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Au cœur de l'histoire des peuples algérien et français(*)
LE GENOCIDE DU 8 MAI 1945
Publié dans El Watan le 09 - 05 - 2006


Le silence assourdissant des historiens
La commémoration de ce 61e anniversaire des massacres du 8 mai 1945 revêt un caractère spécifique, au regard du retour en bataille de l'histoire coloniale convoquée de façon contradictoire, par les politiques d'Algérie et d'outre-mer. A la une depuis 1990 les « événements », les « massacres », le « génocide du 8 mai 1945 » et depuis peu « crimes de masses » ont connu une accélération en mai 2000, avant de s'emballer suite à la promulgation de la loi française 2005/158 du 23 février 2005 portant « rôle positif de la présence française outre-mer notamment en Afrique du Nord » (art.4). Alors que les politiques des deux rives débattent, par médias interposés, du colonialisme et de ses retombées sur l'histoire des peuples et de l'humanité ; alors que les historiens français ont été les premiers à monter au créneau pour dénoncer la pollution par voie législative d'une discipline qui vise à s'entre-déchirer, les historiens de l'Algérie, en hibernation depuis longtemps déjà sur nombres de questions, ne semblent pas interpellés par l'origine même de la crise politique qui secoue l'ancien département français colonisé à l'ex-métropole. Il ne faut pas être spécialiste pour se rendre compte que la recherche historique, ou plus précisément, la réflexion dans le domaine de l'histoire de l'Algérie d'une manière générale et plus particulièrement dans sa tranche 1926-1962, n'est plus le propre de l'université. Au lieu d'être scientifiquement à l'avant-garde, nous ne sommes même pas à la traîne d'un discours politique qui a su redonner un sens et une fonction à une discipline jusque-là instrumentalisée à outrance et marginalisée au possible. Bien sûr qu'il n'échoît pas aux politiques, les mieux intentionnés fussent-ils, de faire l'histoire et encore moins d'en fixer le statut. Faudrait-il encore que les universitaires concernés puissent répondre à la question clef :« L'histoire pourquoi faire ? ».
Vassaliser l'histoire à défaut d'exterminer les « musulmans »
Dès l'instant où les Algériens n'ont pas accepté la présence sur leur sol d'une armée d'occupation, ils sont entrés en résistance. Très vite, ils découvrirent que cette armée ne véhiculait pas seulement des fusils et des canons, mais plus dangereux encore, une idéologie. L'occupation du sol, l'extermination de tribus ou de fractions de tribus, les nouveaux plans d'urbanisation d'Alger qui entraînèrent la démolition d'édifices culturels et religieux, la codification de la chari'a et « l'islamisation de la loi française » (1896) sans parler bien sûr du sénatus-consulte (14 juillet 1865) et du statut de peuplement de la colonie devenue, suite à l'ordonnance royale du 22 juillet 1834, « possession française » etc., signifiaient clairement que le colonialisme s'en prenait à l'essence même de la culture de l'Algérie, c'est-à-dire à son âme. La France coloniale, ne pouvant annexer définitivement l'Algérie, cherchera à vassaliser son histoire après avoir mis sa mémoire sous embargo depuis le rapt des archives algériennes entre 1961 et 1962. Les massacres des mois de mai-juin 1945 en Algérie plongent leurs racines dans une double histoire : celle d'une France divisée, déchirée, occupée par le IIIe Reich puis libérée avec le concours des colonisés dont les Tirailleurs Algériens et celle d'une Algérie occupée plus d'un siècle plus tôt par cette même France. Le désir de liberté était vécu avec la même intensité par les peuples français et algérien en guerre contre le fascisme et le nazisme. « La raison d'Etat », symbolisée par l'homme du 18 juin 1940, armera la main de la milice coloniale transformant ainsi des villes et villages de l'Est algérien, en une multitude d'Oradour-sur-Glane. Avant même d'être libérée mais sur le point de l'être, la France combattante avait fait entendre que la « liberté » n'était pas un bien en partage. C'était et ce devait être une notion « impériale », restrictive et inextensible. La France libérée du joug nazi confirmera ainsi qu'elle n'était que la continuité de l'autre France, la France coloniale. De Gaulle qui avait communiqué au général Henry Martin (1944) que l'Empire était désormais « le plus vulnérable » en Afrique, l'instruit fermement en ces termes : « Prenez garde qu'au moment où nous libérons Paris, Alger nous échappe ». Ce réservoir inépuisable de vies humaines, que constituait pour elle l'Empire, avait pour tâche exclusive de servir la liberté de la France et des colonies, pas pour s'en servir pour reconstruire et forger l'avenir des peuples soumis par l'alcool et par les armes à feu. Alger, qui avait cessé d'être la capitale (1943-1944) de la France en guerre contre l'Allemagne, allait devoir faire face à une autre guerre livrée cette fois contre des civils sans armes. L'adversité a vite fait de changer de camp. L'Allemagne nazie n'était plus à l'ordre du jour et l'humiliation n'était plus l'armistice. « La rupture identitaire du PPA » était en cette veille de la libération de Paris, la préoccupation majeure de de Gaulle et le souci stratégique du général responsable du 19e corps d'armée. Les « arabophones » d'Algérie ne pouvaient trouver meilleur commandant en dehors du général de Gaulle parti en croisade contre ceux qui cherchaient à affaiblir la France en revendiquant l'autonomie. La guerre, qui sera faite aux Algériens insurgés, sera totale et sans merci. Elle mobilisera toutes les forces françaises disponibles en Algérie, en Tunisie, au Maroc et même celles de métropole et d'Allemagne. 40 000 hommes seront opérationnels, sans compter la gendarmerie, la Légion étrangère, la police d'Etat, les forces supplétives, les gardes champêtres et les gardes forestiers. Des bombes de fabrication britannique, destinées aux troupes allemandes conçues sur le modèle des futures bombes à fragmentation, ainsi que des bombes produites dans les usines d'armement américaines, seront larguées sur les populations civiles. Des bidonvilles entiers à Guelma, Sétif, Annaba etc. ont été rasés. La reconstitution des archives militaires fait état de la disparition de familles entières à Kherrata. Plus meurtrières que l'armée, les milices urbaines ont été évaluées à 3000 hommes dont « 800 fusils de guerre » pour Guelma seulement. Fraîchement débarqué dans cette petite ville qui vivait jusque-là dans une paisible quiétude, le général Maurice Schmidt, à l'époque officier supérieur, notera que ces miliciens faisaient « un emploi affreux de leurs armes ». Même là où aucune action subversive n'avait été mentionnée, comme à Bordj Bou Arréredj, la milice faisait le vide autour d'elle en tirant sur tout ce qui lui paraissait suspect. Les miliciens « se laissent même photographier pour la postérité » rapporte la littérature historique coloniale. Le 19e Corps d'armée, pétainiste la veille, veillera sur la sacro-sainte alliance partis de gauche - de Gaulle. « Quoiqu'il soit évidemment regrettable de « faire la guerre », alors que le « cessez-le-feu » a sonné en Europe, ces événements ont permis de voir que la Marine, tant à bord qu'à terre, n'avait rien perdu de ses belles qualités de combativité, de discipline et de moral élevé ». (in « Rapport du contre-amiral Amanrich, commandant la Marine à Alger sur la participation de la Marine aux opérations de rétablissement de l'ordre », SHAT, p.344.). L'arsenal militaire français, mobilisé contre l'Allemagne nazie, va servir à donner la mort à ceux qui ont envoyé leurs enfants à Monte Cassino en Italie où leur courage et leur détermination arrachèrent la victoire aux forces italiennes et allemandes. La France libérée sèmera la mort par terre, air, mer parmi les populations démunies des douars et les milliers de personnes qui erraient dans les montagnes fuyant l'armée et la milice coloniales. Cette guerre contre des montagnards, qui auraient assiégé Guelma par exemple - ce que démentent les archives - avait été préparée minutieusement et froidement. Dès le 13 février 1945, un « exercice sur carte en cas de troubles » avait eu lieu à Alger.
