Université Ferhat-Abbas de Sétif: 3 chercheurs obtiennent un brevet dans le domaine de la dosimétrie luminescente    Première édition du Salon "Algeria Rail-Expo 2025", à partir de mercredi à Oran    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste grimpe à 54.927 martyrs    Amical/Suède-Algérie: test révélateur pour les "Verts"    Meeting International de Moscou (800 m): l'Algérienne Nesrine Abed bat un record vieux de 38 ans    L'Aïd El-Adha célébré dans la joie, la sérénité et la solidarité    Relizane: décès du Moudjahid Lazreg Chenane    Tissemsilt: réception du site touristique du barrage de Koudiat Rosfa    Bataille de Sidi Abderrahmane à Chlef : unité des rangs et actions héroïques ancrées dans la mémoire nationale    Handball/Mondial U21 : la sélection algérienne en stage de préparation en Pologne    Vague de chaleur sur trois wilayas de l'Ouest à partir de lundi    Industrie pharmaceutique: 4e édition du salon Alpharma du 26 au 28 juin à Annaba    Le système de santé de Ghaza est sur le point de s'effondrer    Ghaza: Le CNP appelle la communauté internationale à traduire sa position en actions conduisant à l'arrêt de l'agression sioniste    La large mobilisation des commerçants et des opérateurs économiques à travers le pays, saluée    Les Verts sans forcer    Une fête célébrée dans une ambiance de piété, de joie et de pardon    Un geste généreux en collaboration avec l'Association Rawafid El Ataâ    Coco Gauff renverse Aryna Sabalenka et décroche son premier sacre parisien    Echec au Conseil de sécurité    Une vie dédiée à l'éducation et à la littérature    Une symphonie culturelle en hommage à la création    El-Meghaïer: l'écrivaine Lamia Brik aspire à promouvoir la littérature pour enfant    Décès de l'ancien journaliste de l'APS Abderrahmane Mekhlef: Boughali présente ses condoléances    Mise en service de trois centres de proximité de stockage de céréales    Décès de l'ancien journaliste de l'APS Abderrahmane Mekhlef : le ministre de la Communication présente ses condoléances    Aïd El Adha : le Général d'Armée Saïd Chanegriha préside la cérémonie de présentation des vœux    «Le crime raciste d'Hichem Miraoui a été directement inspiré par les idées du Rassemblement national»    Plus de 4 millions ont fui leur pays    Se libérer de la rente des hydrocarbures et accélérer les réformes pour une économie diversifiée dans le cadre des valeurs internationales    Lorsque le tourisme et la sécurité routière ne font qu'un...    Développement et aménagement de la baie d'Alger    L'importance d'une vision cinématographique respectueuse de la précision des faits historiques soulignée    Une série d'accords signés entre l'Algérie et le Rwanda    L'Ecole rend hommage au professeur Walid Laggoune    Enjeux géostratégiques mondiaux et tensions sécuritaires au niveau de la région sahélienne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoires vraies
Le voleur de nom
Publié dans Info Soir le 28 - 06 - 2005

En 1946 ou en 1947, Georges V., un Angevin de 28 ans, se fait dérober sa valise à la gare Montparnasse, à Paris ; il est furieux, car elle contient des effets personnels, son livret de Caisse d'épargne qui marque un crédit de 42 francs de l'époque, ainsi que d'autres papiers personnels. Mais après tout, ce n'est pas une perte mortelle et quelque temps plus tard, Georges pense à autre chose. Personne n'a touché à ses 42 francs, il a remplacé les chaussettes et les chemises manquantes. On ne lui a volé que des bricoles. Du moins le croit-il car, en fait, on lui a volé bien plus que cela. Mais il lui faudra attendre encore quarante-cinq ans pour savoir qu'on lui a volé... son nom.
