C'est elle qui fait carburer les énergies, qui permet de gravir les échelons de la société, qui procure, à celui qui la donne et qui la reçoit, respect et considération. Elle est une vraie constante nationale. Elle est entrée dans les mœurs de la République et se pratique à tous les échelons de sa hiérarchie. Ses ressources rendent la vie tellement plus facile. Grâce à elle, tout devient aisé, mariage somptueux des enfants, vacances de rêve, demeure à plusieurs étages, ripaille, meubles de luxe, omra à répétition, largesses pour s'acheter une place au paradis, etc. Dans l'Algérois, on l'appelle la tchippa. C'est le fameux pot-de-vin. C'est la somme d'argent, plus ou moins rondelette, qui se glisse de main à main, pour aplanir les difficultés tatillonnes de la loi, accaparer un bien indu, obtenir un jugement en sa faveur, faire condamner un innocent, débouter un ayant-droit, faire réussir à un concours professionnel son cancre de rejeton, dédouaner à moindres frais une marchandise sous-déclarée, obtenir un crédit bancaire, un permis de construire, un logement social, un permis de conduire, un visa de sortie, etc. Les passe-droits que peut procurer la tchippa sont innombrables. Ils vont du privilège qui peut rapporter des millions de dollars à la carte d'accès pour prendre l'avion. La tchippa s'appelle «el-guass» ou «lehnnana» à l'extrême-est, «el-qahoua» à l'Ouest. Ici et là, elle peut s'appeler «El-bay, el-masrouf, les feuilles, etekhmima, l'émir Abdelkader, kassaman, etc». Ceux qui s'y adonnent ne sont presque jamais inquiétés et ne prennent plus la peine de dissimuler leur butin. Ainsi, il est courant de voir des fonctionnaires, des magistrats, des employés de banque, des élus et bien d'autres responsables dont le revenu est relativement bas, habiter de somptueuses résidences, rouler carrosse et dépenser sans compter. Mais il y a aussi les autres... Là haut.