Résumé de la 1re partie 1er décembre 1920, dans les Alpes italiennes. On décide enfin de construire un barrage qui fournira de l?électricité à la région. L'ingénieur en chef, agacé, pressé de régler l'affaire, finit par trouver une idée. Il aura la vieille par son fils ! Pour l'instant, il n'en parle pas. Il faut que les patrons de la société du futur barrage soient d'accord et ils le seront sûrement, car cette idée risque de porter un coup à la jeteuse de sort, et il le faut, car plus les travaux sont retardés, plus elle a de temps pour impressionner les gens avec ses malédictions. En outre, la vieille entêtée, malgré le caractère angélique de son nom, Serafina, est réputée un peu sorcière et ces choses-là sont difficiles à contrer. Le fait est qu'elle soigne, paraît-il, par les herbes, qu'elle chasse le mauvais sort quand un agneau a le ventre gonflé et autres balivernes. L'ingénieur en chef poursuit sa propre action psychologique. Souriant, sûr de lui, image même de l'homme de progrès, il ne manque jamais de dire à ces gens simples que tout ça, ce sont des sornettes. Mais ce n'est pas facile, car il y a l'environnement. Autour de cette haute vallée, qui porte déjà le nom de Via Mala, la «voie mauvaise», tous les sommets portent des noms du genre : pic du Diable ou barre de l'Enfer. Et ces gens-là qui, depuis des siècles, vivent à leur ombre, croient aux forces surnaturelles. Marcello Biandini a beau tenter d'expliquer que tous ces noms venaient d'une chose naturelle, qu'il connaît bien. Il y a dans cette région, tous les étés, des orages magnétiques. D'où l'ambiance de sorcellerie venue des anciens et perpétuée par la vieille Serafina. Les braves bergers ne sont pas forcément butés. D'ailleurs, ils écoutent l'ingénieur avec intérêt, mais ne savent pas quoi penser. Tout cela est trop rapide ; ils hésitent entre l'ancienne et la nouvelle vérité. Entre la sorcière et l'ingénieur en chef. Pendant ce temps, Serafina continue à tendre l'index et le petit doigt en maudissant l'ingénieur, les habitants du hameau, les vaches, les moutons, les chèvres, les chiens, et jusqu'aux meules de foin de tous ceux qui vendent leurs terres. Les bras tendus vers la vallée, elle maudit toute l'Italie qui fait construire des barrages et détruit les troupeaux. Et, comme le pape bénit le monde entier du haut de son balcon, Serafina maudit du haut de sa montagne, urbi et orbi, aux quatre points cardinaux. Ce ne serait rien, et en tout cas ce serait moins grave s'il n'y avait le journaliste. Celui-là n'arrange rien. Envoyé par un magazine à sensation, il est venu chercher, dit-il, des «tranches de vie» autour du projet de barrage. Et il est tombé sur Serafina le premier jour ! Et il s'en est donné à c?ur joie dans ses colonnes : «Serafina, la vieille sorcière, défend sa vallée contre l'ingénieur en chef !» Il a même publié la photographie de la vieille faisant le signe du diable ! Avec dans la colonne parallèle la photo de Marcello Biandini ! Et grâce à la mise en pages, les clichés étant accolés, Serafina a vraiment l'air de lui jeter le fameux sort en première page ! Les administrateurs de la société sont ravis, c'est une excellente publicité et ils ne manquent pas d'en faire part à leur ingénieur en chef. Pour mettre en valeur les arguments de la vieille, le journaliste parle également de la disparition des pâturages et des indemnités, miroir aux alouettes ; son article prend l'allure d'une campagne et il est temps d'en finir, sinon la politique va s'en mêler. (à suivre...)
