Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    Rendez-vous à Timimoun en décembre prochain    Signature d'une convention de concession au groupe public Logitrans    Sayoud et Derbal à Blida afin de mettre fin au problème de la rareté de l'eau    Le Conseil de sécurité de l'ONU échoue à adopter un nouveau projet de résolution à cause du véto américain    «La désinformation médiatique continue d'être utilisée comme un outil pour détourner l'attention des atrocités commises»    Vendredi marque la date limite fixée par l'Assemblée générale pour qu'Israël mette fin à son occupation    Sedjati en finale du 800 m    Ligue 2 amateur : Occasion de confirmation pour les uns et de rachat pour d'autres    Ligue des Champions Le MCA et la JSK en quête de grandeur continentale    Une bande spécialisée dans le vol de véhicules neutralisée à Aïn Tedeles    Séminaire régional de préparation de la rentrée universitaire pour la région Ouest    Distribution de 10 bus scolaires au profit de 10 communes    Alger accueille la 13e édition    Le GPRA, pour la bataille politique et diplomatique    Bendouda préside à Alger l'ouverture des sessions    APN: Bouden reçu par le président en exercice de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN et sa secrétaire générale    Ligue 1 Mobilis: le MB Rouissat et l'O.Akbou co-leaders    Rentrée sociale: volets prioritaires pour la prise en charge des préoccupations du citoyen au centre de la réunion de Sayoud avec les walis de la République    Imad Hellali, un cinéaste passionné d'œuvres à contenu pédagogique    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    L'échec du Conseil de sécurité à adopter une résolution en faveur de Ghaza, un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    L'Algérie dénonce le caractère "éhonté" d'une requête déposée par le Mali auprès de la CIJ    UFC: lancement des cours à travers les différentes plateformes d'enseignement à partir de samedi    Salon international de l'agroalimentaire à Moscou: Des rencontres bilatérales entre opérateurs économiques algériens et leurs homologues de différents pays    Arboriculture: développement notable et perspectives prometteuses pour la filière pomicole dans les wilayas de Batna et de Khenchela    Wilaya d'Alger: intensification des opérations d'entretien et d'assainissement en prévision de la saison des pluies    Reconnaître la Palestine sera "un moment clé", affirme le Premier ministre luxembourgeois    Stellantis El Djazair signe un partenariat avec "Idenet" pour équiper les taxis de solutions GPS et de taximètres    Boughali assiste à un volet des travaux de la session de formation sur "les règles et procédures de protocole"    Chargé par le président de la République, Attaf reçoit l'Envoyée spéciale du Président ougandais    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati en finale du 800 m    Classement Fifa: l'Algérie à la 38e place mondiale    20e édition du festival national de la chanson amazighe attire de nombreux fans depuis son ouverture    M. Bouden participe en Malaisie aux travaux de l'AG de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN    El Bayadh Décès du Moudjahid Kherrouji Mohamed    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Lecture. L'engrenage de Pierre Jaffre
Crime de soleil
Publié dans El Watan le 19 - 06 - 2008

La colonisation française de l'Algérie n'a pas livré tous ses secrets. Il y a encore beaucoup à dire et à écrire sur les massacres, assassinats, tortures, viols, brimades, injustices, hameaux détruits au canon et incendiés, populations déplacées, villages entiers mis en quarantaine et soumis à la famine et leurs habitants tués dès qu'ils en franchissaient les limites territoriales.
Il reste encore des images, beaucoup d'images, d'atrocités enfouies dans les mémoires de ceux et celles, Algériens, mais aussi « progressistes » français, qui les ont subies, vécues et vues. Jean Jaffré, jeune professeur de lettres qui venait juste d'être nommé en Algérie, en savait un bout. Et il le livre dans un témoignage précieux, qui démontre les ressorts du fonctionnement, brutal et inhumain, de la machine coloniale, dont les instruments répressifs étaient les services de sécurité et l'appareil judiciaire. Lui, Français métropolitain, qui venait donc de débarquer à Philippeville (actuelle Skikda), n'a pas été épargné par le rouleau compresseur répressif de la colonisation. Il le dit avec simplicité, sans haine, ni rancœur, dans L'Engrenage, un récit autobiographique qui relate des faits qui se sont déroulés bien avant le début de la lutte de libération nationale, en 1952 précisément. L'Engrenage est passé presque inaperçu à sa sortie, en 2004, en France. Seuls deux ou trois journaux en ont parlé et il demeure méconnu autant des lecteurs français qu' algériens.
