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« Les juges algériens interprètent les lois de façon erronée »
Ahmed Mahiou. Directeur de recherche à l'Institut de recherche et d'études sur le monde arabe et musulman (Aix-en-Provence)
Publié dans El Watan le 08 - 06 - 2008

Interrogé en marge de la rencontre sur les « Savoirs et les Sciences » organisée par l'Institut d'études avancées de Nantes et le Cread, les 31 mai et 1er juin derniers à Tipaza, Ahmed Mahiou, professeur à la Faculté de droit d'Alger, de 1964 à 1990, et ancien doyen, auteur de plusieurs ouvrages et articles, et présentement directeur de recherche à l'Institut de recherche et d'études sur le Monde arabe et musulman d'Aix-en-Provence, a bien voulu répondre aux questions que nous lui avons posées portant sur l'évolution de la justice algérienne au cours de ces 15 dernières années, l'état d'application des textes juridiques, le non-respect des conventions internationales par certains juges comme ce fut le cas lors du procès qui vient de se dérouler à Tiaret, la mise à niveau de la justice et la formation de ses principaux acteurs.
Quel regard portez-vous sur l'Etat de droit en Algérie après plus de quinze années d'absence de votre pays ? Dans quel sens les choses ont-elles, selon vous, évolué ?
Il s'agit plutôt d'éloignement et non d'absence, car je reviens régulièrement au pays, même si la Faculté de droit d'Alger ne m'a jamais invité, et surtout, je lis encore plus régulièrement la presse algérienne, dont je tiens à saluer le courage et les efforts pour informer correctement les citoyens malgré les nombreuses contraintes qu'elle rencontre. En tout cas, l'éloignement permet de prendre du recul, d'observer plus sereinement les événements, même si ma méthode d'observation n'a pas tellement changé. En effet, déjà quand j'étais en Algérie, je me souviens que rien ne m'empêchait de tenir des propos qu'on qualifiait alors de subversifs du temps de la pensée unique. Dans mes cours, je critiquais le système en place, le parti unique et ses abus, les abus de l'administration, notamment le manque de respect à l'égard des libertés publiques, souvent au grand étonnement de mes étudiants dont certains occupaient de hautes responsabilités dans l'administration, y compris les services de sécurité. J'ai toujours gardé cette liberté de pensée, mais avec de la distance, j'observe que l'évolution du droit algérien est assez singulière. On se souvient d'une époque, celle du socialisme, où on voulait révolutionner le droit, mais on sait que les résultats n'ont pas été à la hauteur des espoirs. En fait, aucun système juridique ne s'accommode de changements brutaux ou de révolution, car la mise en place d'un tel système obéit plutôt à une construction progressive dans la rigueur et la sérénité. Nous sommes par la suite revenus aux sources en adoptant le droit classique, en grande partie influencé par le droit français, qui reste la matrice de base de tout le droit des pays du Maghreb. Et ce n'est qu'après être revenue à ce modèle, que l'Algérie tente d'adapter sa législation à divers secteurs ou domaines de la vie nationale, en tenant évidemment compte de certaines particularités propres au pays. Je dirais que, globalement, les textes adoptés en Algérie sont satisfaisants, même si techniquement ils auraient pu être mieux rédigés, plus clairs, mieux ordonnés ; malgré ces imperfections, on peut dire que globalement les règles de droit vont généralement dans la bonne direction, si l'on excepte certains domaines contestables comme le statut de la famille ou le domaine des libertés publiques.
Mais bien souvent pas, ou mal, appliquées…
Le gros problème se pose en effet en termes d'application, non seulement par les citoyens mais également et d'abord par l'Etat lui-même, ce dernier ne respectant pas souvent pas les règles qu'il énonce. A titre d'exemple, après avoir réformé la justice, institué un Conseil d'Etat et des tribunaux administratifs pour séparer la justice judicaire de la justice administrative, la réforme n'est malheureusement pas allée jusqu'au bout de la logique. On a certes créé le Conseil d'Etat — ce qui est bien — mais on n'a toujours pas mis en place les tribunaux administratifs indépendants pour instaurer, à côté de l'ordre juridique judicaire, un véritable ordre juridique administratif ; on continue aujourd'hui à fonctionner avec des chambres administratives auprès des cours. On se pose alors la question de savoir pourquoi on tarde à appliquer une loi qui a pourtant été adoptée depuis fort longtemps. On peut citer bien d'autres domaines où l'Etat ne respecte pas les lois adoptées et cela ne constitue pas un bon exemple pour le citoyen qui est en droit de dire : puisque l'Etat lui-même ne respecte pas les textes qu'il édicte, pourquoi devrais-je les respecter moi-même ? Le respect du droit est tout une pédagogie, c'est quelque chose qui se cultive, c'est une bataille au quotidien, et c'est sans arrêt qu'il faut rappeler qu'on doit respecter les règles de droit. L'Etat de droit ne peut exister vraiment que si le respect du droit est considéré comme important à la fois par les citoyens et l'Etat ; il faut que ce respect soit intériorisé par chacun des acteurs de la vie sociale et politique.