Le crématorium Lepori
Alors que le SS Adolf Eichmann ait été enlevé en Argentine pour être exécuté en 1962, le secrétaire général du Gouvernement général d'Alger, Pierre-René Gazagne, le préfet de Constantine, Lestrade Carbonnel, le commandant du 19e Corps d'armée, le général Henry Martin, le commandant de la division de Constantine, le général Raymond Duval, le colonel Georges Bourdila, le commandant Gobillot à Sétif ne furent jamais inquiétés. André Achiary, sous-préfet de Guelma, ancien commissaire de police, converti en la circonstance en superviseur de la milice coloniale qu'il venait d'armer en mars 1945 de fusils puisés dans les stocks de la gendarmerie de la ville, mourut en chef exilé de l'OAS dans son lit à Madrid en 1983. Après s'être fait la main sur les communistes - entre autres sur des filles- et sur les gaullistes, il donnera après sa conversion politique, la pleine mesure de son savoir-faire en matière de torture, de répression et d'organisation des escadrons de la mort qui s'étaient offert le luxe de mettre en place une cour martiale. Dans le « four crématoire Lepori » ; du nom du colon propriétaire des fours à chaux à Héliopolis, « pendant dix jours, on brûla sans discontinuer » pour dissimuler toutes traces des cadavres sommairement fusillés ; parce que, d'une part les chaleurs de juin accéléraient la décomposition des cadavres qui jonchaient toute une partie des terrains situés derrière les remparts, d'autre part il ne fallait pas que le ministre de l'Intérieur Adrien Tixier voit cela. L'histoire olfactive rapporte que « l'odeur à la ronde était insupportable ». En Allemagne « le chemin de la croix gammée conduisait directement aux fours ardents d'Auschwitz ». A Guelma le « camion tragique de la mort », conduisait les prisonniers de la caserne, de la gendarmerie et des autres prisons qui avaient fleuri dans la ville européenne, vers Héliopolis. L'odeur de la chair humaine brûlée - toujours la même - flotte encore et flottera pour l'éternité sur Guelma, comme elle flotte depuis 1942-1943 sur Auschwitz, Dantzig, Sobibor, Belzec ou Treblinka... Bien que les victimes des massacres des mois de mai-juin 1945 commis à Sétif, Kherrata, Guelma, Jijel, Annaba, Saïda etc..., soient des civils, c'est-à-dire des hommes et des femmes sans armes, tombés sous les balles de l'armée d'occupation sous les ordres des généraux Duval et Martin, elles seront exclues grâce au silence complice des autres alliés, du bénéfice du statut de victimes des crimes contre l'humanité pourtant clairement définis par la Charte du 8 août 1945. Les indigènes, comme « les Noirs n'étant pas complètement des hommes, les droits de l'homme ne peuvent s'appliquer à eux ».
Le parjure continue
Morts pour avoir « troublé l'ordre », ces martyrs de l'avant 1er novembre 1954 vont, près d'un demi-siècle après la restauration de l'indépendance nationale, faire l'objet d'un double parjure. Il y a eu d'abord ce discours du président français Jacques Chirac au Palais des Nations (4 mars 2003) dans lequel il disait son « émotion » de voir les parlementaires algériens l'« accueillir au Palais des Nations, à quelques kilomètres de cette baie de Sidi Ferruch où, il y a 173 ans, a commencé la présence française ». L'Algérie de l'ALN lui donnera une double accolade, fraternellement appuyée par une assistance des plus officielles qui applaudissait debout cette volonté de la France venue dire sa volonté « de développer avec l'Algérie une même vision de l'avenir, une même ambition pour le monde de demain, une même volonté de créer un partenariat d'exception entre (les) deux pays ». Dans l'euphorie débordante des grands jours, accentuée par la solennité du lieu, la toute petite phrase assassine est passée inaperçue. Il est vrai que l'hôte de marque de l'Algérie avait été accueilli avec un enthousiasme démesuré. Le peuple en liesse et avec lui la classe politique ne s'étaient pas rendus compte que la partie la plus vive et la plus sensible de l'histoire de l'Algérie venait de faire, subrepticement, l'objet d'une véritable OPA. Il y eut ensuite le vote par l'Assemblée nationale française de la loi 2005/158 du 23 février 2005, suivie à quatre jours d'intervalle, par l'historique déclaration de son Excellence l'ambassadeur de France en Algérie, faite devant un parterre d'étudiants et d'enseignants de rang magistral à l'université Ferhat Abbas de Sétif. Les médias et l'opinion publique n'ont retenu que ce qu'a voulu son Excellence l'ambassadeur qu'ils retiennent. La communication n'est-elle pas l'art de faire croire ?
