leurs travaux qui puisse déranger un conservatisme littéraire qui ne fut sûr que de sa toute puissance. Citons quelques noms aux horizons écorchés de ce qui fût à la fois une histoire littéraire et politique, souvent plus politique que littéraire. Chez Mohamed-Saïd Zahiri (1900-1956), Mohamed-Salah Khabchèche (1904-1939), Hassan Boulahbal (1897-1943), Moufdi Zakaria (1908-1977), on relève l'intensité de l'engagement dans le combat islahiste et leurs contributions poétiques étaient naturellement publiées dans les revues de cheikh Abdelhamid Benbadis : El Mountaqid, El Chihab et, plus tard, El Bassaïr. S'écartait-on parfois d'une orthodoxie poétique suspicieuse, mettant en alerte la vigilance du cheikh constantinois ? Fort heureusement, le vénérable cheikh ne se mettait pas dans l'habit funeste du censeur. Certes, il faisait pleuvoir sur les textes poétiques qu'il publiait des notules qui indiquaient la « bonne règle », crânement accrochée à un mimétisme dévitalisé.
Un météore littéraire
Si Mohamed El Hadi Zahiri Senoussi n'a pas intégré dans son anthologie Mohamed Laïd Khalifa (1904-1979) qui avait reçu du cheikh Ben Badis l'onction de « prince des poètes réformistes », il ne pouvait en écarter Ramdane Hammoud (1906-1929), au grand dam des puristes de l'époque. Météore dans le ciel serein de la littérature algérienne de langue arabe, Ramdane Hammoud, diplômé de la Zitouna, fait penser au Tunisien Abou El Qacem Chabbi et annonce le Kateb Yacine de Soliloques (1946). Une idée de révolte, troublant les certitudes les plus enracinées, le guide vers une autre poéticité. Le vers libre y prend ses droits et l'ouverture vers la traduction et les autres cultures littéraires est nettement revendiquée. Les idées novatrices de Ramdane Hammoud —0lecteur et traducteur de Lamennais — devront attendre longtemps pour voir le jour dans son pays. Cultivait-il toutes les outrances pour apparaître comme un vrai moderne ? En 1929, ce jeune homme seul, affaibli par la maladie, s'en allait mourir à Ghardaïa, dans les bras d'une mère aimante. En poésie, il appartenait pleinement à son temps : il était par son refus obstiné des conventions poétiques figées(3) le frère des futuristes russes, des ultraïstes argentins et des surréalistes français. Jusqu'à la fin des années 1940, la poésie algérienne de langue arabe se décline au gré de la seule attente réformiste ; les poètes algériens ne reconnaîtront pour maître que Ahmed Chawqi, lequel Ahmed Chawqi ne trouvera le sien qu'en Victor Hugo. Ce n'était pas la moindre des contradictions de cette histoire de la poésie algérienne de langue arabe naissante que restitue, avec une haute exigence, l'anthologie de Zahiri Senoussi. Et c'est certainement là que réside son intérêt.
1. Constantine, Dar Baha Dine, 2 volumes (334 et 303 pages). 2. La littérature algérienne de l'entre-deux-guerres. Genèse et fonctionnement, Paris, Publisud, 1995 (Cf. 3ème partie, pp. 287-526). 3. Je renvoie ici aux travaux - aujourd'hui oubliés - de Mohamed Mamou Ben Braham : Les cercles métriques, construction artificielle des mètres arabes (1902) et La Métrique arabe (1907), publiés à Paris, chez Leroux.


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