Aujourd'hui, nombreux sont qui rendent hommage à la grande figure du quatrième art, Abdelkader Alloula (1939-1994). On citera, en premier lieu, le metteur en scène Rabie Oudjaout. Dans une nouvelle pièce, « L'ogre aux sept têtes », il envisage de rendre hommage au dramaturge. Son texte théâtral inédit fut écrit sous l'encadrement du regretté quelques années seulement avant sa tragique disparition, apprend-on de source sûre. Inscrite dans la pure tradition de la « halqa », si chère à Alloula, « El ghoul bou seb'aâ rissan » sera montée sur scène par de jeunes artistes de la coopérative théâtrale « Les amis de l'art » de Chlef. « Kessas Nessin » (Nouvelles de Nessin), interprétée en août dernier à Oran par de jeunes comédiens sous la direction de Jamil Benhamamouch (neveu de Alloula), assisté de Rihab Alloula (fille de Alloula), perpétue aussi le souvenir de l'artiste. Adaptée d'un texte d'Alloula et inspirée de l'œuvre du romancier turc Aziz Nessin (1915-1995), elle se compose de deux nouvelles intitulées « El Wajib el Watani » (le devoir national) et « El Wissam » (la médaille ou la récompense). Il convient de savoir que depuis 2011, l'œuvre théâtre d'Abdelkader Alloula est enfin disponible en librairie. On le doit à une jeune maison d'édition oranaise qui a bénéficié du concours des ayants droit d'Alloula et du ministère de la Culture. Cette édition en trois volumes, réunis en coffret, se réfère aux manuscrits originaux écrits en arabe. Elle contient, en outre, une iconographie, des réflexions et des entretiens publiés en annexes. Esprit indépendant, Abdelkader Alloula a animé durant plus de trente ans un théâtre en arabe populaire résolument inscrit dans la vie de la cité. Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fut également administrateur de théâtre et directeur de troupe. Né à Ghazaouet, le jeune Alloula s'initie au théâtre amateur au lycée, suit un stage en arts dramatiques en France et rejoint le Théâtre national algérien à sa création en 1963. Comédien, il joue sous la direction de Mustapha Kateb, « les Enfants de La Casbah » d'Abdelhalim Raïs et « le Serment », de Rouiched. Il a tenu des rôles dans les adaptations de « la Vie est un songe » de Calderon, « Don Juan » de Molière, « Roses rouges pour moi » de Sean O'Casey, « la Mégère apprivoisée » de Shakespeare, « les Chiens » de Tom Brulin. Il a côtoyé les grands noms du théâtre, comme Allal El Mouhib, Hadj Omar, et a interprété quelques rôles au cinéma. Poursuivant ses réflexions sur le théâtre populaire, il interroge la forme traditionnelle de la halqa (ronde autour du conteur sur les places de marché) qui privilégie, selon lui, « le récit, le dire à la figuration de l'action ». Drôle et truculent, l'arabe populaire d'Alloula a la vitalité de la langue parlée et la rigueur de la langue écrite, comme en témoigne la trilogie, tout à la fois épique et réaliste, des « Généreux », composée d'El Agoual (les Dires, 1980), El Adjouad (les Généreux, 1985) et El Litham (le Voile, 1989).