Résumé de la 5e partie n Sue Ellen venait de lui donner elle-même le moyen de la tuer. Elle rencontrerait la mort dans un tragique accident. Elle reprit enfin sa respiration. Rejetant la tête en arrière Ellsworth contempla les cieux. Il trouvait vraiment que les interventions sur naturelles — même rageuses — n'étaient pas de jeu. Sue Ellen eut un sourire joyeux qui s'évanouit presque aussitôt : — Je l'ai sacrément démolie. — La grange ? — La grange aussi. Mais je pensais à la voiture. Elles sont toutes les deux, fichues. Pour le moment, j'ai la bagnole de cousine Tina. Mentalement, Ellsworth déduisit le coût d'une voiture et d'une grange de l'héritage qu'il toucherait dès qu'il aurait mis au point un nouveau plan, plus sûr, pour se débarrasser de Sue Ellen. Il fut effondré du peu de moyens qui s'offraient à lui pour assassiner quiconque en toute sécurité. Après étude des magazines spécialises et de la littérature criminelle, il éprouva un grand découragement en constatant que l'assassin était bien trop souvent arrêté. Les meurtres qui réussissaient le mieux étaient les fusillades tirées plus ou moins au hasard depuis une voiture, qui demeuraient, dans l'ensemble, impunies. Mais elles se pratiquaient surtout en milieu urbain, alors que Sue Ellen et Ellsworth vivaient nichés dans les collines, sans le moindre coin de rue à portée de fusil. Susciter une guerre des gangs dépassait ses moyens. Le problème venait de ce que les enquêteurs, une fois leur attention concentrée sur le crime, disposaient de méthodes épouvantablement précises pour identifier le coupable, jusqu'à comparer son ADN avec la moindre de ses traces. De l'avis d'Ellsworth, la médecine légale avait beaucoup trop progressé. Quoi qu'il en soit, les accidents survenus à la maison lui paraissaient plus susceptibles de passer inaperçus : les gens claquaient la langue et secouaient a tête, puis passaient leur chemin sans s'appesantir de manière indue. Donc, un lundi matin, avant de partir pour une nouvelle journée à se tourner les pouces et à contempler les murs de son bureau, Ellsworth graissa avec soin le bac de la douche à l'aide de la crème de nuit de Sue Ellen. Sur quoi, il laissa choir le flacon et s'en fut. Sue Ellen aimait à commencer sa journée un peu plus tard que lui. Elle n'était pas «du matin», selon le cliché qu'elle affectionnait, et il lui fallait une douche brûlante pour «redémarrer son vieux moteur». Cette fois, il espérait mieux. Plein d'optimisme, il la voyait glisser et s'ébouillanter ou succomber à une fracture du crâne, ou encore, boucher la bonde d'évacuation dans sa chute et se noyer. Des accidents de ce genre se produisent tout le temps, et ne méritent même pas un entrefilet. Ce plan comportait une part d'imprévu, et cela lui plaisait. Il était au rez-de-chaussée, à boire son café en lisant son quotidien du matin, quand la vieille tuyauterie de la maison signala que la douche de Sue Ellen fonctionnait à pleine puissance. A suivre