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La parole de Dieu contre l'intégrisme
Publié dans Ennahar le 27 - 02 - 2009

Aux yeux de bon nombre de ses lecteurs potentiels, le titre de ce livre doit déjà paraître osé, sinon provocateur, voire subversif. Penser le Coran ? Vous n'y pensez pas car le penser, c'est éventuellement le contester ou même le critiquer. En écrivant Penser le Coran (193 pages, 14,90 euros, Grasset), Mahmoud Hussein a fait pire encore : il a encouragé les musulmans à le contextualiser. C'est le grand mot de cet essai. Le gros mot ? Qui sait... Ce livre né d'une intuition est le prolongement l'appendice du précédent, Al-Sira, deux volumes passionnants dans lesquels Muhammad était raconté par ses compagnons dans leurs chroniques. L'auteur ramenait, sans les réduire, le prophète à sa qualité d'homme, et la Révélation à son contexte. Au cours d'une longue tournée dans de nombreux pays, il s'attendait à être interrogé sur cette manière assez singulière de traiter d'une histoire souvent sainte et sanctifiée. Or les lecteurs ne lui parlaient que d'attentats-suicide, de nourriture hallal, de peine de mort en cas d'apostasie, de lapidation de femmes adultères, de polygamie. De ce que le Coran autorise et de ce qu'il interdit. De pratique et d'actualité. Ce qui lui a donné le goût d'écrire ce nouveau livre. Dans un but, un seul : “souligner que la parole coranique entretient un lien vivant avec le contexte dans lequel elle a été révélée.” Cela paraît évident mais le raisonnement se heurte à une autre logique qui ne l'est pas moins : la Parole de Dieu n'est pas sujette aux aléas du temps.
puisqu'elle est par essence universelle et intemporelle ; qu'importe alors qu'elle se soit inscrite entre 610 et 632 de notre ère, qu'importent les événements, l'atmosphère, l'esprit du temps et les paramètres de ce moment historique…
Mahmoud Hussein reprend les principales sourates du Coran, par ses soins traduites dans une langue claire et précise, qu'il s'agisse des réponses de Dieu aux arguments des polythéistes, à ceux des chrétiens, ou à ceux des juifs, et les replace dans les circonstances de leur énoncé afin de rendre l'islam à son intelligence la plus adéquate. Il invite le musulman à ne jamais se faire le prisonnier d'un verset dans la mesure où tout verset appartient à son moment. Il fait la part de l'actuel et de l'inactuel dans le Livre, persuadé que la recherche peut aider à y voir plus clair. Il cherche à responsabiliser chaque musulman dans sa lecture du Coran afin de le mettre devant son devoir de le réfléchir. Il lui rappelle que ce qui fit la noblesse de l'islam, ce furent ses trois premiers siècles, lorsque les musulmans s'enorgueillirent de le penser justement sans craindre de s'égarer. Il souligne que Dieu ayant lui-même contextualisé, il faut s'autoriser à interpréter le contexte choisi par Lui. La démarche intellectuelle semble tellement évidente que d'aucuns la jugeront même basique, sauf à se rappeler qu'un texte sacré n'appelle pas nécessairement une lecture dite intellectuelle, munie des armes de le critique et de la méthodologie historiques, donc profanes.
