Voilà un mot qui commence à prendre de plus en plus de place dans le paysage musical algérien. Des troupes sont apparues dans de nombreuses villes et un festival national dédié au genre se tient à Adrar. En ce mois de Ramadhan, la salle Atlas où, naguère, retentissaient les mélodies de Houria Aïchi ou d'Aït Menguelet, est réservée aux mounchidine dont fait partie Djelloul qui fut un flamboyant chanteur de rai. Ces derniers cherchent visiblement à combiner le plaisir du chant et l'élévation spirituelle, même si l'art vaut surtout pour et par ses capacités de transgression. Tous les programmes d'animation, d'Annaba à Médéa, font une place à l'inchad qui séduit des catégories de la population. Des noms de mounchid comme Kamel Rezzoug d'El-Oued et Youcef Soltani de Blida sont connus. Faut-il faire la fine bouche, s'en moquer ? Il y a à peine quelques années, au nom de la religion, toute expression artistique était bannie. Des artistes ont même payé de leur vie une passion assimilée à un appel à l'égarement. Tout instrument était une flûte du diable « mizmar chitane ». Dans le répertoire classique algérien, tous les grands maîtres, de cheïkh Larbi Bensari à cheïkh El Hasnaoui, d'El Djermouni à Cheïkh Hammada, ont chanté Dieu et ses prophètes. Les thèmes religieux sous forme de récits puisés dans la tradition ou de conseils enrobés de morale traversent les chants de Guerrouabi, Kamel Bourdib. La tradition musicale kabyle, en la matière dont Mokrane Agawa était un des plus illustres représentants, célébrait les dates et les personnages de l'islam. Même Slimane Azzem, chantre de l'exil et de ses tourments, a consenti dans « Ayuliw utuv », a composé un texte sur les vertus de la repentance. El inchad ne paraît pas s'inscrire dans cette tradition immémoriale adossée à un islam soufi et à une riche poésie populaire comme celle de Lakhdar Benkhlouf ou de Ben Msaieb. Il se manifeste davantage comme l'expression artistique compassée d'un islam mondialisé qui s'ancre dans un espace dépassant, voire niant les traditions nationales. Celles qui ont toujours fait la richesse de l'islam. Il refuse aussi l'usage des instruments contrairement au madih traditionnel ravivant, dans un souci d'authenticité, des pratiques des premiers temps de l'islam. Qu'importe si le genre assimile la religion à un message de paix. Ses adeptes ne tournent pas le dos à la beauté et aux bons sentiments. C'est déjà ça !