Arrêté comme un vulgaire brigand, criminel, il est jeté au cachot, puis traîné devant les tribunaux de Philippeville et d'Alger. Son crime ? Avoir pris la défense d'un adolescent algérien arrêté par des policiers parce qu'il « prenait le soleil » devant son domicile, un jour de grève de protestation contre l'arrestation de Messali El Hadj. « Pourquoi l'arrêtez-vous ? » L'intervention de Jean Jaffré a, sur le champ, pris les tournures d'un crime. Arrêté, menottes aux poignets, le jeune professeur de lettres breton, a été poursuivi, tenez-vous bien, « pour entrave à la liberté du travail ». Eh oui, il était accusé, pour cette simple intervention verbale, d'avoir empêché les policiers de faire leur travail, celui de pourchasser les « indigènes » et de les arrêter à tour de bras. C'était, à l'époque, leur seul gros travail, qu'ils accomplissaient avec zèle. Et quel gibier exceptionnel ! Un Européen de France qui prenait parti pour un musulman arabo-berbère récalcitrant à l'autorité de la République. Bien sûr, Jaffré pensait que cette affaire ne serait qu'un incident de circonstance et qu'il allait s'en tirer dans la journée même après reconnaissance de la méprise et des excuses !. C'était méconnaître le système colonial. Jaffré n'était pas seul dans les geôles du commissariat de Philippeville.
La nuit, « des chants de révolte, de confiance, et de défi lancé à nos geôliers » lui sont parvenus d'un cachot tout proche, dans lequel étaient enfermés des Algériens. Au matin, il devait comparaître devant le tribunal des flagrants délits. Le Français de France ignorait, comme il l'avoue, tout du fonctionnement des institutions judiciaires. M. Jaffré n'a pas mis longtemps pour découvrir le pot aux roses colonial : la discrimination érigée en système de gouvernement et une mascarade électorale imposant la domination des colons sur les autochtones. L'Engrenage met d'ailleurs à nu ce système électoral maison, mis en place par les colons. Cette pratique était menée, à l'époque, sous l'œil vigilant du gouverneur général, Naegelem, un socialiste de la SFIO. Il était « le maître d'œuvre, attentif, réputé pour son savoir-faire, de cette farce électorale généralisée, et qui s'affichait effrontément comme telle ». A Constantine, cette « mission » était gérée par un spécialiste, un serviteur expérimenté. Il s'agit de Maurice Papon. Celui-là même qui sera jugé et condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité commis durant la Deuxième Guerre mondiale. Papon était sous-préfet à Constantine, et l'auteur affirme : « On ne disait rien de son passé. Son expérience était trop précieuse dans ses fonctions présentes. Les prisons se remplissaient. Je me rappelle qu'on disait que quelqu'un était sous les verrous sous l'inculpation « d'outrage par le regard » à un fonctionnaire de police. » Ce criminel récidivera une dizaine d'années plus tard, à Paris, en qualité de préfet de police conduisant, le 17 octobre 1961, la répression sanglante des manifestants algériens.
Dans l'ambiance qui régnait à Philippeville, faite d'arbitraire, de répression, d'injustice, il n'y avait pas de place pour un humaniste comme Jaffré. La solution était vite trouvée. Ce gêneur a donc été mis à l'ombre, « hors d'état de nuire au repos des gens établis », c'est-à-dire des colons. Des « cerveaux » de la colonisation ont monté tout une cabale pour « éloigner » le professeur de lettre de Philippeville. Parce que ses opinions dérangeaient « certains personnages » de la ville. « J'ai été arrêté, traîné menottes aux mains à travers la ville, condamné à trois mois de prison et enfermé pendant un mois et demi parmi les voleurs et les assassins, pour avoir simplement protesté contre les brutalités commises à l'égard d'un Algérien, c'est-à-dire pour avoir voulu défendre ce principe que nous sommes chargés d'enseigner à nos élèves : quelle que soient sa religion et sa couleur, tout homme a le droit d'être respecté. ». Mais chez les colons, l'Algérien était tout juste un « indigène », comme en avaient décidé les dirigeants de la « patrie des droits de l'homme ». Le récit de Jean Jaffré constitue un « témoignage précieux sur une époque qui n'en finit pas de nous interpeller et de creuser des sillons », écrivait en février 2005
Le Monde Diplomatique. Jean Jaffré était revenu en Algérie à l'indépendance. Il avait enseigné pendant cinq ans au lycée Bugeaud, actuel Emir Abdelkader. Il avait assisté au coup d'Etat qui a renversé Ahmed Benbella en juin 1965… « Ici commençait une autre et bien plus longue histoire… », conclut-il. La note de présentation relève que Jean Jaffré « donne à lire un témoignage précieux sur les milieux communistes et nationalistes algériens où son travail de militant l'a conduit comme par « effraction » dans l'arrière-boutique où se préparait l'événement historique », c'est-à-dire le déclenchement de la lutte de Libération nationale.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.