L'incapable césure
Le Parti algérien, fondé en 1895 par des colons qui aspiraient à faire de l'Algérie une nouvelle Amérique française ou encore une Rhodésie au sud de la métropole, était plus qu'une politique, c'était une philosophie. A bien réfléchir, ce n'est pas la loi 2005/158 qui pose problème, mais les mécanismes invisibles d'une pensée en continuité incapable de césure confondant occupation, colonialisme, nostalgie et histoire. « L'Algérie française » n'est pas née avec l'organisation terroriste OAS. Elle n'est pas morte non plus avec la restauration de l'Etat algérien, dont l'existence historique a été contestée par le général président de Gaulle en personne en 1959. En ordonnant au général Henry Martin avant même sa nomination à la tête du 19e Corps d'armée, puis au gouverneur général d'Algérie, Yves Chataigneau, les 14 août 1944 et 12 mai 1945, d'« affirmer publiquement la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française sur l'Algérie », la France s'est rendue coupable, par la voix de son chef suprême le général de Gaulle, de crime avec préméditation commis sur une population sans arme. Il faudrait remonter le long cours de l'histoire coloniale en Algérie pour comprendre que le général s'était inscrit dans la continuité de la conquête, par l'extermination des opposants au système colonial. Le 8 mai 1945 n'est que la réédition du massacre des Aoufia par le Duc de Rovigo le 6 avril 1832, l'emmurement de la tribu Sbih (ou Sbéa) dans la vallée du Cheliff par le colonel Cavaignac en 1844, des enfumades de la tribu des Ouleds Riah dans le Dahra par le colonel Pélissier, le 11 juin 1845. 800 à 1000 « gredins » (in. Bugeaud) réduits à l'état de « bouillie humaine » écrira avec fierté Pélissier . Les comités de salut public, les cours martiales et le couvre-feu réactualisèrent « le marché noir de la mort » très florissant en ce printemps de l'année 1945, dans le quadrilatère Bougie-Sétif-Kherrata-Guelma. Les fosses communes des SAS et de l'armée, qui se comptent par centaines à travers toute l'Algérie, sont l'expression d'une pratique génocidaire inachevée en partage entre les politiques, les militaires et la milice coloniale. La dissimulation des traces des cadavres abattus froidement par « ces fils d'Hitler » dans le « four crématoire Lepori » n'est pas sans rappeler l'« opération spéciale 1005 » que l'autre criminel de guerre le Reichsfürer-SS et chef de la police allemande Heinrich Himmler, avait mis au point dès 1942 pour faire disparaître par incinération les cadavres des prisonniers juifs et russes qui gisaient au fond des fosses communes. Comme « le Standartenfürer- S.S. Blobel qui avait reçu instruction de ne tenir aucune correspondance à ce sujet », le chef de la milice guelmoise, André Achiary, aurait sûrement lui aussi été destinataire de la même instruction verbale. La visite incognito dans la nuit du 11-12 juin 1945, du préfet Lestrade-Carbonnel, venu en éclaireur, pour préparer la visite du ministre de l'Intérieur Adrien Tixier le 26 juin 1945, n'avait d'autre but que de « déterrer au plus tôt les cadavres et les faire disparaître » dans la nuit noire de la terreur blanche. Inutile donc de questionner des archives qui, de toute évidence, même si elles existaient, ne seraient pas rendues publiques.
Rôle positif du Nazisme ?
La France, comme les USA, exerce depuis quelques années de fortes pressions sur la Turquie pour qu'elle reconnaisse sa culpabilité en Arménie en 1915. La logique et l'histoire auraient voulu que la France, qui se dit attachée aux valeurs universelles, montre le chemin en reconnaissant ses propres crimes en Algérie et qu'elle pousse plus loin son raisonnement en répondant à la question inimaginable jusqu'au 23 février 2005 : « Peut-on parler de rôle positif du nazisme ? Aurait-il fallu pour en juger, que Paris et la France soient occupés pendant 132 années ?! » Les peuples libres d'Europe et les Alliés fortement appuyés par l'armée d'Afrique dont les Tirailleurs Algériens, ont fait front contre le nazisme et le fascisme. Aucune puissance n'a fait alliance avec les résistants pour s'opposer au colonialisme en Afrique, au Mechreq, en Asie, ou à Madagascar. Le temps de l'Europe et maintenant des Etats-Unis d'Amérique, n'est pas celui du reste du monde. Pour avoir subi le nazisme durant quatre terribles années, les Français, jaloux de leur liberté, avaient répondu par la résistance. Les manuels d'histoire (Vuibert, annales bac, 1998,) qualifient à juste titre la domination de l'Europe par l'Allemagne hitlérienne « de domination de la barbarie nazie ». L'« atroce épreuve commencée au printemps 1939 » a laissé de profondes traces dans le corps d'une Europe déchirée et meurtrie. Aux « affrontements idéologiques et moraux sans précédent » s'ajoutent « un désastre démographique et un désastre moral ». Le jugement des crimes nazis par le Tribunal international de Nuremberg entre novembre 1945 et octobre 1946, ainsi que la nouvelle notion de crime contre l'humanité considérée comme imprescriptible, sont les conséquences historiques immédiates et pérennes du nazisme qui inspirera au nom de « la raison d'Etat », bien avant et très longtemps après le 8 mai 1945, ceux qui à Alger ou Paris avaient en charge la colonie et l'Empire. A l'inverse, c'est au nom d'une conception partagée de la liberté que de nombreux Français de France et Européens d'Algérie soutiendront, au détriment de leur propre liberté et de leur vie, le peuple algérien qui n'a eu d'autre recours que celui des armes pour se libérer du colonialisme. C'est pourquoi aussi la demande d'abrogation de la loi du 23 février 2005 a mobilisé plusieurs centaines de Français. Les peuples se reconnaissent dans ce qu'ils ont de fondamental et de commun : leur liberté et leur dignité. Le reste n'est que pure politique politicienne, au mieux un va-t-en- guerre électoraliste.
