Oubli n La violence au quotidien et les rivalités politiques ont occulté une autre réalité du décor irakien, la crise humanitaire. Des milliers de handicapés, de malades et de sans-abris manquent de médicaments, d'eau et d'autres commodités. Dans un pays ravagé par la violence quotidienne et dont l'économie, déjà fragilisée par une dizaine d'années d'embargo, est ruinée par l'insécurité, les ONG tentent d'apporter un peu de réconfort aux handicapés. Le travail humanitaire est devenu l'une des missions les plus difficiles dans le pays. La plupart des ONG internationales sont parties en raison de l'insécurité. Environ 80 ONG étrangères, dont beaucoup d'ONG arabes, et 200 nationales, continuent néanmoins à opérer en Irak. «Elles ne peuvent assurer leur propre sécurité. En quatre ans, 80 travailleurs humanitaires ont été tués. C'est plus que partout ailleurs», affirme un membre du Comité de coordination des ONG en Irak (Ncci), basé à Amman. Outre les morts, 25 travailleurs ont été arrêtés, 86 enlevés et 245 blessés lors des quatre dernières années, selon les chiffres du Ncci. Jambes inertes, regard apeuré, Yasameen, 5 ans, infirme moteur cérébral, est une des victimes de la violence continuelle qui ravage l'Irak. Une des rares ONG encore présentes à Bagdad tente de lui apporter un peu de réconfort avec un fauteuil roulant. «Ma fille est en état de choc depuis qu'un obus de mortier est tombé à côté de l'église près de chez nous. Avant, elle était en bonne santé, elle parlait, elle disait maman,papa et d'autres mots», affirme sa mère, que le mutisme soudain de l'enfant a rendu soucieuse. «Ca ne sert à rien de lui donner des médicaments dont elle n'a pas besoin. Elle a besoin d'aide pour marcher», affirme un médecin de l'ONG irakienne Aide aux handicapés et union humanitaire. Quelque 2 600 personnes handicapées sont inscrites dans le centre situé à Doura, un quartier sunnite au sud de Bagdad et théâtre de nombreuses violences. L'ONG a ouvert en 2004 à la chute du régime pour venir en aide aux handicapés, distribuant fauteuils roulants et prothèses, et prodiguant des soins et des cours de rééducation. Aujourd'hui, la situation s'est encore compliquée. De très nombreux médecins d'ONG ont quitté le pays. «Les organisations gouvernementales prennent six à sept mois pour fournir un fauteuil roulant. Nous, cela nous prend une demi-heure», souligne le docteur Abbas, en désignant une dizaine de fauteuils neufs posés contre un mur, à côté des boîtes de nourriture et des boissons que l'ONG offre à ses patients. Et c'est justement dans ces périodes difficiles que l'Irak a le plus besoin des ONG, affirme un représentant de l'ONG , qui souligne que seuls 30% des Irakiens ont de l'eau potable, que la nourriture se fait rare, que les hôpitaux manquent de sang et de médicaments et qu'il y a des dizaines de milliers de déplacés sans abri.