Remise en service de 12 trains "Coradia"    Chlef : nécessité de renforcer et de moderniser les équipes d'intervention spécialisées    Représentant le président de la République, M. Rebiga prendra part mercredi aux célébrations du bicentenaire de l'indépendance de la Bolivie    L'Algérie remporte la première édition    Sûreté de wilaya d'Alger : démantèlement d'un réseau de faux-monnayeurs et saisie de plus de 100 millions de centimes falsifiés    Annaba: diverses manifestations artistiques clôtureront les Jeux scolaires africains    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan s'alourdit à 61.020 martyrs    Abdelmadjid Tebboune préside la cérémonie    Jeux africains scolaires: L'Algérie remporte la première édition    Boudjemaa met en avant les réformes structurelles et la modernisation du système judiciaire    Forte hausse de la valeur des actions échangées au 1er semestre 2025    Cérémonie en l'honneur des pensionnaires des établissements pénitentiaires lauréats du baccalauréat et du BEM    Un ministère d'Etat chargé de la planification stratégique et sept à huit pôles économiques régionaux    1500 Palestiniens tombés en martyrs en tentant d'obtenir de la nourriture    La « Nuit des musées » suscite un bel engouement du public à Tébessa    De l'opulence à l'élégance contemporaine, le bijou d'Ath Yenni se réinvente sans perdre son âme    Canex 2025: 6 courts métrages algériens en compétition    Inscriptions universitaires: plus de 70% des nouveaux bacheliers orientés vers l'un de leurs trois premiers vœux    Jeux africains scolaires: Les athlètes algériens se sont distingués de manière "remarquable"    La FICR condamne une attaque contre le siège de la Société du Croissant-Rouge palestinien à Khan Younès    Bordj Badji-Mokhtar: installation du nouveau chef de sureté de wilaya    La République philosophique que l'Occident refuse ou est incapable de comprendre    Journée nationale de l'ANP: les familles honorées saluent la culture de reconnaissance du président de la République    CHAN-2025 Les équipes, même sans le ballon, veulent dominer    Retour triomphal du Cinq national    Atelier international de formation sur le patrimoine mondial    Nasri adresse ses voeux à l'ANP à l'occasion de la célébration de sa Journée nationale    Université d'été du Front Polisario : le référendum d'autodétermination, seule solution à la question sahraouie    Bouira : lancement du projet de raccordement du barrage de Tilesdit à la SDEM de Béjaia    Organisation de la 14e édition du Festival culturel national de la chanson Raï du 7 au 10 août    De nouvelles mesures en vigueur durant la saison 2025    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Jeux africains scolaires: L'Algérie préserve sa première position au tableau des médailles après la 8e journée    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    L'hommage de la Nation à son Armée    L'Europe piégée et ensevelie    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoires vraies
Le voleur de nom
Publié dans Info Soir le 28 - 06 - 2005

En 1946 ou en 1947, Georges V., un Angevin de 28 ans, se fait dérober sa valise à la gare Montparnasse, à Paris ; il est furieux, car elle contient des effets personnels, son livret de Caisse d'épargne qui marque un crédit de 42 francs de l'époque, ainsi que d'autres papiers personnels. Mais après tout, ce n'est pas une perte mortelle et quelque temps plus tard, Georges pense à autre chose. Personne n'a touché à ses 42 francs, il a remplacé les chaussettes et les chemises manquantes. On ne lui a volé que des bricoles. Du moins le croit-il car, en fait, on lui a volé bien plus que cela. Mais il lui faudra attendre encore quarante-cinq ans pour savoir qu'on lui a volé... son nom.