Le 15 octobre 1991, Georges, fidèle à sa province natale, demeure toujours à Angers. Il est, depuis trente-cinq ans, l'époux légitime de Madeleine B. et c'est celle-ci qui prend dans la boîte les lettres déposées par le facteur. Madeleine apprend par le courrier que le couple ne recevra plus la retraite de Georges car celui-ci est... décédé. Et de rire, tous les deux, de bon c?ur : vraiment, il n'y a que l'administration pour inventer des gags pareils ! Ils rient moins quand, le mois suivant, ils s'aperçoivent qu'effectivement les paiements attendus sont interrompus. Ils se précipitent aux guichets concernés et on leur confirme que, malgré les apparences, Georges V., né le 24 novembre 1918 à Angers, est non seulement mort, mais dignement enterré sous une superbe dalle de granit dans le cimetière de Châteaubriant, près de Nantes. On y lit même cette pensée mélancolique : «Le temps passe, le souvenir reste.» Georges peut constater, en consultant le registre du cimetière, qu'il est officiellement mort le 17 novembre 1989, à l'hôpital de Châteaubriant. Il ne lui reste plus qu'à porter plainte contre X pour usurpation d'identité. Bien sûr, celui qui, coupable présumé, repose ? en paix espérons-le ? sous la dalle de granit, n'a plus rien à craindre de la justice humaine. Mais cela permettra à Georges de lancer une enquête en rectification, de revivre officiellement et de continuer à toucher sa retraite. Quant au faux Georges V., il gardera sans doute son mystère pendant longtemps. Il apparaît à Nantes, au début des années cinquante, et l'enquête démontre qu'il trouve alors du travail chez une vieille demoiselle de bonne famille qui l'emploie comme valet de chambre et n'a qu'à se louer de ses services. Muni d'excellents certificats, il sert ensuite pendant deux ans chez un médecin qui se souvient de lui comme d'un homme athlétique, discret, rêveur, cultivé, gentil, peu bavard. Il lui avoue : «Je suis un ancien des Bat' d'Af !» Les bataillons disciplinaires d'Afrique chargés de mater les fortes têtes. «J'ai eu une vie un peu chahutée, mais à présent je suis rangé.» Comment en vouloir à un ancien pécheur qui fait montre de tant d'humilité et de bonne volonté ? Le voilà ensuite dans une entreprise de menuiserie où on le trouve sympathique, mais ne parlant jamais de lui. Sympathique aussi, telle est l'opinion qu'on a gardée de lui aux fameux biscuits Lefèvre-Utile. Aux Brasseries de la Meuse, on trouve qu'il a du savoir-vivre. Aux Charbonnages de l'Ouest, on dit qu'il sait se tenir à table. Le pseudo-Georges devient ensuite maçon : étrange métamorphose pour un valet de chambre distingué. Mais il évite de fréquenter les chantiers où il aurait eu à côtoyer des Maghrébins. Il loge dans une petite chambre sans grand confort dans la Grande-Vallée, un quartier un peu louche de Nantes. Personne ou presque ne pénètre chez lui. On sait cependant qu'il se passionne pour l'histoire et qu'il dévore les ouvrages. Il fréquente aussi les philosophes. Toujours distingué, toujours discret. Pourtant, quelqu'un dit avoir reçu des bribes de confidences : il lui avoue un jour, paraît-il, dans un moment bien concevable de sincérité, qu'il est d'une famille bourgeoise, qu'il se nomme Girard, est né en 1912 à Angers, qu'il a reçu une éducation soignée. Puis, brouille avec la famille. Les «Bat' d'Af». La guerre du Rif. Retour à Paris. Les Croix-de-Feu du célèbre colonel de La Rocque. Une affaire de cambriole ; Fresnes, dont il s'évade en 1943. Une femme et une fille tuées dans les bombardements. Tout ça est si loin. La prescription aurait joué depuis longtemps. D'autres subodorent des activités dans la milice. Les registres ont été détruits à la Libération. Un accident du travail survient, bouleversant sa calme existence. Sur les fiches, il inscrit qu'il est séparé de Madeleine B. Comment connaît-il l'existence de celle qui n'est devenue la vraie madame V. que dix ans après le vol de la valise à la gare Montparnasse ? Passe-t-il son temps libre à espionner son double ? Un lien secret le lie-t-il à celui qui, sans le savoir, lui a donné son nom ?
Quand arrive l'heure de la retraite, le pseudo-Georges V. s'abstient de faire les démarches nécessaires. Sans doute, légitimement, craint-il d'être confronté à celui dont il a volé l'identité... Il vit de petits boulots, toujours correct, toujours serviable : sorties de poubelles, jardinage... Il devient concierge en échange de la gratuité de son logement. Toujours costaud, toujours prêt à donner un coup de main, ne demandant jamais rien, essayant, de toute évidence, de ne pas se faire remarquer. Jusqu'à ce que la leucémie le rattrape, jusqu'à ce que quatre personnes seulement suivent son convoi au cimetière de Châteaubriant. A présent, il repose sous une dalle dont il avait économisé le prix.
Le mystère reste complet pour le voleur de nom, qui a vécu toute sa vie dans une prison sans barreaux plus terrible qu'une véritable geôle : celle de la peur.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.