Pourtant, faut-il le préciser : les réformateurs ne disent rien d'autre, les intégristes ne luttent contre rien d'autre ? Tout le principe de ce livre est une attaque frontale contre les littéralistes, ceux qui lisent le Coran au pied de la lettre, mot à mot, sans lever les yeux, et n'en sortent pas. Dès les premiers temps de l'islam, leurs maîtres affrontaient déjà les tenants d'une rationalisme aristotélicien dans le sillage duquel s'inscrit Mahmoud Hussein. Un bandeau vraiment provocateur ceint son livre :”La parole de Dieu contre l'intégrisme”. Sauf que personne ne se dit intégriste. Ces jours-ci, Mahmoud Hussein a participé à des débats sur son livre à Rabat et Casablanca. Il y avait foule à chaque fois, des auditeurs animés d'une sorte de ferveur, comme si son message “subversif de l'intérieur” faisait sauter un verrou. Mais de son propre aveu, cet assentiment rencontré dans un pays arabe était l'exception qui confirme la règle. Si les réformistes ont déjà tenu ce même discours il y a des siècles, qu'apporte donc Mahmoud Hussein ? Un autre prisme. Il me l'a exposé lors d'une conversation, l'autre soir au Maroc :
“Tous les réformateurs ont travaillé sur le Coran comme Livre, achevé, clos, compact, dans lequel ils se sont constamment trouvés sur la défensive, s'agissant d'extraire du texte un verset après l'autre, pour le replacer dans son contexte -avec les littéralistes dans le dos, qui leur reprochent d'oser réduire la Parole de Dieu à un propos de circonstance. Nous, plaçons le lieu de l'affrontement en amont, avant que le Coran ne soit devenu Livre, au moment où il est encore en train d'advenir, en train de ”descendre” du Ciel dans des situations changeantes, pour se mêler des choses de la terre. D'où le grand nombre des exemples cités, l'importance de donner “à voir” les multiples circonstances où la Parole est intervenue dans le temps, où elle a traité, non seulement de thèmes intemporels, mais aussi de choses relatives, conjoncturelles. Au bout du compte, il n'est même pas besoin de prouver l'historicité du Coran, elle va de soi, elle s'impose comme une évidence. Aux littéralistes qui disent: Qui es-tu pour contextualiser la Parole de Dieu? notre réponse, ou plutôt celle du Coran, est celle-ci: ce n'est pas nous qui la contextualisons, c'est Dieu qui a choisi de le faire. Nous renversons la charge de la preuve: c'est aux littéralistes de s'expliquer, de nous dire comment ils osent transformer les prescriptions circonstancielles de Dieu en commandements éternels.”
Un mot encore à propos de l'auteur. En fait, il est deux. Mahmoud Hussein est le pseudonyme de deux intellectuels français d'origine égyptienne, Adel Rifaat et Bahgat Elnadi. Militants de gauche, marxistes convaincus et soutiens de la cause palestinienne, ils connurent pendant de longues années les geôles nassériennes. Dans une vie antérieure, avant de se convertir à l'islam, le premier des deux s'appelait encore Eddy Lévy et il était le frère de Benny Lévy, futur fondateur de la Gauche prolétarienne et secrétaire de Sartre sous le nom de Pierre Victor (destins…). Réfugiés en France et naturalisés il y a une vingtaine d'années, ils devinrent fonctionnaires internationaux et dirigèrent Le Courrier de l'Unesco. Quand on dîne avec eux, l'un renvoie à l'autre dès qu'il s'agit de cuisine car “au camp, c'est lui qui nous faisait à manger, un vrai chef !”, avant de reprendre la parole en roulant les “r” :”Tu te souviens quand on était étudiants au Caire, dans l'amphithéâtre, il n'y avait pas une fille avec un foulard sur la tête…” Pas sûr qu'aujourd'hui, ils reconnaîtraient leurs pays dans l'Egypte des télécoranistes. Rifaat se dit laïc, Baghat athée. Ce qui ne les empêche pas de se laisser envoûter par la musique de la parole coranique, par la beauté de cette langue. Un islam réformé de l'intérieur, ils y croient même si les signaux ne sont pas précisément encourageants. “Yes, we can !” lancent-ils en souriant. Mais il faudra davantage qu'un slogan pour que l'expression “islam des Lumières”, appliquée non à la nostalgie d'un âge d'or mais au vécu du monde contemporain, avec tout ce qu'elle suppose d'humanisme et d'ouverture à l'autre, passe du statut de contradiction à celui de pléonasme dans l'esprit public.


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