Le 15 octobre 1991, Georges, fidèle à sa province natale, demeure toujours à Angers. Il est, depuis trente-cinq ans, l'époux légitime de Madeleine B. et c'est celle-ci qui prend dans la boîte les lettres déposées par le facteur. Madeleine apprend par le courrier que le couple ne recevra plus la retraite de Georges car celui-ci est... décédé. Et de rire, tous les deux, de bon c?ur : vraiment, il n'y a que l'administration pour inventer des gags pareils ! Ils rient moins quand, le mois suivant, ils s'aperçoivent qu'effectivement les paiements attendus sont interrompus. Ils se précipitent aux guichets concernés et on leur confirme que, malgré les apparences, Georges V., né le 24 novembre 1918 à Angers, est non seulement mort, mais dignement enterré sous une superbe dalle de granit dans le cimetière de Châteaubriant, près de Nantes. On y lit même cette pensée mélancolique : «Le temps passe, le souvenir reste.» Georges peut constater, en consultant le registre du cimetière, qu'il est officiellement mort le 17 novembre 1989, à l'hôpital de Châteaubriant. Il ne lui reste plus qu'à porter plainte contre X pour usurpation d'identité. Bien sûr, celui qui, coupable présumé, repose ? en paix espérons-le ? sous la dalle de granit, n'a plus rien à craindre de la justice humaine. Mais cela permettra à Georges de lancer une enquête en rectification, de revivre officiellement et de continuer à toucher sa retraite. Quant au faux Georges V., il gardera sans doute son mystère pendant longtemps. Il apparaît à Nantes, au début des années cinquante, et l'enquête démontre qu'il trouve alors du travail chez une vieille demoiselle de bonne famille qui l'emploie comme valet de chambre et n'a qu'à se louer de ses services. Muni d'excellents certificats, il sert ensuite pendant deux ans chez un médecin qui se souvient de lui comme d'un homme athlétique, discret, rêveur, cultivé, gentil, peu bavard. Il lui avoue : «Je suis un ancien des Bat' d'Af !» Les bataillons disciplinaires d'Afrique chargés de mater les fortes têtes. «J'ai eu une vie un peu chahutée, mais à présent je suis rangé.» Comment en vouloir à un ancien pécheur qui fait montre de tant d'humilité et de bonne volonté ? Le voilà ensuite dans une entreprise de menuiserie où on le trouve sympathique, mais ne parlant jamais de lui. Sympathique aussi, telle est l'opinion qu'on a gardée de lui aux fameux biscuits Lefèvre-Utile. Aux Brasseries de la Meuse, on trouve qu'il a du savoir-vivre. Aux Charbonnages de l'Ouest, on dit qu'il sait se tenir à table. Le pseudo-Georges devient ensuite maçon : étrange métamorphose pour un valet de chambre distingué. Mais il évite de fréquenter les chantiers où il aurait eu à côtoyer des Maghrébins. Il loge dans une petite chambre sans grand confort dans la Grande-Vallée, un quartier un peu louche de Nantes. Personne ou presque ne pénètre chez lui. On sait cependant qu'il se passionne pour l'histoire et qu'il dévore les ouvrages. Il fréquente aussi les philosophes. Toujours distingué, toujours discret. Pourtant, quelqu'un dit avoir reçu des bribes de confidences : il lui avoue un jour, paraît-il, dans un moment bien concevable de sincérité, qu'il est d'une famille bourgeoise, qu'il se nomme Girard, est né en 1912 à Angers, qu'il a reçu une éducation soignée. Puis, brouille avec la famille. Les «Bat' d'Af». La guerre du Rif. Retour à Paris. Les Croix-de-Feu du célèbre colonel de La Rocque. Une affaire de cambriole ; Fresnes, dont il s'évade en 1943. Une femme et une fille tuées dans les bombardements. Tout ça est si loin. La prescription aurait joué depuis longtemps. D'autres subodorent des activités dans la milice. Les registres ont été détruits à la Libération. Un accident du travail survient, bouleversant sa calme existence. Sur les fiches, il inscrit qu'il est séparé de Madeleine B. Comment connaît-il l'existence de celle qui n'est devenue la vraie madame V. que dix ans après le vol de la valise à la gare Montparnasse ? Passe-t-il son temps libre à espionner son double ? Un lien secret le lie-t-il à celui qui, sans le savoir, lui a donné son nom ?
Quand arrive l'heure de la retraite, le pseudo-Georges V. s'abstient de faire les démarches nécessaires. Sans doute, légitimement, craint-il d'être confronté à celui dont il a volé l'identité... Il vit de petits boulots, toujours correct, toujours serviable : sorties de poubelles, jardinage... Il devient concierge en échange de la gratuité de son logement. Toujours costaud, toujours prêt à donner un coup de main, ne demandant jamais rien, essayant, de toute évidence, de ne pas se faire remarquer. Jusqu'à ce que la leucémie le rattrape, jusqu'à ce que quatre personnes seulement suivent son convoi au cimetière de Châteaubriant. A présent, il repose sous une dalle dont il avait économisé le prix.
Le mystère reste complet pour le voleur de nom, qui a vécu toute sa vie dans une prison sans barreaux plus terrible qu'une véritable geôle : celle de la peur.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.