Le mot de la fin ?
La guerre est une injustice. Mais plus grande encore est l'injustice des institutions nées après les guerres pour perpétuer, malgré le silence des armes, la domination du plus fort. Quelle différence y a-t-il entre nazisme et colonialisme ?! La sélection des races par l'élimination a commencé dans les colonies espagnoles et françaises. Des millions de personnes ont été massacrées pour la couleur de leur peau, de leur langue et de leur religion ; en un mot, pour leur culture. C'est la définition même du génocide que nos collègues français récusent dans le cas de l'Algérie. Des Algériens ont massacré entre le 8 et le 11 mai 108 Européens. Des miliciens ont fusillé, massacré, froidement des milliers d'Algériens par vengeance, par haine, par racisme. Il fallait que les indigènes courbent l'échine, « qu'ils rampent comme des chiens », qu'ils ne relèvent plus la tête. Il fallait les mâter. Je vous couvre, avait dit le préfet de Constantine Lestrade-Carbonnel le 8 mai au sous-préfet Achiary. C'est exactement ce que dira le préfet de police Maurice Papon à ses policiers le 17 octobre 1961. Le discours du représentant de l'Etat français à Constantine a blanchi les miliciens de mai : c'était « un abîme d'incompréhension entre les communautés » dira-t-il. La loi 2005/158 n'est autre que la légalisation des horreurs coloniales en Algérie. La notion de crime contre l'humanité reste foncièrement une notion raciste, puisqu'elle a été inventée et conçue à l'usage exclusif des juifs pour déculpabiliser l'implication de l'Europe dans la Shoah. Chirac et l'Eglise de France ont demandé pardon. Les droits de l'homme, comme la démocratie, la liberté d'opinion ou le suffrage universel, sont des notions très relatives. Leur universalité s'arrête aux frontières de l'homme blanc et si par hasard elles sont exportées, c'est pour mieux asservir ceux qui y ont cru. Reste le devoir de mémoire. Pour paraphraser Marcel Reggui, le devoir de mémoire nous commande de répondre à la question suivante « les musulmans, c'est-à-dire les Algériens, doivent-ils passer pour coupables dans cette extraordinaire tragédie ? Nous ne l'accepterons jamais. Pour notre honneur. Pour celui de la France » des droits de l'homme, pour ces Français, dont la liberté n'est pas un mot creux. « Tant que la justice n'aura pas été rendue aux victimes d'Achiary et de ses conseillers, jamais les musulmans de Guelma et de toute l'Algérie ne perdront la mémoire du sang innocent qui a été versé en mai 1954 ». Cet appel porte une date : été 1946. Il a été estampillé à Guelma.
-(*) Président de la Fondation du 8 mai 1945 Alger le 19 avril 2006
Références :
1 Ageron, Ch. R. : Les Algériens musulmans et la France (1871-1919), P.U.F. Paris, 1968, t.1.
2 De Gaulle, Ch. : Mémoires de Guerre. Le Salut 1944-1946, Plon, Paris, 1959, t.3.
3 Kobon Eugen : L'Etat SS. Le système des camps de concentration allemands ; Ed. de la Jeune Parque, collection Histoire 1993.
4 Kobon Eugen, Langbein Hermann, Rücherel : Les chambres à gaz, secret d'Etat, Ed.Minuit, collection Histoire, Paris, 2000.
5 Regui Marcel : Les massacres de Guelma. Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales ; Préface de J.P. Peyroulou ; La Découverte, Paris, 2006.
6 Rey-Goldzeiguer Annie : Aux origines de la guerre d'Algérie 1940-1945. De Mers El Kebir aux massaces du Nord constantinois, Casbah Editions, Alger, 2002.
7 Verges J : Les Crimes d'Etat. La Comédie judiciaire, Plon, Paris, 2004.


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