Ce qui se passe dans le secteur de la construction est un bel exemple de non-application des textes de loi…
Le cas le plus flagrant est sans doute celui de la construction, parce que cela se voit et s'inscrit dans le paysage algérien qui apparaît très anarchique. Les constructeurs ne respectent pas les règles d'urbanisme et les contraintes, notamment en empiétant sur le domaine public au point d'empêcher la circulation dans les rues des nouveaux quartiers, en détruisant les espaces verts, etc. Par ailleurs, beaucoup de constructions commencent et s'arrêtent à un certain niveau, laissant les bâtiments à l'état de carcasses épouvantables et inesthétiques. Il est temps de prendre les mesures appropriées obligeant les constructeurs à terminer leur maison dans des délais raisonnables ; mais encore faut-il que l'Etat lui-même donne l'exemple en terminant ses propres chantiers et travaux dont certains ont duré plusieurs dizaines d'années, à l'exemple du métro d'Alger. J'insiste donc sur l'aspect exemplaire du comportement de tous les organismes publics qui sert de « boussole » pour la conduite des citoyens et qui doit donc être correct et cohérent pour inciter les citoyens à agir de la même façon.
On décèle dans ces manquements comme une incapacité de la justice à faire respecter la loi…
Il y a effectivement de grands manquements, de grandes faiblesses de la justice. On sait qu'il y a tout un débat sur l'indépendance des juges, notamment lorsque les dossiers prennent une tournure politique. Il y a parfois des problèmes de compétence et de sérieux de la part de certains juges, des problèmes de corruption qui se manifestent non seulement chez les juges mais également chez les avocats et les différents corps chargés de faire respecter la justice. Ce sont des problèmes débattus régulièrement depuis longtemps, mais les améliorations apportées sont lentes, limitées ou inexistantes. Par rapport à l'ampleur des problèmes, il faudrait sans doute des mesures beaucoup plus drastiques mais justes, car il ne s'agit pas de sanctionner à tort et à travers comme on a tendance à le faire parfois.
Et ce n'est sans doute pas en promulguant de nouveaux textes de loi qu'on pourra pallier ces manquements…
Il y a sans doute des cas où des textes manquants doivent être élaborés, mais il ne faudrait pas trop légiférer également et surtout ne pas produire de mauvais textes. Je prends l'exemple le plus récent du texte promulgué pour apporter des restrictions à la liberté de culte. Il constitue une violation de la Constitution et des obligations internationales de l'Algérie visant à faire respecter la liberté des cultes (protocoles des Nations unies sur les droits civils et politiques, Charte africaine des droits de l'homme, Charte arabe des droits de l'homme). Un procès comme celui qui vient de se dérouler à Tiaret apporte la preuve aux yeux du monde que l'Etat algérien ne respecte pas ses engagements les plus importants et que les juges interprètent les lois et règlements de façon erronée. J'ose espérer que les juges supérieurs rétabliront la bonne interprétation d'un texte contestable qui n'est pas conforme aux engagements du pays, car les conventions internationales ratifiées sont supérieures à la loi en Algérie.
La justice algérienne a, à l'évidence, besoin d'une mise à niveau, sous quelle forme pourrait-elle, selon vous, être envisagée ?
Une commission de réforme de la justice a fort bien travaillé, mais peu de ses recommandations ont été mises en œuvre et celles-ci restent toujours d'actualité. Il y a notamment un grand besoin de formation des acteurs de la justice, à commencer par les magistrats, les avocats et ceux qui y sont associés. Il y a là incontestablement un problème de mise à niveau qui renvoie à un autre problème, celui des facultés de droit où le niveau des juristes est tout simplement lamentable. Il y a de manière globale une chute anormale de la compétence et de la rigueur dans la manière de comprendre et d'enseigner le droit qui est absolument inquiétante. Ce ne sont pas les étudiants qu'il faut incriminer mais les enseignants dont le niveau est si bas qu'on se demande aujourd'hui comment on va assurer la relève lorsque les vieux fonctionnaires partiront à la retraite. Si je prends l'exemple de la Faculté de droit d'Alger, qui devrait donner l'exemple parce qu'elle est dans la capitale, on constate qu'elle s'est refermée sur elle-même et elle se complaît dans une médiocrité telle qu'elle déforme des générations d'étudiants. Elle n'a pratiquement aucun contact avec ses homologues à l'étranger, que ce soit au Maghreb, dans le Monde arabe ou en Europe ; aucun colloque international n'est organisé pour permettre des échanges intellectuels et aucune activité scientifique digne de ce nom n'y existe. Mon impression est que la Faculté de droit d'Alger fuit les contacts et échanges internationaux pour camoufler l'incompétence et l'incurie de son corps enseignant pléthorique. Par ailleurs, elle est d'un gigantisme effrayant avec 15 ou 20 000 étudiants, alors qu'il faudrait créer une, voire deux autres facultés, comme cela a été fait à Casablanca et à Tunis pour avoir des unités plus faciles à gérer.
La mise à niveau de la justice ne devrait-elle pas passer d'abord et avant tout par l'autonomie des juges ?
Les textes en tout cas proclament cette indépendance, mais la réalité est tout autre. Pourtant, il faut absolument que le juge soit indépendant, non seulement de l'Etat mais également du pouvoir économique. Il ne faudrait pas qu'en raison d'une dépendance économique, le plus riche obtienne justice uniquement du fait de sa position. Il faudrait donc à l'avenir faire attention à tout cela, car l'indépendance du juge est importante à tous égards et il ne s'agit pas de quitter une dépendance pour tomber sous autre. Cela étant, l'indépendance des juges suppose la réunion de plusieurs facteurs, même si le statut de l'organisme chargé de veiller sur la discipline du corps judiciaire est évidemment un élément déterminant, avec notamment une véritable indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.


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