La pérennité de toute activité humaine dépend fondamentalement de sa capacité à garantir sa propre autonomie financière, à produire, à innover, à créer de la plus-value et générer de l'emploi. On peut toujours subventionner ou sponsoriser une filière donnée dans un objectif de vulgarisation et de promotion. Mais, en fin de compte, elle doit absolument en tirer profit pour voler de ses propres ailes. Sinon, sa survie dépendra toujours des circonstances et des humeurs de ses bienfaiteurs. La culture, considérée chez nous - à tort, bien entendu- comme un secteur budgétivore, recèle un grand potentiel d'investissement pourvu que l'on engage les politiques qu'il faut. La ministre de la Culture, Nadia Labidi, annonce de belles choses dans ce sens pour l'année 2015. Elle promet d'ouvrir une profonde réflexion sur l'ensemble des festivals «budgétisés» pour évaluer leur impact sur le public et leur apport en termes de dynamique culturelle pérenne. Sinon, à quoi cela servirait-il de maintenir des manifestations onéreuses qui n'apportent absolument rien ni au public, ni aux artistes, ni au mouvement culturel dans son ensemble ? Pour la nouvelle année, la ministre compte aussi développer le soutien au mouvement associatif. En direction des promoteurs privés, l'accent est mis sur le développement des industries culturelles à travers l'encadrement des aides publiques au profit des créateurs d'entreprises. La valorisation du patrimoine, l'encouragement de l'investissement privé, l'aide à la création, la protection des artistes, sont autant d'autres points inscrits sur l'agenda du département de la culture. Tout cela traduit une certaine volonté de réforme pour un meilleur placement des derniers publics affectés à la cause culturelle. Il est vrai qu'on en parle depuis longtemps, mais sans résultats palpables. Il est grand temps de joindre, enfin, l'acte à la parole en s'inspirant des expériences des pays où le cinéma, le spectacle, le patrimoine, les belles lettres et les beaux arts constituent un véritable moteur de la croissance. Dans ces contrées, la culture, en plus de son autosuffisance financière, booste d'autres secteurs porteurs comme le tourisme, la recherche scientifique et l'essor social. L'Algérie dispose d'un patrimoine culturel, riche et diversifié, qui n'a absolument rien à envier à tous ces pays. Mais, la culture algérienne n'a pas encore dépassé le stade de l'assistanat public. Il est temps de dépoussiérer cette sacrée politique culturelle. Tôt ou tard, nos institutions, nos artistes et nos créateurs seront amenés à travailler, à créer, à investir, à se lancer sur le marché à leurs risques et périls, alors autant le faire dès maintenant. En s'émancipant ainsi, le mouvement culturel gagnerait des espaces d'expression supplémentaires et améliorerait son aura. C'est un secteur où il y a, en effet, beaucoup d'argent à gagner et de richesses à créer. Il est temps de mettre un terme à cette culture de la rente en lui substituant celle du travail, de l'effort, de la création et du succès. Cela vaut aussi de nombreux autres secteurs d'activité. K. A.