Cela lui semble encore incroyable. «Je n'en reviens pas. C'est moi, la première femme maire d'Egypte», lance Eva Habil, portée à la tête d'un gros village copte de la vallée du Nil. Cela n'était jamais arrivé. Madame la maire, en jean et tricot rose, arpente avec aisance les ruelles en terre de cette localité de 10 000 habitants. «Mon père était déjà maire, je suis née ici, je n'ai rien d'une parachutée», lance-t-elle. Comme ailleurs en Haute Egypte, c'est donc la règle de la succession dynastique qui est respectée dans ce village d'éleveurs, à 95% des coptes, qui s'étale entre les berges fertiles du Nil et l'aride montagne du désert. «Même ma mère rêvait d'enfanter un garçon, et quand je suis née elle n'a pas caché sa tristesse», raconte-t-elle. C'est face à cinq hommes du village, dont son frère cadet, qu'elle a emporté la mairie. Femme, célibataire et copte, Eva, une avocate de 53 ans, savait, en se lançant en politique, qu'elle partait avec des handicaps majeurs dans un pays machiste et gangrené depuis trente ans par l'islamisme.